Mes TI SS et FF Suisses et étrangers qui décorez l’Orient et les colonnes, Mes SS, mes FF,
Je me définis comme un humaniste pétri d’optimisme, et je me dis bien souvent que nous avons beaucoup de chance de vivre à notre époque. Le hasard, ou le kairos des grecs, a fait que je suis né ici et maintenant, mais cela aurait pu être autrement, et nombre de mes rêveries d’enfants me laissaient imaginer un large champ de vies possibles, passées ou futures, qui auraient pu être miennes si l’ancrage dans l’espace-temps de ma naissance avait été sensiblement différent. Un jour, souvenons-nous, l’humain était considéré comme une vulgaire marchandise, et Sénèque rapportait dans ses Lettres à Lucilius l’exemple de cet esclave qui avait dit à son propriétaire : « Tu vas voir ce que tu as acheté » et qui s’était suicidé sautant d’un toit pour prouver qu’on ne peut jamais tout à fait ôter la liberté à un homme, pas même à un enfant. Et puis ce fût le temps du Moyen-âge, avec ses brigands, son obscurantisme religieux, cette négation de la majorité des trésors de pensée de l’antiquité…
Le thomisme était à la mode, austère et partial, pour consoler les survivants d’un monde ou la mort et la faim décimait les familles. Puis, ce fut les chasses aux sorcières, aux alchimistes, le règne du surnaturel, la norme omniprésente, celle d’une religion unique et d’un pouvoir politique inique et omnipotent, les affres de l’inquisition, la science nouvelle qui menaçait les dogmes et qui était poursuivie partout en Europe, De Galilée et Giordano Bruno à Spinoza.
La science moderne était jugée dangereuse, les religions nouvelles étaient jugées hérétiques, la philosophie et son mode de pensée libre était considérée comme une menace pour l’ordre établi. C’était le règne de la pensée monolithique et de l’éclat superficiel et ostentatoire de la monarchie absolue. Puis, vint le siècle des Lumières et l’espoir qu’il généra, la dignité humaine et le respect de la personne sortirent de la plume de Kant, la tolérance et la fraternité de notre frère Voltaire, l’équité politique de notre F:. Montesquieu, le savoir universel de Diderot et d’Alembert, la dénonciation de la superstition de Pierre Bayle… La Franc-maçonnerie naissait. Les Droits de l’homme, les idéaux de tolérance de justice, d’égalité redonnait espoir à une humanité avilie et sclérosée.
Le temps d’une révolution fut une brève éclaircie dans la nuit obscure, car la terreur ne tarda pas à rappeler que celui qui sauve aujourd’hui sème l’effroi et l’injustice demain. Chez le révolutionnaire comme chez les maçons, la soif de pouvoir gangrène les plus beau idéaux. Chassez le naturel, il revient au galop… Le XIX ème siècle n’a pas connu un instant de répit tant les valeurs républicaines ont eu de la peine à s’enraciner, malgré l’engagement de Victor Hugo auprès de ceux qui souffrent, sa condamnation de la peine de mort et de la misère humaine. La dénonciation des conditions de travail dégradantes et de l’antisémitisme, par Zola n’a pas pu sauver cette fin de siècle. Pas plus que les efforts de Jaurès n’ont pu éviter la première guerre Mondiale qui inaugurait le XXème. La seconde incarna le paroxysme de la barbarie humaine, là où l’impensable inhumanité devait plonger à jamais les hommes dans la plus grande des afflictions et dans une incompréhension totale. L’après guerre était marquée par ce tournant de l’histoire : comment l’humain peut-il devenir à ce point inhumain ? Suivent les réflexions sur la responsabilité par Hannah Arendt, Heidegger et Sartre en philosophie, sur l’absurde par Camus, Ionesco ou Beckett en littérature.
Et aujourd’hui ? Je ne peux que me réjouir d’avoir échappé à ces temps effroyable d’obscurantisme où on assassinait tous les jours ou presque pour la patrie, pour son Dieu ou même pour sa famille, du moins ici et maintenant, et l’ici est j’ai la triste impression en train de se réduire jour après jour... Petit-fils de poilu et fils de résistant je ne peux que me réjouir de l’amitié franco-allemande, et de l’espace de paix d’une Europe unie où, miracle inattendu pour ma génération, le mur de la honte est tombé. J’ai le sourire aux lèvres aussi, quand je pense à la violence institutionnalisée dans certains internats que j’ai connu dans mon enfance et lorsque je vois les écoles d’amour, de paix et de respect dans lesquelles j’enseigne aujourd’hui. Souvenons-nous qu’il y a 20 ou 30 ans à peine on se fichait bien de la souffrance des enfants, de celle des animaux, de la pollution et de l’homophobie.
