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Une histoire de Vienne 1900-1946 (Eine Geschichte aus Wien)

6/4/2019

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Statue du Roi de la Valse, Johann Strauss Jr auteur de „Geschichten aus dem Wiener Wald“ Vienne (CC BY-SA 4.0) Music: courtesy of Musopen Wikipedia
Le récit «Une Histoire de Vienne»* a été écrit en 2009, destiné avant tout à mes petits enfants. J`y remémore les phases décisives du sort de mes grands-parents et de mon père, avec à l’arrière-plan, ma ville natale, Vienne, avant et pendant la 2éme guerre mondiale. Ce récit évoque également mes souvenirs d’enfant de 4 à 6 ans, mémoire qui est restée étonnamment vivante. 

​* L’allusion un peu trompeuse de notre titre est intentionnelle. A quoi penseront nos lecteurs seniors en le lisant ? A la Vienne de 1910, la grande ville impériale avec la  brillance de la cour des Habsbourg. Aux symboles de cette période élégante et insouciante à la veille d’une catastrophe, aux bals et cercles de la bonne société, dansante et intrigante. Les jeunes lecteurs penseront plutôt à la belle ville d’aujourd’hui, avec un passé glorieux, qui se trouve régulièrement à la tête du classement mondial pour sa qualité de vie. Ils connaissent une Vienne qui a pris l’ascenseur dans les décennies, après la catastrophe du 20eme siècle, la deuxième Guerre Mondiale. Les offices de tourisme et les  tour-operators parleront beaucoup de Sissi et très peu de la période trouble entre les deux guerres. Notre « histoire de Vienne » montre une autre face de la réalité de cette période. C’est une histoire sans gloire, sans gaîté et sans chansons à boire au Prater et aux « Heurigen ».
​
La conscience qu’il n’y aura bientôt plus de témoins de cette époque ténébreuse et le fait de disposer, depuis l’année 2000, de nombreux documents de ma famille, ont rendu possible une analyse parfois douloureuse de ce qui s’est vraiment passé.
PhotoPacte diabolique enter Staline et Hitler : la « nonagression » des bandits entre eux.
…Début juin 1939, un petit groupe de détenus amnistiés du camp de concentration de Buchenwald arrivait à la Gare du Nord de Vienne. Un quasi miracle s’était produit: les Nazis firent quelques gestes de «bonne volonté» à Staline, afin d’accélérer la conclusion du pacte «Molotov-Ribbentrop» qui devait rendre possible d’attaquer la Pologne sans risque. Un geste calculé, les Nazis ont relâché quelques communistes juifs, avec l’obligation de quitter le Reich immédiatement.  

​Parmi eux, un homme de 27 ans, Max Hoffenberg, mon futur père,  antifasciste et communiste illégal, de descendance juive, mais pas du tout pratiquant. La déception profonde de ses camarades et de lui-même devant la collaboration soudaine de leur guide adoré J.W. Staline avec leurs ennemis jurés, était compensée par le soulagement d’avoir pu quitter un lieu de brutalité, où la mort était présente tous les jours. 

Afin de régler son départ au plus vite, Max avait l’autorisation de revoir ses parents, Gitel et Jakob Hoffenberg. Leur situation avait profondément changé: lors du terrible pogrom de novembre 1938 - la "Nuit de cristal" dans la terminologie nazie - mes grands-parents avaient été expropriés de leur petit magasin d’alimentation et se retrouvaient relogés dans un appartement qu’ils devaient partager avec trois autres familles. 
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Vitrines des commerces juifs 1938 - source Demokratiezentrum Wien
​Évidemment, Max voulait aussi dire adieu à son amie Milli, il n’avait pu avoir aucun contact avec elle les 15 mois derniers qu’il avait passé à Dachau et Buchenwald. Milli (Emilie) Charaus…ma future mère, était pourtant mariée à Hans Charaus, instituteur, lui aussi antifasciste et même camarade de Max pendant leur internement par les « Austro-fascistes » au camp de Wöllersdorf en 1936-37. 

Mais voir Milli maintenant… un homme à la tête rasée, maigre et marqué par le camp, obligé de s’annoncer à la Gestapo régulièrement ? Malgré tout, ils se sont donné rendez-vous pour une randonnée dans la foret de Vienne... et l’auteur de ce récit est né en février 1940 comme enfant légitime de Hans et Emilie Charaus, donc comme Peter Charaus. Hans Charaus était parfaitement au courant des circonstances, mais jusqu’en 1945-46 il a été mon père, impeccable et correct. 
PhotoMax H. 1946
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​Après la guerre, en décembre 1945, mon père Max H. va revenir comme soldat anglais. Démobilisé il va épouser Milli, et il restera à Vienne pour toujours. (Quand des gens demandaient pourquoi il était revenu il répondait : «Hitler ne peut pas me prendre ma patrie, ce salaud ») 

La famille H. à Vienne  1900-1938

Mes grands-parents Jakob et Gitel Hoffenberg, étaient venus à Vienne de Czernowitz (aujourd'hui Moldavie) en 1901. Vers 1910 environ 200.000 Juifs vivaient à Vienne, la Monarchie Austro-hongroise en comptait environ 3 millions. 

