V. M. et vous tous mes T.C.F. : bien aimés
Ce soir, je vais vous parler de l’alevi que je suis et de ce que j’ai perçu et compris de l’ alévisme, plus précisément de l’ alévisme de ma région qui se trouve à l’est de l’Anatolie actuelle, la région Kurde de la Turquie si vous voulez.
Il est évident pour moi qu'il existe des similitudes importantes entre cette spiritualité et la Franc-Maçonnerie.
Au travers de ce voyage, je vous laisse libre de trouver les ponts.
- Le mot alévi, veut dire « la lumière dans la flamme. »
- L’alévi, est celui qui chemine sur le chemin de la lumière, de la connaissance, de l’unité ce chemin est intérieur.
- L’alévisme, c’est le secret dans le secret, le chemin dans le chemin.
Le livre sacré de l’alévisme, est considéré comme étant l’être humain lui-même.
Il est difficile à déterminer le nombre des Alévis, comme il est écrit sur tous les cartes d’identités turques religion Islam (le cas pour le 99% de la population en Turquie) le
recensement du nombre est compliqué. Au début de 20’ème siècle on estimait à plus de 30%
la population des Alévis, actuellement on estime que à 15%, il n’existe pas une reconnaissance officielle des Alévis en Turquie.
L'amour envers l’humain, l’amour envers son prochain, l'amour envers le prochain du prochain et donc l'amour vers le lointain sont les piliers essentiels de l’alévisme.
Les origines de celui-ci sont difficiles à cerner car on y trouve des emprunts à de nombreuses croyances. En tous cas, l'alévisme remonte à l’ère pré-islamique, notamment au
Zoroastrisme, l’ancienne religion des Iraniens et des Kurdes.
On peut considérer que l’alévisme porte en lui beaucoup de points communs avec le Zoroastrisme et beaucoup d’héritages de tous les mouvements spirituels et religieux qui ont traversé l’Orient.
D’après certains historiennes et savants, (Martin van Bruinessen, Irene Melikoff, Genç Dede,
Irina Morozov, Erdoğan Aydın) les origines de l’alévisme remontent bien a avant Jésus-Christ.
Il considère la femme comme l’égale de l’homme car chaque être vivant est considéré comme un
Can/djan, c’est à dire une « âme ».
Cette croyance se caractérise par une grande tolérance. Selon Hadji Bektach-i Veli, (13ème
siècle) une des figures de proue de l’alévisme:
«il faut considérer les 72 peuples d’un même œil»,
c’est à dire sans discrimination ethnique ou religieuse.
L’alévisme est marqué par une philosophie de vie humaniste dont une des devises est :
« maîtrise tes actes, ta parole et tes désirs » qui reprend avec une légère différence la devise zoroastrienne :
« bonne pensée, bonne parole, bonne action ».
Il nous révèle le fondement et l’importance de l’humain droit et juste pour une humanité
solidaire et harmonieuse. Au célèbre « Connais-toi toi-même » de Socrate une des citations
alévies les plus connues fait echo:
« Quoi que tu cherches, cherche-le en toi, ni à Jérusalem, ni au pèlerinage à la Mecque. »
Le lieu de culte des Alevis est appelé « cem evi » (en français la maison des djems) dans
lequel ils pratiquent leurs rituels. Ils allument d’abord 3 en suite 5 et puis 7 bougies
pendent le déroulement du cem.
cem ensemble. Pendant le rituel, 12 peaux de vérité se placent sur le sol et on ne peut ni
marcher, ni s'asseoir sur ces espaces. Elles représentent le cycle de l'année, les douze mois.
Pour chaque peau, il a y une responsabilité et donc des symboles et un être humain qui l'assume.
Les 12 peaux sont réparties ainsi :
1. Pir / Mürşid / Dede: la peau de l’Enel-Haq (l’être de lumière) PiR
2. Rehber: la peau du guide
3. Gözcü: la peau du surveillant
4. Zakir: la peau de celui qui prie et qui récite des poèmes
5. Süpürgeci/Faraşçı: la peau du balayeur (celui qui nettoie, expulse les impuretés du cem)
6. Çerağcı/Delilci: la peau du rapporteur (celui qui réunit les preuves)
7. Sakkacı: la peau du distributeur d’eau
8. Lokmacı/Kurbancı/Niyazcı: la peau du responsable du sacrifice et du service
9. İznikçi/Tezekar/İbriktar : la peau du responsable qui veille au bon déroulement de la cérémonie
10. Semahcı/Pervane: la peau de semah (pour les danses rituelles)
11. Peyik: la peau du facteur (celui qui transmet les messages au cem)
12. Kapıcı: la peau du portier (celui qu veille à la porte du cem pour surveiller les personnes autorisées à entrer)
Dans la philosophie alévie, les nombres et les symboles ont une importance considérable, notamment les nombres trois, cinq, sept et quarante.
Les Trois :
Les Trois sont le corps, la chair et l’âme. La chair est le sang et symbolise la circulation sanguine. L’âme est la volonté. Si l’on soigne bien le corps et l’on se nourrit sainement, le sang devient propre. Et pour cela il faut la volonté et la connaissance.
Les cinq :
Quatre des cinq éléments sont liés au monde et le cinquième à l’humain. Les Quatre sont le
feu, le vent, l’eau et la terre. En fait, les quatre forment un corps intégral. Le cinquième est la chair qui est la somme des trois précédemment cités. L’addition du corps, du sang et de la volonté donnent la chair, c’est-à-dire l’humain.
