Au-delà d’une simple écharpe, y-a-t’il passation d’une tradition, c’est -à-dire une inscription dans une continuité ? Sommes-nous liés d’une quelconque façon à l’au -delà ? Parlant de l’au-delà, qu’elle est cette relation que nous maçons avons avec la mort ? Comment cela s’inscrit-il dans notre dynamique et notre travail maçonnique ? Franc-maçon passeur d’une tradition ? S’il existe un sujet polémique en maçonnerie, c’est bien celui de la tradition maçonnique. Bien évidemment, chaque maçon à sa conception propre de cette tradition. Si la maçonnerie est une société initiatique, en quoi est-elle traditionnelle ? Depuis qu'elle existe, ou simplement connue, la franc-maçonnerie est qualifiée d'initiatique. L'étude du phénomène initiatique nous amène à devoir accepter que pour être valablement qualifiée d'initiatique toute société se doit aussi d'aborder le domaine de l'ésotérisme. Ces deux particularités ne peuvent se concevoir que dans le cadre d'une approche symbolique. La conséquence immédiate de c et état, est que la symbolique avec ses règles, ne peut fonctionner que dans un cadre non borné. J'entends par là , qu'il ne peut y avoir de limites à l'étude symbolique d'un sujet quelconque .
S’appuyant sur l’héritage du passé et en prenant en compte les leçons des temps anciens, nous devons aussi nous inscrire dans le temps actuel. Il ne s’agit pas de cultiver une tradition, qui tel un arbre mort ne connaîtrait jamais de jeunes pousses, qui ne verrait jamais tomber ses branches mortes pour en voir repousser de nouvelles plus vigoureuses. En cela, les Franc-maçons du siècle des Lumières, avaient déjà tracé la voie en élagua nt les rituels médiévaux pour construire un ensemble rituélique orienté vers la philosophie et vers la société.
Se nourrir du passé pour progresser aujourd’hui est le fondement de l’idéal maçonnique. La tradition maçonnique devient alors une référence, un rappel du point de départ, mais certainement pas un dogme immobile. En conclusion, la tradition maçonnique à la fois acte de transmission et corps de valeurs morales et spirituelles, renvoie à un courant de connaissance et de sagesse qui a puisé dans des sources culturelles riches et différentes. Elle caractérise l’homme comme un être capable de se construire en référence à des valeurs transmises dans le cadre de l’expérience initiatique. On peut aussi la considérer comme un héritage et un patrimoine de culture et de civilisation. Dans cet acte de transmission, chaque maçon donne à ceux qui le suivent une vision de l’homme, une passion de la maîtrise et une foi dans la capacité des êtres humains à bâtir l’avenir. Que le devoir du maître maçon, est de transmettre, de s’impliquer, aussi bien dans son travail que dans sa parole, double devoir vis -à-vis de soi, ainsi que devoir envers les autres, parce-que le maître maçon doit être prêt à accomplir son devoir sans songer à une récompense, faisant du devoir son obligation.
Transmettre oui, mais comment ? L'homme a toujours cherché à améliorer ses connaissances, afin de maîtriser son avenir. Cependant, la seule expérience de son propre vécu ne pouvant lui suffire, sachant que sa durée de vie est bien trop limitée, l'homme a exploré les moyens d’acquérir et de transmettre le savoir de ses aînés. Que ce soit par des représentations graphiques peintes sur les parois de ses habitations ou directement de façon orale, il s’est appliqué à pérenniser ses connaissances pour les générations à venir. Mais peu importe l’option choisie, le rôle de celui qui confère l’initiation à un autre est bien véritablement un rôle de « transmetteur », au sens le plus exact de ce mot. Il n’agit pas en tant qu’individu, mais en tant qu’anneau de la « chaîne » dont le point de départ est en dehors et au-delà de l’humanité, nommons-le par Grand Architecte de l’Univers.