A peu près un tiers des Juifs viennois était assimilé et très bien intégré, deux tiers étaient pauvres, donc une proportion pas différente de la population « aryenne ». Mais, à Vienne ils étaient proches de l’empereur protecteur et  loin des pogroms fréquents en Galicie et en Ruthénie. 

Depuis environs 1860 les Juifs étaient  plus ou moins libérés. Et alors, la sélection darwinienne de survie, et le fait que les juifs ont depuis toujours appris à lire et écrire, ont facilité leur entrée en masse dans les universités, dans l’art, dans les sciences, dans le monde des entreprises et dans la politique, en général de la gauche, dite « Austro-marxiste ». Qui ne connaît pas Gustav Mahler, Alban Berg, Arnold Schönberg, Stefan Zweig, Arthur Schnitzler, Franz Werfel, Sigmund Freud, Viktor Frankl, Franz Kafka, Joseph Roth, Elias Canetti, Benedikt Kautsky, Otto Bauer et d’autres qui ont sans doute enrichi cette époque et celle entre les guerres en Autriche et en Europe.

Mon grand-père était, pourtant, un simple ouvrier-artisan, tourneur de bois. En 1915 il sera appelé par l’Empereur et la Patrie et servira 38 mois au front des Dolomites. 
PhotoMédaille des soldats juifs au début de la 1ere Guerre Mondiale, 1914 Collection Muzikant
​Il était plutôt socialiste, Juif, mais l’Empereur, il l’adorait. 23 ans plus tard, ses décorations ne seront aucunement prises en considération par les Nazis et ne changeront pas le sort de Jakob et Gitel.

Ils auront deux fils : Leo (1908) et Max (1912). Max va «quitter le judaïsme» à 14 ans et se consacrer à la « lutte internationale contre l’inégalité et pour la libération de l’humanité ». Il sera camarade du futur chancelier  Bruno Kreisky chez les étudiants socialistes. Après la guerre civile de 1934 - entre les Sociaux-démocrates et la droite «noire» monarchiste-cléricale, dite austro-fasciste - il sera relégué de l’Université et il deviendra communiste. Il passera la plupart des années suivantes en prison et au camp d’internement, jusqu’en 1937. 

PhotoKibboutz Yas'ur (Israël), 1949.
​

​Son frère Leo-Aryeh sera sioniste et kibboutznik et vivra en Palestine dès 1928. 


Voilà, les deux possibilités typiques de choix pour les jeunes juifs engagés de cette époque. 
 
Dix-sept lettres échangées entre mes grands-parents et Leo-Aryeh d’un coté et de mon père de l’autre, dans les années 1938-1941 serviront de base principale à mon écrit documentaire.

La famille à Vienne après 1938 

En Mars 1938 les troupes allemandes occuperont l’Autriche. 

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​Schuschnigg le chancelier chrétien-social, un homme assez modéré et patriote incontestable, tâche dans la dernière minute de s’allier avec ses ennemis de la gauche,  pour combattre la menace nazie. Hélas, c’est trop tard. Personne ne va risquer sa vie contre l’avalanche de l’Anschluss. 
PhotoKonzentrationslager Lagerstraße (KZ) Dachau, – Wikipedia,
​Les «rouges» et les «noirs» engagés, vont très bientôt se rencontrer dans les KZ sur la «Lagerstrasse». (Leur alliance forgée par la terreur existait encore jusqu'à 2017, sous forme de la fameuse «Grande Coalition» …rompue dernièrement par sa propre érosion et sous la pression de la nouvelle droite extrémiste).

Mais, en 1938 une majorité des Autrichiens étaient enthousiasmés par Hitler. Après des années amères de chômage et de pauvreté, Hitler leur promettaient travail, bien-être et rétablissement de la fierté «deutsch-national», personne ne voulait croire à une guerre.

​Les nazis autrichiens arrêteront immédiatement leurs adversaires pour les amener aux camps de concentration.  Les Juifs (encore env. 120.000 à Vienne, dont 90'000 vont périr) seront traités encore pire qu’en Allemagne. L’« Anschluss » a montré le visage grotesque du fameux «cœur en or  viennois», que les Viennois aiment s’attribuer.

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Antisemitische_Ausschreitungen_W -Haus der Geschichte Österreich
N’oublions pas que des Nazis autrichiens ont joué un rôle prépondérant dans la SS et dans la «solution finale». Sans parler d’Hitler, je mentionne des ordures comme Eichmann, Kaltenbrunner, Skorzeny, Amon Göth («La liste de Schindler») et des douzaines d’autres. Il fut un temps ou 40% des gardiens à Dachau étaient des SS Autrichiens… 
Max H. aux camps de Dachau et Buchenwald 

En avril 1938 Max tentait de rejoindre les brigades internationales qui luttaient en Espagne contre Franco. Trois camarades étudiants essaient de passer en Suisse en ski  à partir du Montafon. Ils seront arrêtés par des douaniers, tout juste devenus allemands, et amenés à la prison de district à Feldkirch, une prison encore tout à fait correcte.

