Cette année, le convent du Grand Orient a eu lieu à Genève, le 11 novembre. Les hôtes ont été cette fois, nos FF de la R.·.L.·. Jose de San Martin, beaucoup d’autres ont concouru à la réussite de cette réunion solennelle et surtout chaleureuse. Les Illustres Grands Maitres, dignitaires et visiteurs de tant d‘Ordres amis, du CLIPSAS et de la Franc-Maçonnerie Libérale Suisse, qui nous ont honoré de leur présence à la tenue de clôture, se sont, au propre, mêlés, aux FF du Grand Orient dans le Temple bondé – authentiquement ensemble dans une chaîne d’union des bonnes volontés, par-delà des frontières, cultures et spiritualités.
On ne va pas oublier le délice – entre l’Hymne National Suisse, Mozart, Bach, L’Hymne à la Joie Européen, le Jazz et le Blues tout d’une colonne musicale vivante, un vrai concert assuré par nos FF.·. musiciens P.·.GO.·.– piano, P.·. KR.·. – violoncelle et G.·. KR.·. guitare.
Le discours du Grand Maître réélu avec acclamations le même matin, la Planche de l’Or.·. et les messages de nos invités ont encore une fois témoigné que nous sommes une grande famille. Oui, on ne fatiguera pas de le dire, on est tous d’accord, dans la diversité de nos spiritualités, opinions et rites: le rôle de la Franc-maçonnerie est partout d’améliorer la condition humaine, la dignité et la concorde, de soutenir la démocratie et les droits de l’Homme. Nous nous levons, tous comme un seul, pour endiguer la contagion dès anciennes et nouvelles barbaries. Nous existons depuis 300 ans pour servir l’Humanité, contre les idées uniques.
Discours du Grand Maître Alexandre Rauzy :
Peut-être qu’il lira un jour ce message dans la revue en ligne du GOS, les Cahiers Bleus, ou bien à une autre occasion. Initié ou pas, je ne puis le dire, ce sera sa liberté. Peut-être s’engagera-t-il autrement pour participer au progrès de l’humanité, sur quelques chantiers profanes… ou peut-être pas. Ce sera sa liberté.
Thibault, mon fils,
Si je m’adresse à toi, en ce jour particulier, c’est pour mieux te faire comprendre l’engagement qui est le mien, et qui est celui des FF :. et des SS :.qui sont à mes côtés et que j’aime, et qui m’aiment.
J’ai été initié il y a bientôt 20 ans, 20 ans c’est beaucoup à ton âge, les années paraissent interminables quand on ne les a pas encore vécus, mais une fois le chemin écoulé, lorsqu’on fait volte-face, c’est un brin de temps de rien du tout 20 ans ! Et l’amertume est bien cruelle si on n’a pas fait tout le nécessaire pour donner du sens à ce cadeau initial : la vie.
Je ne suis pas d’accord avec le philosophe Alain qui considérait que la vie a un goût de bonheur: « comme la fraise a un goût de fraise ». Selon moi au contraire, la vie n’est rien en elle-même, si ce n’est ce que nous décidons d’en faire. Nous sommes les sculpteurs de notre propre existence au fur et à mesure de nos choix. Sur ce sujet-là, je me sens davantage proche de Sartre ou d’Érasme que d’Alain…
Mon engagement fût de transformer le cadeau initial : la vie, en projet initiatique : devenir un humain, un humain davantage humain aujourd'hui qu’hier, et plus encore demain.
Je vais essayer en quelques mots d’exposer les trois principales raisons pour lesquelles je suis ici, et pour lesquelles j’y demeure. Trois lectures inspirées de trois courants majeurs de la philosophie antique: le scepticisme, l’épicurisme, et le stoïcisme.
1- La première motivation qui m’a fait entrer en maçonnerie est la curiosité. Non pas celle de découvrir quelques secrets bien gardés par une société qui intrigue beaucoup de profanes et que ceux qui nous connaissent trop peu appellent « secrète ». Mais la curiosité intellectuelle qui nous pousse à côtoyer des hommes qui en savent plus que nous sur tel ou tel sujet, ou qui pensent autrement que nous, plutôt que de briller dans un monde de faux-semblants.