L'ésotérisme perpétue une technique dite initiatique, où chacun peut acquérir et transmettre ce qu’il reçoit en partage. La fraternité y joue un rôle prédominant, surtout dans ses premiers degrés, mais par le choix ciblé des symboles qu’elle propose, elle suscite un travail en profondeur qui permet d’élever la conscience spirituelle de ses membres. Le rôle de la transmission dans un ordre initiatique est de permettre de naître et renaître, de croître et de produire, trois fonctions correspondant aux degrés d’apprentissage, de compagnonnage, et de maîtrise, nécessaires pour agir au mieux dans la société. Aussi, rien ne se transmet dans l'anarchie, mais selon un processus organisé, fruit d’une tradition, et avec tout le cérémonial nécessaire. L’initiation, imposée au profane lors de sa première entrée dans le sanctuaire du temple est censée marquer une rupture avec son passé. Cependant l’initiation avec un grand I n’est jamais complètement acquise. C’est un combat permanent pour respecter les engagements que nous avons contractés sur l’autel des serments.
Honnêteté, probité, tolérance, fraternité… toutes ces valeurs qui font reconnaître un véritable franc -maçon. Ce combat nécessite un soutien, comme celui frères associés à notre quête et témoins de nos efforts. C’est pourquoi il est souhaitable, voir nécessaire, de revenir souvent se ressourcer et partager les bienfaits d’une chaîne solide au sein d’un atelier où règne l’harmonie. Le parcours initiatique, quant à lui, conduit le profane de la terre où il se meurt, au ciel, où il s’accomplit. La distinction entre la terre et le ciel, entre le matériel et l’immatériel a conduit l’homme au concept, présent dans beaucoup de religions, dont les religions judéo-chrétiennes, selon lequel, à l’origine ciel et terre étaient initialement unis. Ainsi le 1er verset de la Genèse rappelle le premier acte du créateur qui procède à leur séparation : « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre ». Dans cette perspective, la quête du maçon peut aussi se comprendre, non comme la nostalgie de cette séparation, mais comme l’aspiration à leur réunion, sa construction visant à f aire descendre le ciel sur la terre, c’est -à-dire s’améliorer en s’inspirant du divin, et non pas à faire monter la terre vers le ciel.
Aujourd'hui, il n'y a plus de cathédrales à lancer vers le ciel, mais il reste des multitudes de passerelles et même de viaducs à construire afin de rapprocher les hommes. Il y a une deuxième dimension à donner à la pierre que, jusqu'à présent, nous n'avons appris qu'à empiler, pour atteindre, convenons-en, des cieux improbables.
Je ne veux offenser ici aucune croyance, aucun culte, mais seulement privilégier ce que j'appellerais la "connexion à mes semblables". Une saine réflexion nous invite de la sorte à poser symboliquement des pierres devant nous en marchant, et à les jointer avec ce lien, ce ciment, que représente notre matière grise. "Les gens se sentent seuls, parce qu'ils construisent des murs plutôt que des ponts" dit opportunément la philosophe américaine, Katleen Norris. Résolument optimistes, nous pensons que le monde dans lequel nous vivons peut et doit être amélioré. C’est en effet en "maçonnant" que l’on devient franc-maçon. Maintenant qu’en est-il de l’initié ? Sa première mission commence par le "travail vertical", c'est-à-dire la construction de son temple intérieur. Cette belle démarche serait toutefois fragmentaire, si elle n'était pas complétée, bien entendu, par un "travail horizontal", autrement dit l'ouverture aux autres, aussi bien en loge qu’en société. De la sorte, à l'image de l'un de ses outils symboliques, le maçon est bien "d'équerre" sur ce double chantier. Cela appelle à une remarque de ma part : « Nos frères n’aspirent pas au repos » Un tel chantier passe nécessairement par la construction de soi-même. Chemin de perfectionnement, d’acquisition des vertus, chemin ardu qui s’adoucit cependant au contact des frères. Si nous avons bien fait notre travail, on pourra alors s’endormir en sachant que l’on emporte en mourant que ce que l’on a donné.
