Voici une occasion de parler du symbole en ce beau temple de l’avenue Henri Dunant qui m’a le plus interpellé. J’aurais pu en fait intituler cette planche ‘ordo ab chao’, c'est-à-dire littéralement l’ordre à partir du chaos.
Tout organisme vivant cherche instinctivement tout au cours de son existence terrestre et matérielle à éviter la sinuosité et le désordre pour se tracer au fil de sa vie et de ses expériences une ligne droite, un fil rouge directeur jalonne de repères et d’objectifs précis.
Notre méthode maçonnique maintenant tricentenaire nous aide dans cette noble démarche, essentiellement avec l’aide du rituel et des symboles. Tout en maçonnerie est affaire de symboles.
Le symbole, ce signe concret quelconque percevable par l’un des cinq sens, qui concrétise une idée ou une pensée et qui ébranle la personne qui lui est confrontée jusqu’à parfois un niveau inconscient.
Symboliser c’est mettre une idée ou un concept sous une forme imagée simple et reconnaissable par tous, pour permettre de rapprocher le concret et l’abstrait, et d’emboîter ce qui est épars pour des personnes de niveau de culture, de connaissances, d’éducation et d’intelligence très différents. Les symboles qui nous entourent dans ce temple permettent donc de créer un vécu commun entre les membres de cette micro-société qu’est notre loge.
Parler d’un symbole, c’est l’observer sous tous ses angles, savoir ce que j’en fais, et dire ce qu’il m’inspire. Enfin, l’origine étymologique du mot (sum-boleo, ce qui unit, qui associe) l’oppose a son contraire (dia-boleo, ce qui oppose toute chose), autrement dit le diable. Le rite quant a lui est en somme le symbole mis en action de manière visuelle, sensorielle, olfactive presque. Le rite véhicule l’énergie contenue dans les symboles qui nous entourent, et par sa puissance opérative, il transmet l’initiation. Enfin le rituel est l’ensemble des connaissances symboliques codifiées nécessaires au déroulement harmonieux et efficace des cérémonies maçonniques et de nos travaux.
Des questions se posent...
Binaire peut être, mais quel symbole ! S’il est un sujet riche d’évidences autant que de non-dits, c’est bien celui là. Car il combine un chiffre (le 2 d’une polarité binaire), des couleurs (noir et blanc), une forme (63 ou 64 cases noires et blanches tapissant le sol de la loge*), la géométrie (un carré long pose sur le sol d’un autre carré long qu’est la loge). Mais est ce bien un tapis de 63 ou 64 carres ou de 63 ou 64 cubes, ou se côtoient en fait des lignes droites, des perpendiculaires, des équerres ? Un espace spatio-temporel en fait. Le symbole est complexe, et soumis à de multiples interprétations possibles. Je vais essayer de le décrypter ici sous un certain nombre d’angles différents, pour éclairer certaines de ses facettes, et notamment les deux qui pour moi sont les plus parlantes.
Question no.1: combien de cases ? Ou symbolique des nombres.
Le pavé mosaïque est posé là devant vous pour que le maître y trace ses plans.
Est ce un damier, un échiquier, une marelle, un jeu de l’oie, un tapis de prière, un tapis volant, ou un labyrinthe ? Mystère…!
Les textes diffèrent: il y en a beaucoup moins ici, mais certains parlent de 64 cases, d’autre de 63.
- si c’est 64 cases, c’est 8 au carre, ou 4 au cube.
Le 2 et le 3 ont des valeurs symboliques fortes, quant au carre et au cube, ils sont au cœur de notre méthode maçonnique. Ceux qui connaissent et aiment étudier les chiffres et leur valeur disent que 64 a une forte valeur de spiritualité, car il symbolise la lutte de l’esprit sur la matière, l’accomplissement terrestre avant que de parvenir au niveau de l’esprit.
- si c’est 63 cases, c’est 9 fois 7.
Sept est l’âge du maître, sept maîtres sont requis pour ouvrir les travaux d e la loge, sept maîtres participent aux recherches d’Hiram, du moins au rite français, car au rite écossais ancien et accepté, ils sont…neuf.
Donc neuf et sept, neuf fois sept, 63.
Tiens, notre échiquier commence a prendre une certaine substance et n’est plus tout a fait un tapis profane sur lequel on s’essuie les pieds. Et puis s’il y a 63 cases, nombre impair, il y a donc une case blanche de plus que de cases noires. Les livres disent que 63 est le produit du septénaire et du nonaire, il représente un état de développement marquant un passage vers un état définitif.
Question no.2: pourquoi ne marche t’on pas sur le pavé mosaïque pendant la tenue ?