Dans l’Odyssée, alors qu’Ulysse visite les enfers et voit l’ombre d’Achille régner sur les morts il lui dit :
« Noble Achille, nul homme n'a jamais été ni ne sera jamais plus heureux que toi. Durant ta vie nous t'honorions comme un immortel ; et maintenant que tu as cessé d'exister, tu règnes en ces lieux sur les âmes des morts. Noble Achille, ne t'afflige point d'être descendu dans les sombres demeures ! » Achille lui répond aussitôt :
« Illustre fils de Laërte, ne cherche point à me consoler du trépas ! J'aimerais mieux, simple laboureur, être le serviteur d’un homme pauvre qui ne possèderait presque rien, que de régner sur toutes ces ombres ! »
Belle image que celle-ci, qui sera reprise plus tard par Platon, mieux vaut être un apprenti dans un monde éclairé, qu’un prince dans les ténèbres.
La Franc-maçonnerie libérale n’est ni une religion, ni une secte, ni un parti politique. Elle est adogmatique, qu’est-ce que cela signifie ? Que nous ne sommes pas détenteurs d’une «Vérité» unique, que nous sommes de ceux qui recherchent la vérité constamment. Est-ce à dire qu’il faut être sceptique et pratiquer l’Epoché, mise en suspens de toutes nos certitudes? Admettre toutes les vérités n’est-ce pas renier tout espoir de vérité ? La vérité serait-elle un horizon qui ne cesse de s’éloigner au fur et à mesure qu’on s’en approche ? Nos travaux seraient-ils aussi vains que ceux de Sisyphe?
Pour ma part je pense que, si la curiosité m’a attiré en ces murs, si elle m’a permis de m’enrichir par l’altérité - car ici on ne se confronte pas à l’altérité, on s’en nourrit - ce n’est pas pour conclure que la vérité n’existe pas, car dans ce cas suspendre son jugement, ce serait suspendre son engagement…
Les valeurs défendues par la déclaration universelle des Droits de l’Homme nous interdisent tout relativisme, encore davantage une démarche sceptique. Bien entendu cette universalité des Droits de l’Homme n’est pas de fait, hélas, la triste actualité nous le rappelle trop souvent, mais elle est incontestablement de droit. C’est un socle de valeurs qui réunit tous les franc-maçons adogmatiques, quelles que soient leurs sensibilités. L’esclavagisme était légal, il n’en était pas moins injuste aux premières heures de sa pratique. Il en va de même pour toutes les formes de rejet de l’autre pour son altérité, que ce soit le racisme, l’antisémitisme, l’inégalité des droits entre les hommes et les femmes, l’homophobie, les intolérances inter-générationnelles, l’esprit partisan en politique et ailleurs, les régionalismes, nationalismes… la liste est longue hélas…. Trop longue pour être ici exhaustive. « Quelle triste époque vivons-nous, où il est plus difficile de briser un préjugé qu'un atome » disait déjà Albert Einstein! On pourrait résumer ces travers de l’humanité, en un mouvement de repli sur soi, d’égocentrisme, à différentes échelles. Après un AVC, l’hémiplégique a le bras et la main recroquevillée vers soi. Un jour un médecin me disait que c’est peut-être un dernier réflexe de survie hérité de l’évolution: en ce moment critique l’homme n’a pas la main tendue vers l’autre, mais vers soi: cette main falciforme serait là pour ramener la nourriture à soi. Mais c’est la nature, et non l’humanité! L’homme ne peut se contenter de survivre… Il est en quête de sens...
La prise de conscience de cette nature égocentrique doit nous permettre de trouver les ressources pour tendre la main, y compris à ceux qui ne la tendent pas aux autres. C’est le plus difficile mon fils, et c’est ce que nous travaillons en maçonnerie. Ne jamais juger l’autre, même celui dont les idées nous dérangent, à conditions qu’il soit en chemin, et qu’il respecte les règles d’une écoute mutuelle. Autant nous ne pouvons pas être complaisants avec les idées d’autrui, et ne jamais douter des valeurs qui nous rassemblent, dussent-elles être des utopies, autant devons-nous être compréhensifs car il n’y a pas de délit d’opinion. Tendre la main, ouvrir les bras, c’est entrer en harmonie avec les autres, parce l’autre est un frère, que je re-connais comme tel, celui qui n’est pas moi mais avec qui je partage ce qu’il y a de plus précieux au cœur de chacun de nous: l’humanité. Et ne pas juger les autres, c’est aussi la garantie qu’on ne sera pas jugé soi-même, et donc de ne pas craindre d’être soi-même, sans fard ni atour.