Transmettre, oui mais à qui ? La transmission est avant tout un acte de communication et d’échange entre les êtres et surtout un acte d’amour. On transmet la vie, on transmet un savoir, on transmet l’amour d’un art, on transmet une tradition…C’est perpétuer et organiser la continuité dans l’échange. Elle nécessite un choix et une responsabilité personnelle, voir collective dans la transmission de l’identité Initiatique. Le sens de notre quête montre que notre vie est liée à l’action. Le maçon ayant ouvert sa conscience et son entendement par le cheminement initiatique, se doit de rentrer dans une dynamique de transmission de ses connaissances, de ses valeurs, de son éthique et de son expérience pour remplir sa mission de rayonnement sur son entourage, et participer plus ou moins activement au progrès de l’humanité. Passeur de lumière, il est de son devoir de partager ses acquis avec toutes personnes susceptibles de les recevoir, et plus tard les transmettre. Ce n’est pas la moindre de ses responsabilités car le choix lui incombe la prudence et le discernement lorsqu’il s’agit de sélectionner de nouveaux adeptes. Il existe un risque bien réel dans ce domaine, et l’on peut s’interroger sur les précautions ou attitudes à prendre et à observer. Sur quoi construit-on ? Qu’elle est cette œuvre que l’on souhaite accomplir ? Qu’avons-nous besoin pour la réaliser ? La méthode initiatique ne crée pas de supériorité. Chacun avance à son pas, selon son âge avec les outils de cet âge, mais l'ensemble symbolique d'un degré n'est pas destiné à se fondre ou à se confondre dans l'ensemble du degré suivant. Les deux continueront toujours de coexister, mais ils se raccordent et ils entrent en résonance. De la qualité de cette résonance dépend l'enrichissement spirituel. C'est même en cela que la méthode initiatique se distingue des autres méthodes de transmission des connaissances. Un degré n'est pas une classe au sens scolaire. L'apprenti n'est pas présumé incapable d'acquérir des notions devenues à portée du compagnon. Il ne s'agit pas, comme pendant la scolarité, d'aller petit à petit du simple au complexe, de l'élémentaire au subtil.
Chaque degré a sa valeur et la garde. Le maître peut travailler au degré d'apprenti sans avoir le sentiment de déchoir. Le compagnon peut donc avoir une approche nouvelle d’un symbole, mais qui lui est inspirée par le nouvel ensemble symbolique rattaché au deuxième degré. Le rituel quant à lui, nous appelle à une activité sacrée, révélatrice de la nature de l’homme. Cette connaissance a cheminé d’homme en homme, de siècle en siècle, comme elle chemine à l’intérieur de notre temple, à l’extérieur et à l’intérieur de chacun d’entre nous. Aussi, dans sa rigueur, le rituel nous apporte cette liberté de penser, de s’élever, de comprendre. L’ordre dans le désordre. Ordo ab chao. Le cosmos s’invite à notre tenue, parmi nous, avec nous, à travers le rituel.
Au contraire du langage qui mue, évolue et se transforme, le rituel reste immuable et nous permet de nous adapter. Le rituel est ce dialogue qui ouvre la voie vers la connaissance. Le rituel maçonnique ouvre aux frères des portes nouvelles vers la découverte de son être et vers la connaissance. Nous comprenons ainsi le lien qui existe entre le corps physique et le corps spirituel. Le rituel nous aide à créer le lien entre notre corps et notre esprit. Mes frères, ces notions me permettent de mentionner que rien ne peut exister sans son contraire dans le monde profane. Nous devons exister avec cette réalité et, dans le monde sacré, la dépasser, aller au-delà des apparences, du vécu, pour, à l’aide de notre démarche maçonnique, entrer dans les voies qui nous sont tracées. Elles ne sont ni blanches, ni noires, elles n’appartiennent pas à ce monde de rationalité profane. Toute chose existe en effet avec son opposé et ne peut exister qu’avec lui, et l’homme n’échappe pas à cette fatalité. Il se trouve qu’il possède à la fois le bon et son contraire.
Le bien et le mal, contraires nécessaires l’un à l’autre, présents en loge en blanc et noir. Si l'Orient est souvent opposé à l'Occident comme la spiritualité au matérialisme, la sagesse à l'agitation, la vie contemplative à la vie active, la métaphysique à la logique, c'est en raison de tendances profondes très réelles, mais nullement exclusives. Nous tournons en loge notre regard vers le delta rayonnant, nous positionnant ainsi en recherche, en questionnement sur le monde et l’univers comme envers nous -même. Nous nous positionnons ainsi face à notre devenir et notre fin certaine. L’homme ne peut fuir sa destinée, il sait qu’il aura un e fin et cette fin l’interroge. De plus, il ne faut pas construire pour atteindre le ciel, mai s faire descendre le ciel sur la terre. Au lieu de participer à la création de langages différents, nous devons trouver le dénominateur commun qui unit et non qui sépare. C’est l’éternelle alternance de donner et recevoir, de l’infini et du fini. Tout cela s’opère dans le champ vibratoire permanent qui relie ciel et terre. Mais alors comment relier ciel et terre me demanderez-vous ? Différentes mythologies ont proposées des réponses, dont beaucoup d’entre elles se rejoignent. En fait, toute proposition n’a d’autre objet que de nous faire rejoindre le un.