Une lettre du 11 mai 1938 à ses parents montre encore ses illusions. Max écrit: “ L’accusation de haute-trahison a été annulée et je serai remis à la Gestapo demain. Je compte être libre le 15 mai et continuer mon voyage si on n’a rien au contraire ». Pourtant, la Gestapo avait, on peut s’imaginer, des très fortes objections...
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Buchenwald, Appel des internés 1938-41 PD US Holocaust Memorial Wikimedia
La prochaine «lettre», du 11 Septembre 1938 est un formulaire très restrictif du KZ Dachau. Max écrit «qu’il va bien et que les parents ne devaient pas se faire de souci». La vérité était très différente. Les détenus pouvaient écrire à leur famille deux fois par mois, en théorie. En fait, la moindre chose suffit et la SS va interdire toute lettre pour un bloc pendant des semaines, voire des mois. 
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La bureaucratie cynique des sbires
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​​​4) Il est interdit d’envoyer des paquets, car les détenus peuvent tout acheter dans le camp.
5) Demandes à la direction du camp pour la libération de la détention préventive sont inutiles.
6) Il est absolument interdit de parler ou visiter les détenus.
Tout envoi ne pas correspondant à ces exigences sera détruit.

Le commandant du camp

Après la guerre, mon père, un personnage plutôt calme et pondéré, ne parlait que peu du camp et plus tard j’avais de grandes hésitations à lui demander. A quoi bon, le fascisme était vaincu… 

Mais, en 1982 la radio Suisse allemande va diffuser une série sur Dachau et surtout le «Chant de Dachau», un chant de résistance interdit et sévèrement puni par la SS. Mon père a été témoin de sa création. Son auteur Jura Soyfer fut un des trois amis qui avaient tenté de gagner la Suisse en 1938. Jura va mourir à Buchenwald à 27 ans. 

Dans cette émission Suisse, mon père a parlé avec grande émotion des méthodes sadiques des «Herrenmenschen». Cela a dû suffire pour moi,  j’ai renoncé à en demander davantage pour le reste de sa vie et je ne compte pas rentrer dans des détails même aujourd'hui… Le «Capo » politique mettait en garde les nouveaux arrivés: «La solidarité est tout, mais elle est sévèrement punie par la SS! » Quant aux détenus qui pensaient se sauver par la collaboration, ils pouvaient compter sur leur anéantissement comme témoins indésirables.
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«Arbeit macht frei - Le Travail Libère» l’hypocrisie féroce (Portail de Dachau) shmaisrael.nnm.ru 2008
A Buchenwald, camp nouveau, où mon père a été transféré en octobre 1938, les conditions étaient pires et les méthodes encore plus sadiques qu’à Dachau. Il n’y avait pas d’hygiène et en hiver 38/39 il y a eu une immense épidémie de typhoïde qui coûta la vie à des milliers de détenus. La SS quittait pratiquement l’intérieur du camp, par peur, mais aussi par calcul. Mon père avait une tâche qui lui a sauvé la vie: porteur de cadavres. L’organisation clandestine interne a fait le nécessaire pour que les fossoyeurs aient au moins un peu de désinfectant pour eux-mêmes. Max attrapa quand même la typhoïde mais survécut, car la SS commençait enfin d’agir contre l’épidémie par peur d’infecter la population civile de Weimar. 

Photo„Porteur de cadavres“, Karol Koniecny, Rot-weiss-rot in Buchenwald ISBN-3-203-50982-2
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​Jura Soyfer, l’auteur du « chant de Dachau » est mort de la typhoïde en février 1939 à 27 ans, mon père était près de lui. Une rue de Vienne porte le nom du poète, Jura-Soyfergasse.
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                      Le chant de Dachau (Das Dachaulied)

Barbelés de mort, de glace
Qui retranchent notre vie
Ciel en haut, vide de grâce
D’où descend le froid, la pluie
Pas de joie pas d’espérance,
Loin les femmes et la patrie (orig : les enfants)
Nous partons dans le silence
Au travail au matin gris

Nous avons appris la devise de Dachau
Et durci comme acier froid,
Reste humain, camarade
Sois un homme, camarade,
Car le travail, le travail rend libre, l’ami*…


(*Voir l’inscription cynique au portail du KZ : « ARBEIT MACHT FREI » Le travail libère !)  
​
Après sa mise en quasi-liberté, Max réussit à émigrer en Angleterre en juillet 1939. Il a pu obtenir le fameux « affidavit », qui va sauver sa vie, grâce à un cousin déjà en Angleterre. Il travaille d’abord dans l’industrie d’armement mais, après la presque catastrophe de Dunkerque 1940, sera interné comme « enemy alien » et transféré au Canada dans un camp de travail - ensemble avec des prisonniers de guerre allemands... En 1942 il peut enfin retourner en Angleterre en homme libre. En 1943 la déclaration de Moscou décide que l’Autriche sera rétablie comme pays indépendant après la victoire alliée. Les émigrés autrichiens peuvent rejoindre l’armée anglaise pour lutter contre la barbarie nazie. Max attendait cela avec impatience et il est accepté sous le nom de guerre « Walter Horner né à Sheffield », nom qui figure dans son carnet de service et sur sa plaque métallique.
PhotoSoldier’s Book britannique de « Walter Horner »


​​La formation de base à Glasgow n’était pas facile. Les jeunes recrues écossais ne comprenaient pas toujours la différence entre Nazis, huns, sales boches et….sales Juifs et cela menait parfois à de vraies bagarres. Il fallait une bonne dose de conscience antifasciste pour répliquer de façon pacifique... En 1944 et 1945 Max sera d’abord en Normandie, plus tard en Belgique comme technicien dans l’entretien des chars. Pas vraiment dans la 1ere ligne de combat, sauf dans l’offensive des Ardennes il a du plusieurs fois reprendre le fusil pour sauver sa peau ou – encore pire – afin d’éviter devenir prisonniers des allemands.