La Franc-maçonnerie est donc l’école du détachement.
Détachement de soi et de notre ego, détachement des opinions et du locuteur, détachement de la singularité des courants de pensées tout en sauvegardant un socle de valeurs universelles humanistes, rationnelles, héritées des Lumières…
Cette recherche d’harmonie, et non de complaisance, avec mon frère, me conduit à la deuxième lecture de mon engagement, mon cher fils.
2. Sur les traces d’Epicure, réfléchissons brièvement au concept de plaisir en maçonnerie. Comme d’autres, si je suis venu ici, et si j’y suis resté, c’est par quête du plaisir. Cela peut-paraître dérisoire, dans un engagement aussi spirituel et désintéressé que le nôtre, mais c’est important de le dire. Comme chez Epicure, c’est les plaisirs simples et essentiels qui priment sur la quête des honneurs et des richesses de la société profane, société où le « m’as-tu vu? » règne trop souvent sur l’humilité, le paraître sur l’être… Chaque maçon vient en loge parce qu’il est heureux de retrouver ses frères! ici, le travail est divertissement: non pas au sens pascalien du terme, il ne s’agit pas d’une échappatoire, mais le plaisir de ressentir, ou de retrouver ce lien en humanité qui relie tous les hommes sur terre, et qui fait qu’au-delà de nos oripeaux nous sommes faits de la même terre glaise, des êtres souvent fautifs, gauches, et pathétiques, a l’instar de l’Albatros de Baudelaire, mais dans le fond des êtres sensibles, aimant un peu trop eux-mêmes, pas assez les autres, et désespérément en quête d’amour et de reconnaissance. Tragédie de la condition humaine, grandeur également, car l’humain gagne en humanité dans le lien, fût-il maladroit.
La Franc-maçonnerie est donc une école de reliance.
Mais un temple maçonnique n’est pas qu’un laboratoire de liens entre des frères et des sœurs, c’est aussi un espace où l’homme prend conscience de ses liens avec le tout.
3. Comme le Stoïcien, le franc-maçon cherche à échapper à l’emprise des passions et recherche la tempérance, la maîtrise de soi, la modération en toute chose. Il est profondément attaché à la liberté, liberté d’être soi-même. Il y a un concept Stoïcien dont les maçons se sont largement inspirés: l’Oïkéiosis (οἰκείωσις), qui est la réappropriation de soi par soi. Être soi, profiter de chaque minute qui nous est donnée comme si c’était la dernière, pour améliorer ce sur quoi nous avons du pouvoir, et apprendre à faire sien ce sur quoi on en a pas ou peu. Le maçon est sculpteur de lui-même, et projette son travail sur le monde pour l’améliorer à la mesure de ses moyens.Comme un Stoïcien, le Franc-maçon est un citoyen du monde, il est passé du dualisme, au ternaire, puis au monisme: du moi à l’autre, de l’autre au tout.
La Franc-maçonnerie est donc une école où l’on prend conscience de notre appartenance au tout.
Mon cher fils, vois-tu, notre société est de plus en plus ouverte sur le monde. Les nouvelles technologies permettent une surinformation croissante. Le temps de la pensée monolithique est dépassé, celui où le prêtre et l’instituteur étaient la source de tous les savoirs. Les sciences progressent avec une telle célérité que les hommes ont de la peine à en analyser les conséquences. Au niveau politique, les populismes progressent à grand pas, et rappellent les atrocités sans précédent de la seconde guerre mondiale, le fanatisme religieux provoque des attentats toujours plus inédits qui finiront bien eux-aussi par se banaliser. L’antiracisme agace, l’Europe agace, le mondialisme agace, les murs et les frontières reviennent à la mode.
Cette mutation de ce début de XXIème siècle est remarquable pour certains, déplorable pour d’autres... Comme j’ai un naturel optimiste, je me réjouis de vivre cette époque plutôt que celle de mes parents et grands-parents mais je crains malgré tout que le foisonnement et l’habitude nous conduisent peu à peu à l’indifférence. Si certains ont mésinterprété le Stoïcisme en en faisant une philosophie de la résignation, alors la comparaison s’arrête là, car un maçon ne peut pas être indifférent, soumis à un ordre qui lui échappe.