Mais être optimiste, ce n’est pas être candide… et la cruelle actualité nous rappelle régulièrement que la barbarie est prête à se renouveler. La bête sommeille et se réveille au moment où on l’attend le moins... Tuer des innocents au nom d’un fanatisme religieux, c’est une nouvelle guerre, peut-être même plus insidieuse que jadis, parce que l’ennemi cette fois-ci n’a pas de visage. On le croyait éloigné de nous, il est plus près en vérité, il a franchi depuis belle lurette la ligne Maginot puisqu’il y a quelques heures encore il était au coeur de Paris… L’indignation est le seul cri que nous pouvons pousser dans les ténèbres pour occulter la réalité, à savoir notre impuissance à mettre un terme à la folie humaine.
Le terrorisme, le fanatisme, la précarité, nous poussent, soit à la colère, donc à l’esprit de vengeance, soit à la peur et donc au repli identitaire ; dans les deux cas à la passion qui corrompt la sagesse et doit rester à la porte de nos temples…
La monté des extrémismes politiques répondant aux extrémismes religieux nous montre qu’à la violence l’homme répond naturellement par la violence… Homo homini lupus est…. Dès lors le bourreau devient le modèle, la victime ne faisant que reproduire ce qu’elle subit… L’impact de l’homme sur l’environnement n’est plus l’affaire d’un parti mais celle de la responsabilité de chacun…. Or pour rappeler les mots de Spinoza « L’homme n’est pas un empire dans un empire… ». Ce même Spinoza, qui placardait sur les murs De LaHaye suite à un odieux assassinat politique perpétré par les ennemis de la République, des affiches avec ces deux mots : « Ultimi Barbarorum ». Les derniers des Barbares… Barbare sois-tu toi qui souille la terre… Barbare n’est-il pas aussi celui qui laisse des réfugiés crever comme des animaux à nos frontières…. ? Barbare, oui barbare, toi qui laisses agoniser nos pères dans des maisons de solitude et de désamour… Barbare celui qui considère qu’en fin de vie il faut vivre à tout prix quitte à perdre sa dignité … Barbare l’entreprise qui nous demande de vivre pour travailler et non travailler pour vivre, dans une existence effrénée où la sur-communication, la peur de la perte d’emploi, le surmenage au travail nous lamine et nous fait perdre les valeurs essentielles : l’amitié, la famille, le plaisir de vivre et de participer dans la joie au progrès de ce monde où nous ne sommes que de passage, la conscience de faire partie du tout, autrement dit la fraternité.
L’œuvre n’est donc pas achevée mes FF:.La pierre est à peine dégrossie… L’heure s’ajoute à l’heure et l’année à l’année pour étayer toujours plus haut l’espoir humain. Le maçon prend du recul pour mieux bâtir son temple intérieur, pour mieux se ressourcer, pour saisir à quel point ce monde à encore besoin d’humains solides qui résistent contre l’inhumanité, prêts à défendre nos valeurs fondamentales qui sont en danger aujourd’hui, comme hier, pour faire mieux que nos parents et pour conserver la foi, car nous sommes tous croyants mes FF !... La foi au Grand architecte pour certains, la foi en l’homme et au progrès pour tous… La foi envers et malgré tout, pour crier aux barbares qu’ils n’auront pas le dernier mot, que la Lumière, même si elle est vaincue provisoirement peut triompher des ténèbres… Foi en un monde meilleur pour nos enfants et nos petits enfants, qui nous l’espérons feront mieux que nous ce que nous avons fait, pourvu qu’on leur ai transmis la Lumière par l’exemple de nos qualités, la lucidité et la vigilance…
Alexandre Rauzy Grand Maître 14/11/2015
Ansprache des neugewählten Grossmeisters am Konvent 2015 des GOS (gekürzt)
Als glühender Optimist, bin ich froh in unserer Epoche zu leben. Der Zufall hat mich im wohlhabenden Teil des Planeten zur Welt kommen lassen, das hätte anders sein können und meine Träume wären um einiges bescheidener gewesen.