​Sa démobilisation à Vienne en 1946 à été mentionnée auparavant. Il va épouser ma mère et j’aurai un nouveau certificat de naissance à l’âge de 6 ans avec mon vrai nom, celui d’aujourd’hui. Mon père va rester marxiste critique pour le reste de sa vie ; un homme cordial, généreux et surtout tolérant. 

Quand je me suis marié en 1964 avec une Allemande de la Prusse orientale, d'une famille réfugiée elle aussi, il l’a acceptée et même aimée sans aucune réserve. Il insistait que les Autrichiens n’ont pas été mieux ou pire que les Allemands et que l’origine de la barbarie n’était pas «les Allemands» mais la conception fasciste, basée sur la haine et sur l’inégalité des hommes. De quoi nous faire réfléchir. 

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Max en en uniforme Anglais avec sa famille
Très tard en 1978, 33 ans après la guerre, mon père à été décoré avec le signe d’honneur pour la libération de l’Autriche, par le président de la République.
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Remerciement de la patrie en 1978

​Le calvaire de Jakob et Gitel Hoffenberg (1938-1942)

Des phrases souvent jetées sur papier d’emballage, on y sent la peur, mal lisibles. C’étaient les moindres obstacles comparé avec mon émotion grandissante quand j’ai déchiffré les 10 lettres encore existantes de mes grands-parents. Leur contenu passe d’angoisse à l’espoir, espoir finalement vain. 
Photo
Je vais me contenter de quelques extraits :

Lettre du 12/ XI/ 1938; Jakob et Gitel à la famille d’Aryeh en Palestine:
(Écrit après les pogromes le 9/10 Nov. 1938.  L’écriture et le contenu laissent voir l’immense peur que vivaient mes grands-parents .

Jakob: „mes chers enfants..., Dieu merci, que nous sommes encore vivants et pas blessés “
..“Max est en détention protectrice (!) nous attendons depuis des semaines une lettre, quand viendra le jour  où on en pourra  raconter tout en paix… “ 
...„nous attendons ce que va nous amener le sort“. 
Gitel: „...je ne peux écrire que des salutations, je ne peux rien penser“


Lettre du 14-16/XI/ 1938; Jakob et Gitel à Aryeh :
Les Nazis commençaient immédiatement avec leur pillage officialisé (l’aryanisation…)

... „ ce jour à 3 h toute la marchandise a été enlevée et ensuite ils ont scellé mon magasin. Ils nous ont rendu quelques aliments pour vivre et quelques Reichsmarks (RM) 
... “Max à Buchenwald est interdit d’écrire“ ... 
…. „depuis que je suis venu en 1901 à Vienne .....je me suis donné la peine d’être un homme honnête“
...“ j’ai servi 38 mois dans la guerre mondiale sans interruption“
...“Mon Dieu, ce n' est ne pas possible “




Lettre du 22/XI/1938; Jakob à Aryeh:

..40 ans de notre vie sont tombés à l’eau. (il a 60 ans)…..Cher fils, pour Max l’aide doit arriver rapidement il est absent depuis des mois, on entend pas de bien d’où il est maintenant. Depuis 6 semaines ils sont interdits d’écrire, fais ce que tu peux pour le sauver....quand nous pourrons sortir sera le plus beau jour de notre vie, Dieu merci nous sommes en bonne santé.
Votre père  H. Jakob


Lettre du 30/I/ (1939); Gitel à Aryeh:

(Cette lettre relate les efforts de Gitel afin d’obtenir un permis de sortie pour Max aussitôt qu’il aurait pu quitter Buchenwald. Peu avant la guerre c’était encore pensable, pour les destinations Grande Bretagne, Palestine ou les USA.

….mais pour une vie jeune on doit lutter, je vais presque tous les jours à la Gestapo mais ils ne me laissent pas entrer sans convocation.



Lettre du  16/18  mai 1939; Jakob à Aryeh :
…nous avons reçu une lettre de Max, il espère qu’on le relâche sous peu…

…pour un passage par bateau à Siam le 14/06/39…demain ta mère ira encore une fois voir la Gestapo …si Dieu le veut, Max sera en voyage dans un mois. Ta mère n’avait qu’à payer 20 RM à  la société de navigation…

… mon cher fils, un ami de Max qui vient d’être relâché, est passé chez nous avec des salutations de Max…il va bien! L’ami a conseillé d’envoyer un télégramme à la Gestapo. Ta mère a prêté 10 RM de Leo A. et il a conseillé de téléphoner à la Gestapo, à Berlin. Ce qu’elle a fait de 11.30 à 13.30 et on lui a dit qu’ils accélèrent le cas et nous avons de nouveau espoir…des visiteurs sont venus, pour nous demander si Max est déjà arrivé…



Mai-Juin 1939: Les efforts de ma grand-mère ont probablement contribué à ce que Max soit libéré dans le cadre d’une amnistie politique, mais il doit quitter le «Reich» au plus vite. Gitel a tout fait pour sauver son fils, mais elle n’a pas pu se sauver elle-même. 


