« Tous les Êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués
de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de
fraternité ».
En une phrase, peut être deux, tout était dit et le reste de cette résolution, les articles suivants, ne font que préciser, expliquer et développer ce premier article qui englobe tout à la fois :
- son caractère universel : « Tous les êtres humains »
et ses 3 principes fondamentaux :
- La Liberté : « Tous les hommes naissent libres »
- L’Égalité : « Tous les hommes naissent égaux en dignité et en droits »
- La Fraternité : « Ils doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de Fraternité »
La portée et l’influence maçonnique de cette déclaration ne font aucun doute :
LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ et UNIVERSALITÉ des droits sont des piliers de la pensée maçonnique.
Pour essayer d’appréhender toute la portée de cette déclaration, je ne vous épargnerai pas un petit rappel historique, rassurez-vous, assez bref.
Chronologiquement, le premier texte faisant explicitement référence aux Droits de l’Homme de façon Universelle est le texte de la Déclaration de l’Indépendance des États Unis d’Amérique signé le 4 juillet 1776 à Philadelphie.
Nous citerons parmi les cinq représentants chargés de ce projet les illustres « Benjamin Franklin » et « Thomas Jefferson » qui ont été largement inspirés par la Philosophie des Lumières du 18ième siècle (pour la petite histoire Thomas Jefferson était un Planteur de Pennsylvanie qui possédait des esclaves noirs au moment où il rédigea ce texte) !
« Tous les Hommes sont créés égaux… »
Grâce à ces hommes, un conflit fiscal déboucha sur un grand texte politique qui déclara pour l’Éternité que les Hommes naissent égaux et que la vie, la liberté et la recherche du bonheur, font partie de leurs droits inaliénables.
J’aimerai croire ici que tous les conflits sociaux puissent se régler d’une telle manière et je pense en ce moment aux mouvements sociaux qui font l’actualité en France ces dernières semaines.
La suite nous la connaissons, ces hommes visionnaires pris dans une émulation favorable à l’élévation de leurs esprits, décident d’outrepasser leur mandat initial, de se proclamer en Assemblée Constituante et de rédiger cette déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, dont je ne peux m’empêcher de citer son article 1er :
« Les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
Il a fallu attendre plus d’un siècle et demi après ces deux textes, pour que l’Organisation des Nations Unies, l’ONU, proclame la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme le 10 Décembre 1948.
C’est en réaction aux atrocités de la seconde guerre mondiale que l’Assemblée Générale des Nations Unies adopte « La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ».
Sur les 58 États participants à l’ONU, 50 États ont approuvé cette Charte.
Aucun État ne s’est prononcé contre et huit États se sont abstenus. Il s’agit de :
- L’Afrique du Sud dont le régime ségrégationniste de l’Apartheid se refuse d’admettre l’égalité devant la loi sans distinction de race.
- L’Arabie Saoudite qui conteste l’égalité Homme – Femme.
- Et des pays du bloc communiste (Pologne, Tchécoslovaquie, Yougoslavie et Union Soviétique) qui considèrent que la proclamation des Droits Collectifs sont prédominants sur les Droits Individuels.
Enfin deux États n’ont pas pris part au vote : Le Yémen et le Honduras.
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme est actuellement le texte le plus traduit dans le Monde.
Après ce rappel historique, en quoi ce texte peut-il être qualifié d’UNIVERSEL ?
En d’autres termes, à partir du moment où je nais, où je suis vivant, par essence et sans aucune autre condition, je me vois reconnaître des droits ; des droits qui me sont inaliénables et dont personne ne peut me les contester.
À cet égard, nous ne pouvons qu’être admiratifs de la portée Universelle de la Déclaration de l’Indépendance des États-Unis et de la Déclaration française des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Les membres qui ont rédigé ces deux textes auraient pu écrire :
« Tous les Américains sont créés égaux »
ou
« Les Français naissent et demeurent libres et égaux en droits …»
Mais non, ils ont tenu à écrire :
« TOUS LES HOMMES SONT CRÉÉS ÉGAUX »
Et
« LES HOMMES NAISSENT LIBRES ET ÉGAUX EN DROITS »
Cela signifie qu’ils ont étendu cette égalité des droits non pas seulement aux Américains ou aux Français mais à l’Humanité entière.
En cela, ces deux textes restent d’une modernité et d’une portée considérable.
Il faut imaginer des hommes appelés à Paris, pour proposer des solutions à un problème de Finances Publiques, qui n’ont connu que la Royauté comme système politique avec une société basée sur trois ordres sociaux totalement cloisonnés entre eux (l’Aristocratie, le Clergé et le Tiers-État). Ces hommes se proclament « Assemblée Constituante » et imaginent ce texte de portée universelle : « TOUS LES HOMMES NAISSENT LIBRES ET ÉGAUX EN DROITS » alors que le Roi règne toujours, qu’il incarne l’État et qu’il dispose d’un pouvoir absolu héréditaire et de droit divin.