Les Sept :
Le plus important est le Sept. Sans les Sept il n’y a pas les Quarante. Les Sept découlent des Quatre du monde et des Trois de l’humain. Les Quatre sont le feu, le vent, l’eau et la terre. Les Trois sont l’âme le corps et la chair. Can c’est l’âme de l’homme. Canan est l’âme féminine. Le berger symbolise l’enfant et l’avenir. L’âme féminine et l’âme masculine forment un corps intégral et le berger c’est-à-dire l’enfant vient de cette union.
Sans berger, il n’y a aucune descendance, c’est-à-dire sans enfant, le vide s’installe dans le monde. Avec le Six l’espèce humaine s’éteint. Donc, il faut le chiffre parfait : les Sept.
Les Quarante :
Dans la pensée alévie, les Quarante sont les Êtres de Lumière purs et transparents créés par
le Divin (Enel-Haq) au moment de la naissance des âmes. Ces Quarante Êtres de Lumière se
composent de vingt-trois hommes et dix-sept femmes dont nous ne connaissons pas les noms et qui apparaissent à différentes époques sous diverses formes parfois humaines et après leur
mort se réincarnent sous divers aspects immortels. Ils étaient là avant la création du monde et seront là après le monde.
Dieu est à l’intérieur de chaque Can (djan), et la vie doit être animée par la quête de la perfection, c’est à dire de la divinité. Ainsi, l’objectif de l’alévi durant sa vie est de parvenir au statut d’Insan-i Kâmil, c’est à dire un être humain éduqué, possédant une grande culture générale, remplie de sagesse et de vertus. Bref, devenir le reflet même de Dieu.
En effet selon la philosophie alévie, « l’humain est un Dieu imparfait, et Dieu un humain parfait ».
Les alévis ne croient pas en un au-delà (« le paradis et l’enfer sont sur terre »). Ils croient en la réincarnation. Ils accordent une valeur divine à la nature (des arbres ou rochers sont consacrés en lieux de pèlerinage) et ils n’ont pas d’interdiction de boire de l’alcool. Ainsi, ils sont considérés comme des « mécréants » (kafir) par la plupart des musulmans et les plus radicaux d’entre eux pensent que leur meurtre est légitime (katli vadjip). Ainsi, ils pensent que « pour s’assurer une place au paradis, ils doivent tuer sept alévis ».
Chez beaucoup d’alévis non assimilés par l’Islam, on trouve des icônes de Jésus Christ et de la vierge Marie. Nous sommes très attachés au message d’amour de Jésus et à son message sur
l’amour du prochain.
Les alévis ne sont pas musulmans et donc ne suivent aucun des 5 piliers de l’Islam : ils ne récitent pas la profession de foi de l’islam, la Shahada; ils ne prient pas 5 fois par jour; ils ne pratiquent pas le jeûne durant la période du ramadan, ils ne prient pas dans les mosquées (par exemple si un alévi met le pied à la mosquée, il est considéré comme apostat-düskün) et ils n’effectuent pas le pèlerinage à la Mecque.
Pourtant de nos jours, de nombreux alévis, soit pour éviter la discrimination, la persécution et les massacres à leurs insu, ou soit à cause d’un manque de connaissance se disent musulmans et considèrent leur croyance comme une branche de l’Islam.
Aujourd’hui on peut même trouver des Alévis affirmant être "les authentiques musulmans "
alors que ni les sunnites ni les chiites ne les considèrent comme tels.
L’alévisme est complètement autre chose.
Cela est en grande partie dû à l’assimilation forcée des alévis à l’Islam mais aussi à l’auto-assimilation qui a pour cause le manque de connaissance, la manipulation et la déformation par l’histoire officielle des faits historiques, et la peur des alevis à subir de nouvelles persécutions.
L’influence de l’islam chiite sur les alévis est probablement due à des raisons politiques : la répression contre les non-musulmans et les non sunnites dans l’Empire Ottoman a pu rapprocher les alévis et les musulmans chiites. Ainsi, la solidarité entre opprimés est peut-être le motif d’adoption de certains symboles chiites par certains alévis.
Une autre valeur promue par la philosophie alévie est la justice sociale, qui fait partie d’un idéal qui se manifeste dans la croyance au Riza Kenti, une ville imaginée où les êtres humains sont socialement égaux et en symbiose avec la nature, où les être humains sont
purifiés de leurs défauts.
Par ailleurs, Şeykh Bedreddin, (1359-1420) un rebelle alévi se soulevant contre l’Empire ottoman, avait affirmé :
« La lune et le soleil sont la lumière de tout le monde,
L’air est l’air de tout le monde,
L’eau est l’eau de tout le monde,
Pourquoi le pain n’est-il pas le pain de tout le monde ? »
Cette allégation est renforcée par les nombreuses rébellions populaires alévies contre la pauvreté, notamment contre les taxes et impôts qui les asphyxiaient, mais aussi contre la répression culturelle, militaire et les levées d’armées de l’Empire ottoman.
L’alévisme servait de programme idéologique et politique à ces révoltes. Dans les conditions de l'époque, la religion était le moyen de faire de la politique, c’est pourquoi presque tous les mouvements sociaux ont créé un courant religieux ou ont adapté une religion déjà existante par rapport à leurs intérêts politiques.
La voie qui mène au Enel-Haq (vérité divine) ne s’acquiert pas par les règles et les dogmes que beaucoup d'êtres humains ont tant besoin de suivre à la lettre.
V.M. et vous tous mes très chers Frères bien aimés, j’ai dit !
Bayram B:.