Lettre du 25/8/1939; Jakob à Aryeh:
(Cette lettre a été écrite après le départ de Max pour l’Angleterre. Le soulagement de Jakob est palpable dans l’écriture et dans le texte. Juste avant que la guerre éclate, les chicanes contre les Juifs ont diminué, le « Reich » avait à ce moment là d’autres priorités.)

…Cher Fils, aujourd’hui je suis allé seul avec l’oncle (son frère) la mère est allée à la „piscine juive“ avec Mme. Tuchfeld… c’est bon pour les nerfs et même amusant pour prendre un peu de soleil… ils arrivent de tout Vienne et la plupart essaient d’émigrer… Fritzl est envoyé en Palestine, ses jours à Vienne finissent. Mais, beau-coup d’autres sont encore ici, l’émigration est devenue très compliquée… 

Suivent 2 lettres à Max en Angleterre, après le début de la « drôle de guerre » (Par la voie de la Croix-Rouge) 

Lettre du 10/XII 1939;  Jakob à Max en Angleterre: 

Cher Maxi
Nous avons lu ta lettre avec joie... nous habitons depuis le 1/XII au 1er district Rauhensteingasse 10/7 nous avons une belle chambre avec chauffage central et utilisation de la cuisine pour RM 40 p.m. sans meubles. Elsa nous a surpris ce matin avec ta lettre ...nous sommes heureux que tu sois bien protégé. Où tu étais, ça va très mal. Herschel H. est mort là-bas… (un cousin mort à Buchenwald) 
…nous sommes contents d'être en bonne santé, l’appartement est comme un sanatorium,  pas de tram pas de circulation, nous partageons la chambre avec mon frère, ça va très bien. Il y encore la veuve d’un avocat avec 2 enfants et un autre avocat…..le luxe est grand…


Après ces euphémismes, destinés peut-être à la censure, suit la réalité :

..nous voulons aussi partir au plus vite, ne pourrait-on pas s’aider mutuellement ? Ta mère l’aurait certainement mérité…  
Les fils en sécurité, ne pourraient-ils pas aider ?


Après la catastrophe de Dunkerque Max a été interné comme la plupart des „Allemands“ sans grande distinction entre Antifascistes et Nazis, jusqu'à la fin 1942, au Canada. Il n’y avait pratiquement pas de possibilité d’aider. La lettre suivante est un appel à l’aide, évidement mes grands-parents ne pouvaient plus cacher leur peur derrière des euphémismes.

Lettre sans date de Gitel à Max:

Mon cher enfant!
Il fait tellement longtemps que nous avions eu une lettre de toi…Pourquoi tu ne remplis pas tes devoirs… d’Aryeh nous n’avons pas des nouvelles depuis 6 mois, il pourrait encore faire quelque chose pour nous…mon dieu, est-il si difficile d’envoyer une lettre une fois par semaine ( !)  Nous n’avons plus rien au monde sauf nos enfants... 


Suivent de considérations comment financer leur sortie. Les Nazis demandaient avec cynisme  une «Taxe pour fuir le Reich» arbitraire. Pour Jakob et Gitel 3000 Reichsmark, une fortune pour des personnes qu’ils avaient « expropriés »…

…un après l’autre part…
…maintenant j’ai assez râlé, et j’espère que tu vas t’améliorer, dans  cet espoir agréable
Je t’embrasse très fort
Ta mère


Il suit une longue période, sans témoignages conservés. Selon une lettre de Max - au Canada - du 19.11.1941 à une tierce personne, Max semble avoir eu de rares contacts avec ses parents jusqu’au juin 1941. 

​A  partir de mi 1941 - âpres l’invasion de l’Union Soviétique – les conditions pour mes grands-parents se détériorent rapidement.

Gitel et Jakob ont bien connu leur petit-fils et ils savaient que j’étais l’enfant de Max. Il y a une photo du printemps 1941 ou Gitel me tient sur ses genoux. Au printemps 1941 Gitel à encore osé rencontrer ma mère et moi au grand parc de Prater. Porter l’étoile jaune n’était pas encore obligatoire dans le «Reich». 
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Rencontre risquée: la Grande Maman Gitel avec le petit fils Peter, au Prater en 1941
Le dernier signe de vie de mes grands-parents
​Message d'Aryeh, par la Croix-Rouge Britannique:
„Suis très en soucis. Pourquoi pas de lettre? Écrivez à Esther! (une cousine en Amérique) Max en Angleterre va bien et nous en Erez (Israel) aussi. Je vous embrasse. 
Arieh et  Jaffa.“ 


La réponse de ses parents était laconique. Écrit à la machine et sans faute d’orthographe. Qui les a aidés ou plutôt forcés à écrire ainsi? Le tout rappelle les messages que mon père avait pu envoyer de Buchenwald deux ans avant:

„Pas de souci, nous sommes en bonne santé et tout va bien. Nous allons écrire à Esther...
Vos deux parents
0000000 Baisers“
9. Mai 1941
I.,  Bäckerstrasse 14.