Il est temps de mobiliser toutes nos forces, qu’on soit maçon ou profane, pour lutter contre tous les reculs de la dignité humaine, ou les prévenir, quels que soient leurs formes, car sans la vigilance, la détermination et la volonté de construire un monde meilleur, tous ensemble, nos existences sont vides de sens. Renoncer à ce projet, aussi ambitieux soit-il, reviendrait à renoncer à notre dignité d’être humain.
Ne jamais se décourager, et travailler au progrès de soi et de l’humanité, avec détachement, joie, conscience et détermination, voilà mon fils, mes sœurs et mes frères, quels sont les traits essentiels de l’engagement maçonnique et humaniste qui est le nôtre.
Je terminerai par ces mots de l’anthropologue Margaret Mead: " Ne doutez jamais qu'un petit groupe de gens réfléchis et engagés puisse changer le monde. En fait, c'est toujours comme cela que ça s'est passé "
11 novembre 6017
Discours du Gr.·. Orateur Ioan Tenner:
Depuis 300 ans, malgré nos différences et disputes (parfois dignes des royaumes de Lilliput et de Blefuscu), notre ennemi est un – la barbarie. La barbarie qui enrage et divise, qui rend les hommes sous-humains, loups l’un contre l’autre, méfiants de coopérer. Je crois que nous existons pour cela ; pour faire grandir l’espèce humaine par la spiritualité, vers la concorde. Pour éduquer la dignité de l’Homme. Nous travaillons contre ce qui dégrade la condition humaine. Notre religion est de servir l’Humain, l’éveiller de l’obscurité à la lumière de la raison et à la hauteur de l’esprit.
Est-ce encore d’actualité ?
Que faire en ce début de 21e siècle quand la barbarie, la déshumanisation, nous guette soudainement du futur plutôt que du passé, du progrès plutôt que de l’obscurantisme? Comment allons-nous garder la dignité de l’Homme, sa morale dans un monde ou le surhumain est technique ? Comment défendre le droit des Humains à la vie, la liberté et la poursuite du bonheur quand nous serons tous chômeurs et inutiles ? Car nous sommes confrontés, il me semble, à l’avènement de la barbarie technologique. Voici une foi scientiste qui procède à remplacer Homo Sapiens (1) avec ses propres créatures mécaniques, dites supérieures à notre espèce. Supérieures parce que à 100% logiques, efficaces, économiques, libres de nos passions et de nos valeurs désuètes.
Je dis de la raison que si son sommeil engendre des monstres, sa pleine lumière aussi.
C’est du génie de notre raison que nous, Homo Sapiens, avons créé - pour nous libérer, éveiller et servir- les philosophies de la raison la plus rigoureuse, et de la science la plus exacte. C’est avec les mains d’Homo Faber que nous, l’espèce Humaine, avons créé les outils puissants, les machines infatigables, les communications irrésistibles, les ordinateurs à la mémoire colossale et les algorithmes qui promettent de rationaliser tout ce que nous faisons et de le faire mieux, plus vite, moins cher… sans nous.
Tout cela a été acquis pour nous, pour nous servir, pour mieux vivre, avec plus de force, sagesse et beauté, pour ne plus manger le pain à la sueur de notre visage. Il semble qu’on a oublié ce rêve simple.
Au lieu de cela, qu’est-ce que nous propose cette utopie Transhumaniste qui nous hante depuis l’avenir ?
Pour commencer, elle nous miroite de nous nourrir tous et nous guérir de tous les maux; de nous permettre l’échange standard de toutes nos pièces détachées usées, du corps de nos semblables donateurs ; puis de nous donner ni plus ni moins, la jeunesse sans ride et la vie sans mort ; sur ce chemin, de nous sélectionner gentiment et génétiquement pour reproduire que les meilleurs, les plus intelligents, sains, sociables, les plus productifs d’entre nous, pour un Meilleur des Mondes. Et pourquoi ce changement radical ? Parbleu, pour mieux faire face à opérer et entretenir lesdites machines, nos créatures de perfection. Et pourquoi dédier les humains à servir leur propres machines? Élémentaire mon cher Watson, pour accroitre leur efficacité, la production, l’économie, le profit exponentiel qui fait si bien tourner le Monde. Avec l’effet, finalement, par cette grande révolution, de remplacer le gros de notre espèce trop chaude, qui croque le Globe jusqu’au trognon comme une pomme et qui empeste le bioxyde de carbone, avec une froide et logique technocratie-réseautée d’algorithmes exclusivement formels, tels des idées pures de Platon. Une oligarchie d’ordinateurs sans état d’âme, à responsabilité diffuse, servis par quelques brillants élus implantés, augmentés, choyés comme je gâte mon labrador chéri. Et le reste, les milliards de l’autre Humanité, attardée, pauvre, illettrée, croyante, vieillie, misère, illogique ? Je vous laisse imaginer ce qu’on va faire de ceux-là. Mais pourquoi donc nous remplacer ainsi? Pour rien, pour rendre réel le vide d’une utopie! Logiquement, le dernier robot devra éteindre la lumière sur cette Terre ou tout a été fait et partir dans l’infini.