Und früher? Im Altertum war der grössere Teil der Menschheit einfach Sklaven, im düsteren Mittelalter war eigenständiges Denken wenig gefragt. Aberglaube, Gewalt und Mangel waren angesagt, mit der Aussicht auf Besserung erst im Jenseits. Hexenwahn und Inquisition liessen keine naturwissenschaftliche oder echte philosophische Diskussion zu, eine Erneuerung der Religion galt als böse Ketzerei.
Erst die Aufklärung erlaubte es über die Würde des Menschen nachzudenken und in dieser Zeit wurde, begleitet von den Gedanken Voltaires, Kants, Montesquieus und anderen die moderne Freimaurerei geschaffen.
Menschenrechte, Toleranz und Gerechtigkeit gaben einer erschöpften Menschheit wieder Hoffnung. Die Revolution erhellte die Nacht, doch Terror und Machtgier neuer Herren besudelte bald ihren Glanz…das Naturell des Machtmenschen brach durch.
Republikanische Werte waren im folgenden 19. Jhdt wenig gefragt. Schlimmste Ausbeutung der Arbeiter ging mit Chauvinismus einher und dieser führte anfangs des 20. Jhdts in den bis dahin blutigsten Krieg, dessen Schrecken durch die grösste Barbarei aller Zeiten im Zweiten Weltkrieg noch weit übertroffen wurden.
Danach fragten sich die grossen Denker wie Arendt, Heidegger, Sartre u.a. wie es dazu hatte kommen können, Dichter wie Beckett und Ionesco flüchteten sich ins Absurde.
Ich habe den Vorteil nicht in diesen dunklen Zeiten aufgewachsen zu sein, allerdings spüre ich wie sich heute die Lage verschlechtert. Als Enkel eines „poilu“ und Sohn eines „résistant“ freute ich mich an der deutsch-französischen Freundschaft und am langen europäischen Frieden, welche die Mauer zum Einsturz brachten. Aber auch über das Ende der Gewalt in manchen Internaten, die dem Respekt vor Kindern und abweichenden Lebensentwürfen gewichen ist.
Optimist heisst nicht arglos sein…und die grausame Aktualität zeigt, dass sich die Barbarei noch immer erneuern kann. Jene, die nur vernichten wollen haben heute kein Gesicht, sind kaum fassbar, und doch leben sie mitten unter uns. Die Gesellschaft scheint ohnmächtig dem menschlichen Wahnsinn Einhalt zu gebieten.
Fanatismus und Armut treiben die einen zu Hass und Rache, die anderen in angstvolle Abwehr; in beiden Fällen bleibt die Vernunft auf der Strecke, die den Inhalt unserer Lehre darstellt. Politischer und religiöser Fanatismus nimmt überhand und Gewalt wird wieder mit Gewalt bekämpft…Homo homini lupus est ?
Der Einfluss der Menschheit auf die Umwelt ist nicht mehr Sache einer Partei, sondern jeder ist verantwortlich um nicht – mit Spinozas Wort – der letzte der Barbaren zu werden. Barbar jener, der Flüchtlinge an unseren Grenzen wie Tiere verrecken lässt; auch jener, der unsere Alten in Heimen ohne Liebe und vereinsamt der Agonie preisgibt; jener der fordert, dass man gegen Ende seines Lebens ohne Würde unbedingt weiterleben muss. Barbarisch eine Gesellschaft, das uns nur akzeptiert, wenn wir Profit erbringen, in dauernder Angst vor Verlust der Arbeit, ohne Musse die essentiellen Werte zu pflegen: Freundschaft, Familie, Lebensfreude und das Gefühl Teil eines brüderlichen Ganzen zu sein.
Das Werk ist nicht beendet, meine BBr., der Stein ist nur angekratzt. Der Maurer sollte sich stets bewusst sein, dass die Welt solide Menschen braucht, die der Unmenschlichkeit widerstehen, die unsere gefährdeten fundamentalen Werte verteidigen, die es besser machen als unsere Eltern und die den Glauben bewahren. Den Glauben an den GBAW die einen, den Glauben an Humanität und Fortschritt die anderen.
Glauben trotz allem, um den Barbaren entgegenzurufen, dass sie nicht das letzte Wort haben werden. Den Glauben an das Licht, auch wenn es besiegt scheint und die Finsternis zeitweilig triumphieren mag. Glauben an eine bessere Welt für unsere Enkel, die es besser machen werden als wir, wenn wir sie hier und jetzt wachsame Vernunft im Scheine des Lichts lehren.
Alexandre Rauzy 14/11/2015