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Le dernier message connu 9 mai 1941
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​Mes grands-parents avaient été déjà délogés une autre fois. Quand ma mère a osé les visiter à la Bäckerstrasse, elle fut choquée. Assez longtemps il y avait eu que de chicanes humiliantes mais les Juifs restés à Vienne pouvaient se déplacer presque librement. En 1941 c’était soudainement fini et les événements tombaient coup après coup. Le 23 octobre 1941 une ordonnance stipulait qu’un Juif n’avait plus le droit de quitter le Reich ou les territoires conquis. Des septembre 1941 l’étoile jaune a du être portée aussi dans le «Reich». Sous peine grave si on ne la portait pas. Chaque juif était désormais facilement reconnais-sable.

Les déportations en masse pouvaient commencer.

Le 2 novembre 1941 Gitel et Jacob ont été déportés au Ghetto de Lodz avec 5081 autres Juifs viennois. Ma mère essaya encore de les voir à la gare d’Aspang, mais la zone était fermée par police et SS. C’était une gare secondaire afin d’avoir le moins de témoins possible.

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Łódź ghetto 1941 Source Holocaust.cz
Les conditions à Lodz sont décrites par toutes les sources comme terribles. 160'000 malheureux sur 4 km2, dont 90 % sans accès à l’eau courante. Ce ghetto servait comme lieu de transbordement pour le camp d’extermination de Chelmno-Kehlhof, ou la SS, secondée par des gardiens ukrainiens (!), faisait les premiers essais avec des chambres à gaz mobiles. 

Le chef autoritaire du «Judenrat» de Lodz (1940-44 !) Chaim Rumkowski, vacillait entre une collaboration soumise et l’essai réussi de sauver le ghetto comme lieu de production de biens indispensables pour les allemands. Cela signifiait la  protection pour beaucoup de détenus, mais pas pour le vieux, les malades et….les enfants. C’est triste, sa réputation est assez douteuse, mais qui pourrait  jeter la première pierre ?

En janvier 1942 la conférence de Wannsee, donnait le feu vert pour la «Endlösung», la «Solution finale». En automne 1942 seulement 615 déportes du transport viennois du 2.11.1941 restaient encore vivants, selon la liste du «Judenrat»…mais pas mes grands-parents. 34 détenus de ce transport, donc moins qu’ 1%, ont vécu la fin de la guerre. 

Pendant mon enfance j’ai entendu parler de Theresienstadt comme lieu de leur destin. (Theresienstadt, ou les Nazis ont forcé le metteur en scène fameux d’avant-guerre Kurt Gerron, de tourner un Film cynique et perfide (1944) : «Le Führer offre une ville aux juifs». Gerron et sa famille seront assassinés peu après, à Auschwitz.) Cette ville a été choisie par les Nazis pour tromper le monde, en outre un CICR trop confiant, les conditions à Theresienstadt étaient moins cruelles – en surface. Mes parents n’ont jamais mentionné Lodz. Ont-ils espéré que les grands-parents aient trouvé la grâce d’une mort naturelle dans cette ville?
PhotoCamp de la mort de Chelmno. Un de trois “camions de gazage” de 1941
​
Les informations de leur déportation à Lodz, qui ne laissent aucun doute, je les ai trouvées en 2009 dans une banque des données des victimes au «Centre de documentation de la résistance autrichienne». Il est probable que Max, décédé en 1990, n’ait pas appris la fin de ses parents dans sa pleine cruauté.



​Moi non plus, je ne saurai jamais de quelle façon ont péri Gitel et Jacob, mes grands-parents…

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  Ma vie comme Peter Charaus jusqu'à 1946

J’ai vu plutôt rarement mon père par procuration, Hans Charaus. Il a été appelé à la Wehrmacht en 1941. Enseignant, il a dû devenir sous-officier et il a été envoyé en Albanie pour combattre les partisans. Malgré la censure, il a écrit des lettres à ma demi-sœur aînée, fustigeant la guerre et le rôle qu’il était forcé de jouer. Pour moi il était le «Papa». Je n’en ai aucun souvenir négatif de Hans Charaus, vis-à-vis de moi il était absolument correct. C’est seulement après la fin de la guerre que ma mère et lui ont eu des disputes sérieuses, je pense que c’était compréhensible.

Que serait-il arrivé, si lui et des dizaines d’autres ne s’étaient pas tu  pendant cinq ans ? 

Les  lois raciales de Nürnberg étaient sans appel : §5.2. Est également réputé Juif le ressortissant métissé de Juif qui descend de deux grands-parents juifs intégraux et est le fruit de relations extra conjugales avec un Juif.

J’étais donc Juif entier selon les lois raciales nazies. Le fait qu’un Juif aurait eu l’impertinence de mettre enceinte une «aryenne» de façon illégitime avait comme effet d’aggraver la situation de l’enfant. Des cas similaires démontrent qu’on aurait, en cas d’une dénonciation, sévère-ment discriminé la mère pour «honte raciale». L’enfant aurait été «mis à disposition de l’autorité». 
Photo"Städtische Nervenklinik für Kinder Am Spiegelgrund" 1942-45 Etwa 700 Euthanasiemorde (CC BY-SA 3.0 AT) Haeferl 2012
A Vienne il y avait une station dans la clinique psychiatrique - le « Spiegelgrund » - ou plus que 700 enfants dits génétiquement ou racialement pas valables ont trouvé la mort… la cause était en général une «pneumonie», en vérité des injections de Barbital. Le responsable Dr. Heinrich Gross a fait une carrière fulgurante à Vienne après 1945, c’est seulement en 1997 que la justice l’a accusé, il mourut en 2005, à 91 ans sans être condamné…

En automne 1943 les bombardements à Vienne se sont intensifiés, la situation alimentaire devenait précaire et ma mère et ses enfants se sont rendus en Moravie au lieu d’origine de la famille Charaus, 120 km au nord de Vienne.

