Après ces évènements, les Esséniens, semblent s'être installés à Qumrân, au bord de la Mer Morte.
La soumission d’Israël par les légions de Pompée, leur permet de se réinstaller à Qumrân en -60. Ils occuperont paisiblement le site pendant plus d’un siècle.
Mais la révolte des révolutionnaires Zélotes de 66, va progressivement les contraindre à l'exil, l’occupation des bâtiments de Qumran par les légions romaines précèdera de peu la destruction totale de Jérusalem en 70. Ils durent probablement s'enfuir à Pella, en Arabie, de l'autre côté du Jourdain. Nous y retrouvons leurs traces parmi les sectes des Ebionites, des Mandéens et des Karaïtes. Pensant qu’ils reviendraient, le calme revenu, ils cacheront l’intégralité de leur bibliothèque dans les grottes alentours.
Revenons en arrière. Au cours du IIème siècle avant notre ère, la secte religieuse essénienne apparaît comme une réponse à la crise qui secoue la société israélite, assaillie par l'hellénisation des rois Séleucides, à laquelle elle est réfractaire. Le paravent dressé par leur Loi contre l'hellénisme, n'a de pareil chez aucun autre peuple. Mais cette crise va bouleverser l'équilibre de la société israélite, en remettant en cause, les trois éléments essentiels de cette société dirigée par la religiosité: la Loi, l'Alliance, et le Temple.
A l’instar de ces trois concepts, les inventeurs de nos rituels maçonniques ont probablement voulu insister comme l’a fait avant eux le christianisme, sur la symbolique des trois insignes divins (père, fils, saint esprit) mais pas seulement. Ainsi chaque mot de notre rituel Maçonnique décerne un message initiatique particulier. L’allumage symbolique de nos trois lumières, Sagesse, Force, Beauté n’y déroge pas avec cependant une différence essentielle, ces trois archétypes sont des valeurs humaines à promouvoir.
Dès lors, la communauté essénienne va se comprendre comme l'unique dépositaire de l'Alliance avec Dieu, le véritable Israël appelé à la destinée eschatologique promise par Dieu. La communauté doit s'affirmer comme le centre de sainteté, par une application sans faille de la Loi et des règles de pureté, garantes de l'Alliance.
Comprenons que la communauté des Francs-Maçons peut devenir un centre de spiritualité, où le Vénérable annonce dès l’entrée :
« Prenez place mes Frères et mes Sœurs. »
Cependant, considérant la société israélite comme souillée, ou l'homme est constamment tenté de transgresser les impératifs de l'Alliance, la communauté essénienne créera une société de pureté, retirée du monde. C’est probablement cet intégrisme qui provoquera le conflit, avec les autres tendances religieuses.
La Loge, non accessible aux profanes, nous recommande de nous tenir à couvert, à nous affranchir de nos soucis quotidiens, de nos préjugés…elle éveille en nous le sentiment d’appartenir à l’univers, à l’ordre planétaire, et d’y avoir notre place. Ce retrait du monde extérieur provoque souvent la méfiance à notre égard.
Contestant l'organisation politique d'Israël, la pensée essénienne va développer une idéologie spécifique donnant la prééminence à l'élément sacerdotal, laissant une place à l'institution d'une royauté laïque, en réaction à la confusion des pouvoirs religieux et politiques exercés par les Rois Maccabéens. Dès lors, la Communauté s'organise de façon autonome, de manière à préfigurer la société messianique réunie autour de Dieu, à la fin des temps, et ce, par la constitution d'un Temple d'hommes que réalise la Communauté. Elle s’oppose bien évidement à l’institution que représente le Temple de Jérusalem.
Le Franc-Maçon est aussi un temple intérieur. Le prenez place du Vénérable Maître, nous indique bien notre entrée dans un ordre nouveau, et de faire exactement, ce que notre place exige de nous.