Armand Robin, poète, écrivait en 1945 :
« On supprimera la Foi /Au nom de la Lumière/Puis on supprimera la lumière
On supprimera l'Âme/ Au nom de la Raison /Puis on supprimera la raison
On supprimera la Charité /Au nom de la Justice /Puis on supprimera la justice
On supprimera l'Amour /Au nom de la Fraternité /Puis on supprimera la fraternité
On supprimera l'esprit de Vérité /Au nom de l'Esprit critique /Puis on supprimera l'esprit critique
On supprimera le sens du Mot /Au nom du sens des mots /Puis on supprimera le sens des mots
On supprimera le Sublime /Au nom de l'Art /Puis on supprimera l'art
On supprimera les Ecrits/ Au nom des Commentaires /Puis on supprimera les commentaires
On supprimera le Saint / Au nom du Génie / Puis on supprimera le génie
On supprimera le Prophète / Au nom du poète / Puis on supprimera le poète
On supprimera l'Esprit / Au nom de la Matière / Puis on supprimera la matière
AU NOM DE RIEN ON SUPPRIMERA L'HOMME /ON SUPPRIMERA LE NOM DE L'HOMME /IL N'Y AURA PLUS DE NOM » (2)
*
Devant ce cauchemar post-humain que faire, mes SS et FF, ne faut-il pas revoir les priorités de notre humanisme? De nouveaux débats et initiatives semblent s’imposer à nous.
Humblement, je pense aux choses simples que nous pouvons faire sans attendre dans nos Ob :. et Loges et - encore plus - tous ensemble en tant que Maçonnerie mondiale, bien au-delà du clivage des régularités.
Tout d’abord de comprendre que cette mythologie moderne du transhumanisme nie des essences de l’humain qu’elle est incapable de détecter, mesurer, expliquer, mettre en algorithmes et fabriquer en Chine. La neurobiologie, la biochimie, l’intelligence artificielle, manquent des moyens à ce jour pour analyser, expliquer et même accepter l’existence du sens commun, du comprendre, de l’autonomie de choisir et d’agir. Notre unicité de surprendre par quelque chose d’inattendu, la conscience, nos métaphores, restent sans substance pour ces ingénieurs. Les algorithmes ne conçoivent pas pardonner, promettre, faire confiance, croire, rêver, aimer et détester, vivre le beau et le laid, le juste et l’horreur, discerner la sagesse de la stupidité. Les robots n’ont pas besoin de nom, d’identité, d’appartenance, d’ancêtres et descendants, de dire « moi ». Les valeurs morales, la culture, l’art, les religions, les symboles et surtout l’histoire, les mythes et les récits qui donnent sens à nos vies n’ont pas de substance pour ces utopistes. Par conséquent, réfléchissons d’urgence à ces sujets comme nous savons faire (3) et levons-nous pour mettre en valeur l’humain et le spirituel dans la société profane. Nous avons osé savoir, osons croire en l’Homme ! C’est un chantier passionnant mais aussi vital et urgent.