En comparaison, la Déclaration Universelle de l’ONU en 1948 apparaît d’une ambition plus modeste et finalement avec peu d’avancées par rapport à celles des États-Unis d’Amérique et Française.
Après les terribles crimes contre l’Humanité perpétrés durant la seconde Guerre Mondiale, il fallait qu’un maximum de Nations approuvent ce texte et les auteurs ont recherché le plus petit dénominateur commun dans la liste des droits reconnus à l’homme plutôt que d’élargir l’ensemble de ces droits au risque de limiter le nombre des Nations signataires.
Comme son nom l’indique, ce texte est une Déclaration, sans véritable portée juridique. C’est une proclamation de Droits, c’est à dire qu’il n’existe aucune sanction pour un État qui ne la respecterait pas.
C’est le problème de l’effectivité des Droits de l’Homme et des garanties juridiques positives. Le représentant permanent des États-Unis auprès des Nations-Unies a d’ailleurs comparé ce texte à une lettre adressée au Père Noël.
Néanmoins, plusieurs pays l’ont inscrite dans leur constitution et s’obligent donc à l’appliquer.
C’est d’ailleurs souligné dans son préambule, je cite :
«L’Assemblée Générale proclame la présente Déclaration Universelle des Droits de l’Homme comme l’idéal commun à atteindre pour tous les peuples et toutes les Nations, afin que tous les Individus et tous les Organes de la Société, ayant cette Déclaration constamment à l’esprit, s’efforcent, par l’enseignement et l’éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d’en assurer, par des mesures progressives d’ordre national et international, la reconnaissance et l’application universelles et effectives, tant parmi les populations des États membres eux-mêmes que parmi celles des Territoires placés sous leur juridiction »
C’est donc un idéal commun à atteindre, qu’on s’efforce de développer par des mesures progressives…
Son application est donc toute relative, en particulier dans les pays en voie de développement.
En effet, en quoi proclamer l’Égalité des Droits, ou la Liberté de voyager, ou l’accès à la Culture ou même la Démocratie va améliorer les conditions de vie d’un pauvre Somalien ou d’un Mauritanien ?
Vous savez qu’il existe aujourd’hui, par exemple en Mauritanie, des dizaines de milliers de personnes qui vivent en esclavage.
Mais le plus surprenant est que ce sont des esclaves volontaires qui n’ont pas besoin de chaînes, ils travaillent sans être payés et ils sont même enviés par ceux qui n’ont pas de Maître et qui n’ont que pour toute liberté que de rester dans leur misère.
Car pour celui qui n’a rien, vraiment RIEN, être esclave c’est déjà un progrès social.
Je vais être exploité, pas payé, souvent maltraité mais au moins mon Maître va veiller un minimum sur moi, non par empathie mais par intérêt : il va me nourrir pour que je puisse travailler, me fournir un endroit pour dormir et m’abriter et peut être me soigner…
Alors pour ces êtres misérables, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, c’est loin, très loin, ce n’est même pas utopique, c’est presque un non-sens.
Il est très difficile de mettre en application cette Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et les conditions pour qu’elle soit effective sont complexes.
Il faut d’abord garantir à l’Homme la satisfaction de ses besoins physiologiques (le nourrir, le maintenir en bonne état de santé) puis ses besoins de sécurité (lui offrir un environnement stable et prévisible, sans anxiété ni crise) puis lui donner une éducation sinon l’égalité des droits comme le droit d’association, la démocratie ou le droit de voyager ne sont que des notions chimériques.
Je n’invente rien, le psychologue Abraham MASLOW l’a parfaitement décrit dans sa théorie de « La pyramide des besoins humains » où il montre qu’il faut d’abord satisfaire les besoins fondamentaux de l’Homme avant de satisfaire ses besoins supérieurs sinon la pyramide est inversée et elle s’effondre.
Une autre limitation à son caractère universel est que, depuis 1948, de nouveaux droits sont apparus et ont été revendiqués, droits qui ne sont pas mentionnés dans les 30 articles de cette déclaration.
Alors, j’ai essayé d’imaginer, sans être exhaustif, les articles manquants qui pourraient figurer dans ce texte si on devait l’écrire aujourd'hui :
Article 31 : Considérant l’homme comme perfectible, nul individu ne peut être condamné à la peine de mort quelle que soit la gravité des crimes commis, toute personne a droit à une détention respectant sa dignité et favorisant sa réinsertion.
Le droit à une fin de vie douce et choisie :
Article 32 : Tout individu qui aura manifesté de façon répété et intangible son désir d’interrompre sa propre vie, quel que soit ses motivations, aura droit à une euthanasie douce et accompagnée par l’aide de moyens médicaux appropriés en ayant le choix de la date de sa mort.