Les textes retrouvés en 1947 au nord-ouest de la Mer Morte, datés du 1er siècle avant notre ère, jusqu’aux années soixante de notre ère, semblent être ceux de ces moines esséniens. Leurs traductions ainsi que leurs diffusions sont dignes d’un roman fleuve, mais passons, aujourd’hui nous pouvons disposer de la totalité des textes. Pour bien les comprendre, il est souhaitable de s’imprégner du contexte explosif de l’époque. D’abord, le mélange de religieux, politique, social, et économique, et pour couronner le tout, la domination militaire de Rome jamais acceptée.
Analysons les textes. Le zèle et la vertu dixit Philon à propos des Esséniens, est bien ce qui amène les fidèles de Qumrân, à se regrouper dans une société à part. Ils sont la congrégation des pénitents, des saints, comme l’était les cathares, et comme les Cathares, il y avait les parfaits, ceux qui se sont retirés dans les monastères, et les autres, les néo-esséniens, ceux qui, tous en respectant au mieux la catéchèse essénienne et la Loi, ne sont pas retiré de la vie sociale, se marient et ont des contacts avec les autres.
L’ouverture de la Loge montre bien que nous sommes aussi dans une société à part, qui participe à notre propre ouverture, à la propre réalisation de ce que nous sommes réellement. De retour dans le profane, nous devons comme les néo-esséniens poursuivre notre travail sur nous-même, et par notre conduite exemplaire participer au « changement du monde ». Le rituel va nous faire découvrir l’urgence de rompre d’avec nos limites sociétales et autres.
Les règles qui président à l’admission des nouveaux membres stipulent : une année de postulat, puis deux années de noviciat, précédant l’admission définitive, laquelle seule permet de participer au repas communautaire.
Le nouvel adepte prononce devant ses frères des serments redoutables. Quand il s’agrège à la communauté, il entre dans l’alliance de Dieu (difficile pour nous d’imaginer ce Dieu omniprésent) en présence de tous les volontaires, et s’engage lui-même par obligation, à se conformer à la Loi de Moïse. L’une des obligations auxquelles il s’astreint par serment, c’est de ne rien cacher aux membres de la secte, comme de ne rien révéler aux autres, même si on usait de violence mortelle. Ce passage indique de façon non équivoque le caractère ésotérique de la secte Essénienne. Celle-ci détient des doctrines secrètes, des révélations réservées aux initiés, une connaissance supérieure privilège des élus. Les esséniens disent encore : Avec une sage réflexion, je cacherai la connaissance.
Notre premier serment rajoute: « à qui n’a pas qualité pour l’obtenir ».
Flavius Josèphe écrit à leur sujet « Ils se font un devoir d’obéir aux plus anciens, personne ne prends la parole si elle n’a pas été accordée, ». Cet historien poursuit, « Aucun cri, aucun tumulte ne souille jamais la maison, ils se donnent la parole les uns aux autres dans l’ordre »
Surprenant, non ? Les Esséniens semblent bien être un ordre initiatique. Le noviciat, l’initiation, les serments d’obligation, les grades, les séances, leurs règlements, l’ésotérisme, cela fait beaucoup de ressemblances avec notre Maçonnerie. Tout est décrit dans les rouleaux de Qumran : ceux de la règle de la communauté, du manuel de discipline, et de l’écrit de Damas.
Les découvertes des manuscrits ne doivent pas éclipser la mise à jour par les archéologues des bâtiments de Qumrân. Ses installations mettent en évidence, l’importance qu’avait aux yeux des Esséniens la purification rituelle par immersion totale, parfaitement expliquée dans les textes découverts. Par ailleurs il faut imaginer ces bâtiments dans un paysage beaucoup moins aride qu’aujourd’hui, avec au sud, la source d’Aïn Feska, permettant l’agriculture et l’élevage. Sans compter la culture du balsamier, qui certainement servaient à la confection de baumes et de parfums, produits de luxe destinés à la vente.