Alors, comment pouvons tendre vers l’unité ? La voûte étoilée comme piste de réflexion et élément de réponse ? Depuis l’aube de l’humanité, l’homme lève les yeux vers le ciel. Cette humanité a toujours été fascinée, intriguée, saisie de joie et de crainte, voire d’angoisse devant les manifestations de la voûte céleste, sa grandeur et ses mystères insondables. L’homme l’a sacralisé et a essayé d’y comprendre et d’y édifier la création et de faire concorder ses vues étoilées, avec ses croyances. L’homme exprimait ainsi une filiation mystérieuse avec l’univers, le cosmos. Les étoiles représentées au plafond de la loge sont une image d u cosmos, terme venant du grec et désignant tout à la fois le Monde, l’Univers, la Création. Leur présence rappelle que le travail maçonnique s’accomplit à la frontière du visible et de l’invisible, dans un monde intermédiaire qui sépare le terrestre, domaine du limité, du royaume de la divinité, domaine de l’infini. Cette représentation du cosmos enseigne aussi que l’action de la divinité ne se borne pas seulement au monde qui est le sien pour celui qui sait devenir une étoile vivante. Ce qui est en haut existe aussi ici-bas. La voûte étoilée est le trait d’union entre l’humain et le divin d’une part, entre la divinité et l’humanité d’autre part. Frontière symbolique entre l’être humain et la divinité, elle constitue un voile masquant au premier la lumière de la seconde vers laquelle il dirige ses aspirations. Dans sa recherche, il lui arrivera de percevoir des parcelles de cette lumière. Aussi, la voûte étoilée nous incite à nous rendre compte que nous sommes noyés comme une gouttelette infime dans un énorme océan. Cela doit, d’un côté, nous rendre humbles et de l’autre nous rappelle nos limites en tant qu’hommes. Cependant, nous faisons partie intégrante du tout et nous sommes en lien avec tous ce qui existe autour de nous et nous devons agir en tant que tel. La voûte qui est présente dans nos temples repose sur les murs de la loge. Cela ne signifie pas que notre temple a la prétention de s’élever à la hauteur du divin. Nos murs supportant la voûte étoilée sont là pour inviter le maçon à diriger sa recherche de la lumière dans cette direction, puisque son travail ne se limite pas à la connaissance de soi, mais aussi à la recherche de ce qui le dépasse. De ce qui le surpasse et se trouve au-delà de la voûte céleste. Le ciel a toujours été considéré comme le symbole de la réalité supérieure unique, immuable et éternelle, alors que ce qui est sur terre est le monde de la dualité où s’opposent le bien et le mal. D’ailleurs, la voûte étoilée est située en juxtaposition au pavé mosaïque. Et c’est l’initiation maçonnique qui jette un pont, crée une liaison au moyen du fil à plomb entre la terre et le ciel, entre matière et esprit pour que le cœur de l’homme, par le travail sur les symboles, résolve ces oppositions. Ceci m’amène à voir dans la voûte étoilée un symbole d’unité, je m’explique. Dans cette voûte étoilée je vois, par reflet, les frères éparpillés sur la terre, mais aussi les frères passés à l’orient éternel. C’est une chaîne d’union à travers les âges, à travers l’espace et le temps qui relie les cœurs et les âmes appelant puissamment l’égrégore. On peut y voir aussi une représentation de toutes les loges du monde, chaque étoile symbolisant une loge allumée, une loge au travail au nom de la franc-maçonnerie universelle.