C’est afin de marquer son caractère sacré, ou même religieux pour certains d’entre nous. Le pavé mosaïque figure un périmètre sacré ou il est rigoureusement interdit de marcher tant que les travaux sont ouverts. Son caractère sacré se retrouve depuis l’antiquité dans tous les lieux plus ou moins religieux ou sacrés dont il constitue le sol = temples égyptiens, grecs ou romains, cathédrales, églises, et même châteaux, maisons bourgeoises, salons d’apparat, musées. Dès que la terre battue a été remplacée par un sol plus propre et plus solide dans les habitations, la mosaïque a fait son apparition. Avant que la technique des couleurs, des tableaux et des pinceaux soit découverte, on à taillé dans la pierre des petits morceaux colorés qu’on a assemblés pour tracer des motifs artistiques et figuratifs. Mais des qu’il a fallu suggérer un lieu de culte, de prière ou de réflexion qui a eu besoin d’être différencié, partout on a vu sortir de terre des motifs noirs et blancs, assemblés au carré en lignes droites.
Mais est ce une pierre tombale, une sépulture qu’on cherche a honorer et qui semble maintenir enfoui un secret, dont l’épitaphe serait ce damier noir et blanc ? Dans mosaïque il y a Moïse, et donc on dit que le pavé mosaïque rappelle le sol du temple de Salomon. On peut penser que le pavé mosaïque, comme le tableau de loge, sont en fait une sorte de tapis de prière (ou de réflexion) dirigé vers l’orient, qui représente ainsi le temple ramené à sa plus simple expression. Le musulman transporte avec lui son tapis de prière pour marquer que son temple et son dieu ne le quittent jamais ou qu’il soit et ou qu’il aille. De même ici le pavé mosaïque participe au sacré, il est la fondation du temple de Salomon, donc le fondement de notre temple personnel intérieur, posé à même le sol, et il sépare ainsi la terre du ciel, le souterrain de l’espace, l’intérieur de l’extérieur, et la pensée profonde de notre vie profane.
Question no.3: pourquoi tourner autour du pot (ou du pavé mosaïque) dans le sens des aiguilles d’une montre?
3 raisons
1. Le pavé mosaïque est le centre de la loge, centre autour duquel nous nous réunissons et nous travaillons.
2. Le sens dextrogyre de la marche rappelle le cheminement du soleil qui rythme nos travaux.
3. Le pas dextrogyre participe également d’un mouvement hélicoïdal de spirale que je vais brièvement expliquer.
Ainsi nous avons vu que le pavé mosaïque est un endroit sacré qui rappelle le temple de Salomon que seuls les grands prêtres avaient le droit de fouler, et il est le centre de la loge et des travaux maçonniques. Le pas autour du pavé maçonnique suit donc le trajet du soleil. Les dimensions du pavé mosaïque vont ainsi de l’orient à l’occident, du midi au septentrion, et du zénith au nadir. Le pavé mosaïque se veut donc universel. Par notre travail individuel et collectif, nous effaçons peu à peu les zones d’ombre et nous avançons vers plus de lumière et de clarté. Le symbolisme est évident, efficace et beau.
La circulation dextrogyre participe également au caractère spatio-temporel et cosmogonique de la franc maçonnerie que d’autres, et peut être dans les hauts grades sauront décrire beaucoup mieux que moi. Disons simplement que la terre tourne sur elle même, mais elle tourne aussi autour du soleil, ce qui explique les jours et les saisons. Elle a un mouvement hélicoïdal sur elle même et d’ascension en spirale en direction du soleil, vers lequel elle ira s’abîmer dans quelques milliards d’années. Grâce au pavé mosaïque, ce carré long centre de notre univers en loge, et grâce au nombre d’or, on parvient mathématiquement à dessiner une spirale dextre (une hélice) que l’on retrouve d’ailleurs partout dans la nature, des mégalithes a l’architecture des cathédrales, en passant par les coquillages et notre oreille interne. Cette spirale devient cosmique avec la trajectoire de notre planète qui décrit une gigantesque hélice d’une largeur de 299 millions de kilomètres et d’un pas de 625 millions de kilomètres qui représente le chemin parcouru par le soleil en 365 jours un quart. Le pavé mosaïque évoque ainsi un mouvement, c’est un axe vertical autour duquel s’enroule la spirale dextre qui rythme le mouvement de la terre autour du soleil.
Notre circulation autour du pavé symbolise donc la représentation du temps. Ainsi lors du rituel, quand nous nous déplaçons autour du pavé mosaïque, nous sommes en harmonie avec l’univers, et aussi avec nous mêmes. Nous ne marchons ni à contre courant, ni à contre temps.
Question no.4: pourquoi des carrés ? Symbolique des formes et géométrie.
L’objet de notre étude ne s’appelle pas damier mosaïque, ou tapis mosaïque, mais pavé mosaïque. Nous n’avons pas affaire à des tuiles ou des céramiques, mais a des pavés. C’est à dire des volumes, des cubes, des pierres taillées de forme géométrique, dont vous ne voyez devant vous qu’une partie exposée en surface. Le sol est donc pavé et non carrelé, et formé de pierres taillées et non de céramiques moulées. Si la pierre était brute, les cubes et les pavés ne pourraient pas s’ajuster parfaitement. Il faut donc que la pierre soit droite, lisse et polie pour que les pavés s’ajustent parfaitement les uns à coté des autres. Les cubes doivent également être strictement de la même dimension pour qu’ils puissent être posés les uns à coté des autres en des lignes droites et parallèles. Avec la moindre aspérité, la ligne est brisée. Et si le sol mosaïque n’est pas régulier, plat et horizontal, les fondations du temple seront fragiles et irrégulières, et elles ne permettront pas de monter des murs verticaux et parfaits, et ainsi toute la structure de l’édifice risquera d’être fragilisée, et ce quel que soit l’intensité du travail accompli.