En deuxième lieu, nos héritiers, la jeunesse actuelle cède au virtuel de science-fiction et aux fanatismes parce qu’elle est affaiblie par l’aliénation et l’anomie. La démocratie est effritée par la solitude de jeunes qu’on reproduit en masse, depuis au moins 50 ans, avec des têtes vides et des cœurs vides d’espoir et de confiance (ces choses sans lesquelles l’humain ne peut pas vivre), déstabilisés par une déferlante d’horreurs qui rendent insensible, d’hypocrisie incessante politiquement correcte, de fausses nouvelles, vérités alternatives, nourris de la paille de déchets culturels, ramollis par les réseaux dits sociaux. Comment penser avec sa tête dans ce flot ? Comment répondre aux questions de Kant : « Que puis-je espérer ? » et encore « Que dois-je faire ?» Comment surpasser le dilemme du prisonnier qui nous explique en bonne logique et psychologie compétitive que celui que tu ne laisses pas mourir ne va pas te laisser vivre ? Comment apprendre à coopérer et à décider come une conscience sage, pas comme une espèce (4), comment défendre la démocratie contre la confusion et du communautarisme ?
Par notre méthode, bien entendu !
C’est contre ce chaos de désunion que nous appliquons notre méthode maçonnique.
Le génie de nos fondateurs nous a proposé cette méthode particulière, notre « secret » de progrès par la construction plutôt que par la destruction. Au lieu ou en tout cas avant de révolutionner les sociétés si diverses dans lesquelles nous œuvrons, nous cherchons à rendre la vie des gens plus vivable, par la concorde. Comme l’a si bien explique notre F :. Lessing dans ses Dialogues d’Ernst et Falk (5). Du chaos, nous cherchons constamment sens et ordre. L’ordre librement consenti, en conscience. Comment ? En réunissant ceux – de bonne volonté mais fort différents - qui sans nous ne se parleraient pas. Qui dans le monde profane, tel qu’il est, deviennent souvent adversaires et ennemis.
Depuis 300 ans et plus, cette noble utopie qui nous vient de la Règle d’or - « Ne fais pas à autrui ce que tu ne souffrirais qu’on te fasse » « Aime ton prochain comme toi-même. » - des grandes spiritualités, prouve la viabilité de nos valeurs. Pourquoi ? Parce que cette utopie agit en étoile polaire, en idéal, en lumière pour nous orienter en chemin, mais les pieds bien sur terre, avec bon sens, et pas en dystopie exclusive et totalitaire en quête de dévots fanatiques, vidés de sens critique. Nous avons réuni dans le même temple des protagonistes des guerres de religions, les idéalistes de presque toutes les convictions, les croyants et les non croyants, qui se parlent sincèrement, en respectant leur liberté et leurs symboles sous seule condition de respecter la différence des autres et de construire au lieu de diviser. De respecter et servir l’Humanité. Continuons donc à réunir ce qui est épars et montrons cet exemple, affirmons notre philosophie au monde profane au lieu de la garder secrète! Cette méthode devenue habituelle pour nous serait révolutionnaire pour le monde profane.
Finalement, ne laissons pas la gouvernance du monde aux idéologues, aux spéculateurs et aux experts ! Ne cédons pas la spiritualité aux sectes et aux ayatollahs ! Nos SS et FF, une fois sortis du temple, peuvent s’associer pour faire peser notre Fraternité dans les organisations Internationales, pour dire dans la lingua franca du sens commun les vérités urgentes d’Homo Sapiens. Soyons les représentants publics de l’Humanisme, de la spiritualité, de l’intérêt vital de l’Humanité!
Voici mes FF.·. mes SS.·. des choses que nous pouvons faire au lieu de déprimer. C’est l’heure du midi.
Références :
* Image : Francesco Goya Capricho № 43: El sueño de la razón produce monstruos Museo de Calcografía Nacional, Madrid Domaine Public
(1) A lire et réfléchir (avec noter sens critique) Yuval Noah Harari, Sapiens, Une brève histoire de l’humanité-Albin Michel (2015) et du même auteur, Homo Deus, Albin Michel 2017
(2) Armand Robin, Poèmes indésirables, Éditions anarchistes, Paris, 1945
(3) Colloque de la Franc-Maçonnerie Libérale Suisse – GLFS, DH, GOS - Morat, 4 mars 2017 : Transhumanisme: Au-delà de l'humain, vers quoi? Comment? Pourquoi?
(4) Julian Cribb, Surviving the 21st Century Humanity’s Ten Great Challenges and How We Can Overcome Them, Springer Int., 2017 p 196
(5) Gotthold Ephraim Lessing, Ernst et Falk : Dialogues maçonniques - Gespraeche für Freimaeurere. L'Education du genre humain Die Erziehung des Menschengeschlechtse, Paris, Aubier-Montaigne 1946