Sur la terre entière, il est toujours midi ou minuit quelque part, une loge s’ouvre, une autre s’éteint. J’arrive facilement à faire le lien avec la voûte étoilée en tant qu’outil de méditation, allongé dans l’herbe par une splendide nuit d’été, me sentant un trait d’union entre le ciel et la terre, mon esprit se calme et toujours les mêmes questions qui revienne nt en écho : D’où venons-nous, qui sommes-nous, où allons-nous ? Pour répondre à ces questions, les plus anciennes civilisations ont développé un système parallèle à l’astronomie, l’astrologie. Au début, elles étaient liées et même confondues, car pour les anciens, l’observation rigoureuse de la voute céleste permettait de prévoir des événements survenant sur la terre. Cette loi de correspondance universelle, qui permet de relier le cosmos a l’ homme est le substrat même de ce que l’on appelle l’Esotérisme, en d’autre terme, ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, ne l’oublions pas. L’astrologie, quant à elle, permet de répondre à un besoin aussi vieux que l’humanité : trouver un sens et mettre de l’ordre au sein d’un monde imprévisible et chaotique, Ordo ab Chaos. Mes frères, les soirs de doutes tournons nos regards vers le ciel et rappelons-nous les bons moments passés en loges, les instants privilégiés vécus lors des St -Jean, ou tout simplement une discussion avec un frère.
N’oublions pas pourquoi no us nous sommes réunis en maçonnerie, que ce symbole nous rappel nos recherches, que la profondeur du ciel nous permette de rêver et de n e pas oublier que nous aussi, mes frères, nous prendrons l’escalier tournant pour rejoindre un jour l’orient éternel. Le ciel est symboliquement une porte, celle de l’au -delà, dont l’ouverture nous révélera, le jour de l’ultime initiation, la pleine et vraie lumière. D’ailleurs, ce travail est effectué « à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers » ; par cette évocation, le maçon exprime la conscience d’une filiation mystérieuse avec cet univers, et le créateur de cet univers. Et justement, c’est par la contemplation de la voûte étoilée que commence l’ouverture à l’univers. Cette méditation n’est pas simplement voir ou regarder le ciel, mais s’ouvrir et établir une communication avec lui. Travailler sous la voûte étoilée c’est travailler sous le regard de l’œil du Delta ; mais aussi sous le regard des frères passés à l’Orient éternel qui sont devenus des étoiles et qui ont perpétué au cours des siècles la chaîne initiatique et assuré la transmission de la tradition. Quelle responsabilité nous incombe et quel devoir ! Allégoriquement, la voûte étoilée représente aussi la construction inachevée du temple. En d’autres termes elle nous rappelle que les travaux de construction du temple intérieur du maçon ne se terminent jamais car le travail sur soi est interminable et la perfection est inatteignable.
Nous connaissons tous ce qu’a dit Hermès Trismégiste : « Tout ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas pour accomplir les miracles d’une seule chose… » . Cela nous indique que les choses peuvent être semblables et se rejoindre à nouveau puisqu’elles ont une origine commune. Cette maxime guide, ou doit guide r, toute démarche vers l’unité principielle. Qu’en est-il de ce passage du pavé mosaïque à la voûte étoilée, symbolisé par la mort physique ? N’oublions pas que la franc-maçonnerie est une société de mémoire. Dans la loge, il est fait régulièrement mémoire des frères décédés. Il y a un devoir de faire mémoire. « Nos cœurs ne doivent pas être le tombeau de nos frères » dit joliment Roland Gillard. L’Orient éternel n’est qu’une métaphore pour exprimer un au -delà de l’existence individuelle. Cela n’induit aucune croyance, ni aucune négation de cette dernière : des maçons croient au ciel, d’autres n’y croient pas. Ce n’est pas cela qui est en cause dans la mort maçonnique. Ce dont il est question, c’est d’une chaîne d’union qui est brisée. Malgré cela, la vie continue, nous nous remettons à l’ouvrage avec dans leur cœur le souvenir des frères qui se trouvent à l’Orient éternel. Les tenues funèbres « commencent dans l’affliction et la tristesse, mais elles s’achèvent toujours par des mots d’espérance » écrit Vladimir Biaggi. Tout gamin, je crois n’avoir jamais eu peur de la mort, par insouciance sûrement, parce que ce n’est pas l’âge d’y penser, par contre, j’ai souvent éprouvé de la peine à la perte d’un être cher.