Le droit à vivre sainement :
Article 33 : Toute femme et tout homme aura le droit de jouir d’un environnement non pollué et d’une nourriture saine et naturelle lui garantissant un état de santé optimum.
Le droit à l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes :
Article 34 : À travail et compétence égaux, le niveau de rémunération entre un homme et une femme sera équivalent.
Le droit à l’avortement :
Article 35 : Toute femme, disposant librement de son corps, peut décider de pratiquer une interruption volontaire de grossesse en respectant le délai maximum fixé par les autorités médicales.
Le mariage pour tous :
Article 36 : À partir de l’âge nubile, deux individus, sans aucune restriction quant à leur sexe, leur race leur nationalité ou leur religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille avec des droits égaux pour les deux. Le marriage ne peut être conclu qu’avec le libre et plein consentement des futurs époux.
Le droit à circuler sur la terre entière :
Article 37 : Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence non seulement à l’intérieur d’un état mais dans toutes les autres parties du monde sans exception. Aucune frontière d’un état souverain ne pourra être un motif à restreindre sa liberté de circulation sur la totalité des terres, des mers et des cieux qu’il sera en capacité de visiter.
Le droit à un système politique démocratique :
Article 38 : Considérant que la démocratie est le seul système politique garantissant la volonté du peuple et que cette démocratie ne peut exister sans une pluralité de partis politiques, les représentants de l’opposition auront le même droit d’accès aux systèmes d’information que les membres du pouvoir en fonction lors des campagnes électorales.
Le droit à une information plurielle :
Article 39 : Considérant que le droit à une information plurielle est la condition indispensable à pouvoir se forger son propre jugement sur les affaires politiques, économiques et sociales du monde, la liberté de la presse, radio, télévision et des réseaux d’internet est garantie.
Article 40 : Nul ne peut obliger un journaliste à dévoiler ses sources d’information qui bénéficient d’une protection absolue.
Le droit à une juste répartition des richesses :
Article 41 : Considérant que la richesse créée au sein d’une entreprise est le résultat du travail de tous ces employés, l’ensemble des rémunérations de son PDG ne pourra excéder 15 fois la rémunération la plus basse des salariés et si ses actionnaires décident d’augmenter le PDG de x %, ils devront aussi augmenter l’ensemble des salariés du même pourcentage.
On pourrait continuer ainsi longtemps tant le domaine des droits de l’homme est un vaste chantier, que ces droits soient déjà reconnus ou à conquérir.
Alors que dire en conclusion, à l’anniversaire de cette déclaration qui vient de fêter ses 70 ans ?
Triste anniversaire il est vrai car la promesse de ce texte fondateur de l’après seconde guerre mondiale est loin d’avoir été tenue.
Il y a même un incroyable effet de miroir historique quand on lit son article 1er et qu’on le relit au sentiment d’inégalité qui est au cœur du mouvement des gilets jaunes en France.
Cette déclaration reste un idéal vers lequel tendre mais il s’avère bien plus difficile que prévu à réaliser.
Le texte de 1948 a toujours du mal, 70 ans après, à être considéré comme le socle des valeurs communes de l’humanité.
Aujourd'hui encore, il est au mieux ignoré et contourné, au pire combattu au nom de la négation de l’universalité.
Car ces clivages existent toujours :
La Chine a récemment répondu aux critiques sur le traitement de la minorité des OUIGHOURS en déclarant que les droits de l’homme sont une invention occidentale.
Une partie du monde islamique continue de placer les lois religieuses au-dessus des valeurs universelles et les États Unis viennent de se retirer du Conseil des droits de l’homme de l’ONU tout comme ils refusent la Cours Pénale Internationale au nom de la souveraineté.
On le voit encore avec le pacte sur les migrations signé cette semaine à Marrakech et qui se place dans l’esprit de l’article 13 de la DUDH sur la libre circulation. Non contraignant, il est cependant vivement attaqué par les nationalistes.
Cette magnifique déclaration reste un idéal, un but à atteindre pour les pays qui y adhèrent, un espoir pour les peuples des pays qui en sont privés. Comme tous les idéaux, celui-ci est souvent malmené.
Le paradoxe est que nombre des objectifs de cette déclaration ont connu à l’échelle mondiale de grands progrès comme la réduction de la pauvreté.
Mais sur bien d’autres, c’est au contraire la régression sur tous les continents y compris en Europe. Ce 70e anniversaire aurait dû être l’occasion du renouvellement d’un engagement sur la voie des droits humains mais pour Amnesty International, la DUDH de 1948 ne serait même pas adoptée aujourd'hui si on la remettait au vote des pays appartenant à l’ONU.
Triste, triste, triste époque.
J’ai dit V :. M :.
F :. A :. Hu Mo. RL MV