C’était une région « bilingue » tchèque-allemande et cela souvent dans la même famille. Les Charaus étaient une telle famille. Pendant des siècles cela n’avait pas posé de problème. 

Ma sœur et moi allions à l’école en 1944 et 1945; moi, dans une école enfantine de la NSV (salut populaire NS..). Vers la fin de la guerre on commençait à sentir l’influence nazie très forte et cela même sur les enfants. J’étais naturellement un Nemeç (Allemand en tchèque), on m’a mis dans un mini-Uniform comme la jeunesse Hitlérienne, et nous chantions des chants de soldats…par exemple pour les blessés dans l’hôpital militaire à Iglau (Jihlava). J’étais blond avec des yeux bleus, sans confession, bref un vrai aryen germanique selon les idées nazies stupides, ainsi aucun soupçon n’a pu naitre…

En Avril 1945 l’armée rouge s’approchait rapidement. La peur était grande surtout du côté des « Allemands ».  Les nazis avait commis des crimes incroyables en Russie et maintenant la peur de la vengeance était énorme, nourrie par les fonctionnaires nazis afin de mobiliser les dernières réserves.

PhotoPeter en "guerrier Allemand"
​Les troupes allemandes battues passaient sur la grande chaussée devant notre ferme. La plupart blessés, posées sur des charrettes ou même à pied. J’avais vu des blessés quand nous avions chanté dans l’hôpital militaire, pourtant ce cortège sans fin m’a fait très peur. Qui va nous protéger? Un Officier de la „Waffen-SS“ qui avait pris quartier chez nous, m’a mis un jour sa casquette et ses jumelles. Il existe une photo de ma petite personne comme « guerrier Allemand ».

Enfin, un jour les Russes furent là. Encore et encore, sur de charrettes tirées par de chevaux, mais aussi avec une quantité énorme d’artillerie et de chars.

Les «Tchèques» étaient considérés comme peuple fraternel, soudain il y avait partout les drapeaux soviétiques et tchèques. Un capitaine, enseignant cultivé de Leningrad, qui parlait l’allemand et son état-major se sont installés dans «notre» ferme. 

Enfin, Hitler se suicidait et le Reich capitulait. Tout bon pour nous? Malheureusement pas pour longtemps.  

PhotoExpulsion of Germans 1944- Wikipedia
D’un jour à l’autre, nous étions devenus des Nemeç, des „sales Allemands“ et les Tchèques étaient les seuls vainqueurs. Même nous, les enfants, avons dû porter un brassard blanc avec un N bleu pour « NEMEÇ ». Les amis d’hier nous crachaient dessus et nous jetaient des pierres. Vu d’aujourd’hui c’était absurde: le moment de la libération fut le début d’une période de peur pour quelques semaines et cela sur-tout pour ma mère. La révélation de mon vrai origine, n’aurait, selon elle, rien changé mais plutôt compliqué les choses. Mais, les Charaus «tchèques» ne nous ont pas laissé tomber. Heureusement, dans notre petit bled, il n’avait que des chicanes pour «die Deitschen» et pas des véritables cruautés. 

1991, 46 ans plus tard, j’ai visité ce village. Sauf le nom, qui a été transformé de Stecken - en Štoky, rien n’avait changé. Au cimetière, dans la même rangée j’ai trouvé deux tombeaux: l’un pour la «Familie Charaus» un autre pour la «Rodina Charausova». Merci aux deux branches de la famille qui m’ont protégé, les uns contre les Nazis, les autres contre les chauvinistes tchèques…

En juin 1945, les décrets  de Beneš exigeaient le départ immédiat de plus de 3 Millions d’«Allemands » qui pendant des centaines d’années avaient vécu en paix avec les Tchèques. C’est vrai, la peste nazie avait infecté beaucoup d’entre eux et maintenant ils devaient payer le prix de tout perdre… Et la revanche des «vainqueurs» fut terrible à quelques endroits comme Brno. Il y avait surtout des femmes, enfants et vieux, les hommes étaient prisonniers de guerre. La terrible «marche de la mort de Brünn» a probablement coûté la vie à 3000 personnes au minimum (voir Wikipedia). Le responsable de ces crimes, un capitaine Bedrich Pokorny sera  condamné à 15 ans en 1953 par le régime communiste; pas pour le meurtre de milliers des personnes mais entre autres pour ses services de mouchard aux occupants allemands. Il se pendra en 1968, un suicide possiblement «assisté» par la sécurité.  

Alors, un jour très chaud au début juin 1945, deux femmes et quatre enfants entament un parcours de plus que 120 km avec une charrette à bras. Pas de colonnes d’expulsés, nous étions presque seuls… au début. Le grand défi pour nous, les enfants, était la soif, les fontaines étaient contaminées. Quelques maisons endommagées, quelques armes détruites, mais surtout soif, la soif. Un soldat roumain avec une fourgonnette propose de nous prendre avec lui; aussitôt que le peu de matériel est chargé, il essaie de démarrer sans nous. Les deux mères se précipitent avec des barres de fer comme des furies, il jette tout par terre et s’en va. Je n’avais pas peur, nos mères semblaient très fortes.