Oserions-nous dire que la mort est centrale dans une société initiatique ? Sans doute. Dès son entrée, le profane qui vit son initiation est invité à se dépouiller du vieil homme qui est en lui pour renaître à une nouvelle vie. Il passera plusieurs heures dans le silence et la solitude du cabinet de réflexion, ce petit local faiblement éclairé, lugubre, où il verra l’image de la mort, où il lui sera demandé de rédiger son testament philosophique, véritable bilan de sa vie, véritable travail de deuil également. Moment privilégié : il meurt, il apprend à mourir symboliquement, et cette expérience n’est que trop rare dans nos sociétés sécularisées dont on sait qu’elles s’acharnent à occulter la mort. Ainsi la franc-maçonnerie propose-t-elle une propédeutique de la mort ? Sommes-nous mieux que d’autres peut-être, préparé à la mort ? Le maître Soufi Atar disait : « le seul remède contre la mort et la peur qu’elle engendre, c’est de la regarder en face ». La mort n’existe pas, c’est nous qui existons et qui cessons d’exister le moment venu ! La nature ne meurt pas : elle se régénère en permanence. Dans la nature, rien ne meurt pour rien, tout ce qui meurt est appelé à « devenir ». Symbole de régénération, l’initiation emprunte à la nature, la chenille et le papillon, le grain de blé et l’épi. C’est toute la vie d’un franc -maçon qui s’inscrit entre cette mort initiatique et une mort terriblement réelle et redoutée. Entre ces deux instants, le franc-maçon aura eu le désir de vivre, la volonté de bâtir, la force de s’élever, de devoir se construire et le besoin de donner un sens à sa vie, un but.
Conclusion
Je finirai, mes frères, par cette citation de Kant : « Deux choses remplissent mon âme d'une admiration toujours plus grande : le ciel étoilé au-dessus de ma tête et la loi morale dans mon cœur ». Paul Valéry écrivait dans les années vingt : « Le temps du monde fini commence. » A quel monde pensait-il ? Il entendait par monde fini, un monde qui serait bientôt totalement exploré. Certainement pas celui de la longue nuit des tom beaux égyptiens, celui dans lequel sont projetés nos cosmo nautes, celui de la voûte étoilée des temples maçonniques, ce monde-là, tout apprenti maçon apprend qu'il est sans toit et que le temps de le couvrir n'a certes pas encore commencé. Notre pierre, infiniment petite sous la voûte étoilée, ne doit être comparée à nulle autre. Le maçon s'est inscrit de par sa propre et libre volonté dans une chaîne. Il transmet ce qu'il reçoit. Il apporte ce qu'il peut. Il apprend à ne point confondre son propre et inévitable achève ment avec celui de l'ouvrage auquel il collabore. La voûte étoilée se trouve en permanence au ciel du Temple pour nous le rappeler, sans qu'il s'agisse d'opposer dans l'angoisse l'infiniment petit à l'infiniment grand, mais pour ramener chaque chose à sa juste proportion. D'ailleurs dans la loge, cette possibilité est présente, puisque si le temple est à couvert sur le plan terrestre, il n'en reste pas moins vrai que la voûte étoilée constitue une ouverture vers le ciel, vers le spirituel, gardons les pieds sur terre, mais regardons les étoiles ! Ce Soi, que l’on peut nommer l’esprit absolu, rencontrant le Moi, venu au monde dans le cabinet de réflexion, creuset alchimique de la transformation de l'être, "Materia Primera". Ce Soi nouveau qui nous guide en dehors du monde, loin de nos souffrances afin de nous faire intégrer l'éternité de sa sphère originelle. Est-on destiné par cette fusion du Moi dans le Soi, afin de rencontrer celui que Saint-Augustin appelait " le Maître intérieur " pour se fondre dans l'anima mundi, l'âme du monde ? Mais alors, cela veut-t-il dire qu'en f ait, il n'y a pas de plafond dans ce temple ? que la liaison terre et ciel y est permanente…peut -être que cet espace est aussi une dimension qu'il faut entrevoir autrement.
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Marc B. Loge Libertas et Progressus à l’Or:. de Zoug