Le deuxième jour nous rencontrons des centaines de survivants de Brno, qui tâchent de gagner la frontière salvatrice vers l’Autriche. J’ai appris et compris des années plus tard la gravité de ce qui s’était vraiment passé. 

Le soir, c’est un camion de la Croix-Rouge qui a emmené des «Viennoises avec enfants» comme nous. En pleine nuit, nous a déposés à Vienne, à quelques pas de notre rue, Je criais : «Mama, schau das Riesenrad)...regarde la Grande Roue! "

Photo
La Grande Roue du Prater, détruite 1945 source: Austria forum
"Pst, Peter !"
​État de siège: la police militaire de l’armée rouge jouait rapidement de ses mitraillettes.

Epilogue: 

Le reste est vite raconté: dans une Vienne détruite à 40%, le jardin de ma grand-mère maternelle et les rations militaires de mon père nous ont épargné la famine. Suit le divorce de Hans et Milli, le mariage de Milli avec Max et ma «renaissance» en tant que Peter H. 

PhotoMax env. 1980
Mon père: toutes les persécutions, chagrins et plus tard, de graves déceptions politiques, n’ont pas changé son caractère: chaleureux, un peu ironique, tourné vers la vie et ses beautés, mais avant tout avec une immense tolérance envers les autres, tant qu’ils ne quittaient pas les sentiers de l’humanité.

Voilà, nous sommes arrivés à la fin de mes Contes viennois un peu particuliers….. 
 
Le sens principal de mon souvenir est de rappeler les mots de George Santayana « Qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la répéter ».  

N’oublions pas que pendant des siècles, l’Europe a été sans cesse le théâtre de guerres sanglantes. Des hommes auxquels nous attribuons le titre « grands » l’ont obtenu en conquérants : Alexandre, Charlemagne, Frédéric II de Prusse, Pierre le Grand, Napoléon. Et bien d’autres…

Après la 2ème guerre mondiale avec sa brutalité sans comparaison, des personnalités remarquables ont trouvé le courage d’entamer la re-construction d’une Europe sans guerre. Une Europe unie et prospère pendant des décennies. Loin d’être parfaite, c’était pourtant la première période historique ou les principes des lumières étaient en vigueur pour tous dans une grande part de notre continent. Ils rayonnaient tant, qu’ils ont fait tomber des murs de tyrannie et injustice à l’est de l’Europe en 1989. Cette chute fut étonnamment pacifique au début …si on fait abstraction des terribles luttes en Yougoslavie. Le modèle des guerres possibles en Europe même, a été  désigné à Vukovar, Sarajevo et Srebrenica. 

Aujourd'hui, avec l’arrivée de sérieuses difficultés au sein de l’Union, les visions des fondateurs s’écroulent. De nouvelles générations remplacent la réflexion par le consumérisme, le «life-style» et la cupidité pour les gagnants et par le nationalisme, chauvinisme ou pire pour les perdants. Le modèle de l’étranger comme bouc émissaire pour tous les maux refait surface. La raison est évidente : c’est surtout la crainte de devoir partager les acquis matériels. «Vérités», ou plutôt fake-news, prétextes et solutions de facilité sont mélangés dans un bouillon «populiste » dont le seul but est la déstabilisation pour arriver au pouvoir. Contrairement au fascisme «pur et dur», les leaders ne cherchent pas, en générale, la  conquête des territoires, ils veulent ériger des murs.

Certes, l’Europe n’est pas encore où elle était en 1938 ; peut-être est-elle plus proche de la situation d’avant 1914. Pourtant, n’oublions pas cet enchaînement: patriotisme -> nationalisme ->chauvinisme-> fascisme….le passage de l’un à l’autre est glissant.

Où va notre démocratie occidentale, celle qui est selon Churchill « La pire façon de gouverner …sauf toutes les autres » ? Nous, les enfants des Lumières, sommes tenus de  sauvegarder leur héritage et de le défendre.

Le monde, et en particulier notre continent l’Europe, sont-ils vraiment à l’abri de répéter l’histoire ?
 
Ces jours, les mouvements, qui désirent se débarrasser de l’héritage humaniste de l’Europe restent forts, trop forts.

La lutte contre l’obscurantisme et la régression de la société est loin d’être gagnée.



Peter Hoffenberg, Novembre 2018

D’après „Eine Geschichte aus Wien“ Grandson, 2009". Version réduite en Français planche présentée à la RL «  Le Labyrinthe » le 6.6.2017 Pour lire l'original en Allemand cliquez ici

1 Commentaire
Elfriede Elisabeth John
19/4/2019 03:03:58

Lieber Peter,
Vielen, vielen Dank für Deine und die Wiener Geschichte.
Vielen Dank an Dich, der Du sie geschrieben hast, und vielen Dank an Ioan der sie in den Blauen Heften veröffentlicht hat.
Deine Geschichte, die Geschichte von Wien und von Europa ist in gewissem Sinne auch meine Geschichte. Du, ich und all die Anderen die in diesen Jahren geboren wurden und gelebt haben werden sie nie vergessen. Ein geeinigtes Europa ist der einzige Schutz und die einzige Hoffnung dass sich diese, unsere Geschichte niemals wiederholen wird.
Deine Elfriede

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