Le cube est la matière géométrique la plus difficile à construire de ses mains, surtout si on veut qu’il soit parfaitement lisse, poli et sans aspérités. A l’époque nos ancêtres maçons opératifs et bâtisseurs de cathédrales ne disposaient que peu d’outils, qui ont d’ailleurs tous survécu à l’usure du temps et des techniques nouvelles, et qu’on utilise encore.
Ces outils vous les connaissez tous mes frères, et vous avez tous compris la puissance et la beauté du symbole.
Pour élever le temple, c’est à dire à la fois notre cathédrale intérieure et la société qui nous entoure, il nous faut d’abord en construire les fondations. Si chaque être est un cube, nous sommes tous égaux, de même taille et de même forme.
La structure géométrique du cube, de la pierre polie, contient l’essentiel des symboles maçonniques aux premier et deuxième grades. Pour nous construire, pour bien tracer notre vie, nous avons besoin d’outils. J’en dénombrerai ici 6, tous indispensables pour tailler un pavé de mai 68:
- la règle, pour tracer un trait droit permettant l’alignement des pavés et des murs. La règle est le symbole de la rectitude, de la ligne de conduite maçonnique, qui nous fait embrasser la vertu et fuir le vice.
- l’angle droit, c’est a dire l’équerre qui permet la taille en vue d’une cohésion parfaite. Symbole de la pensée droite, sans détour, et véritable signe de reconnaissance du franc maçon.
- le maillet et le ciseau bien sur, outils de base de l’apprenti tailleur de pavés, pour dégrossir d’abord, puis polir ensuite. C’est notre travail intérieur, ou le perfectionnement est toujours possible.
- les intervalles réguliers entre les pavés, qui permettent la régularité du damier, forment les divisions qui se retrouvent sur la règle. Ils symbolisent la mesure, l’alternance du temps, des heures et des jours.
- enfin, l’horizontalité, le plan stable ou se situe le pavé, est obtenu grâce au niveau. Il marque la frontière entre la terre et le ciel, le souterrain et le spatial, le passé et l’avenir.
C’est la frontière entre le nadir et le zénith, c’est en fait le niveau du présent, tout simplement le niveau de l’homme.
Question no.5: pourquoi ces deux couleurs, noir et blanc ? Symbole de dualité binaire.
On revient au chiffre 2, et aux deux couleurs opposées et mutuellement exclusives du spectre des couleurs. Les dalles apparaissent en effet noires et blanches, et non pas beiges et brunes, ou ni même comme on l’a dit parfois comme blanc foncé et noir clair ! Le contraste est violent, alors que le reste de l’univers se compose d’une infinité de variations de couleurs. Si vous regardez bien, chaque carré colore est entouré de quatre carrés de sa couleur opposée, c’est a dire de son antithèse, de son contraire, ou de son ennemi peut-être.
Le binôme peut être déclinable a l’infini: noir et blanc, ombre et lumière, masculin et féminin, ignorance et connaissance, nuit et jour, mal et bien, matière et esprit, peines et joies, etc… apparemment il n’y a pas de douceur, ni de nuances dans ces deux couleurs. Toutes les paires d’opposés peuvent se décliner, amis également toutes les paires de complémentaires.
Ces carreaux noirs et blancs disposés en damier symbolisent la juxtaposition des contraires, un peu comme la vie complexe d’un homme.
Les chevaliers du temple, c’est a dire les templiers donc, avaient sur leur gonfanon, leur étendard, ces deux couleurs en quantité égale, moitié blanche et moitié noire, pour symboliser l’alliance et le jeu continuel de la lumière et des ténèbres, de la vie et de la mort.
Ces carrés noirs et blancs désignent la dualité du monde, où tout est thèse et antithèse, où tout s’oppose, où tout parfois tend a tout résumer au bien et au mal, mais finalement, au-delà des oppositions, on peut aussi trouver des complémentarités, et au delà des alternances, on peut aussi trouver l’homogénéité.
Dans sa quête de la vérité et de sa perfection, le franc maçon va peut être parvenir à dépasser la dualité apparente des choses pour s’approcher de l’unité et du centre de l’union.
Son discernement va lui permettre de voir au delà du bien et du mal, du blanc et du noir, et peu à peu passer dans une autre dimension.
Donc mes frères, regardez le bien ce pavé mosaïque, et peut être un jour y verrez vous autrement que seulement du noir et du blanc, vous y verrez un assemblage parfait en régularité et en alternance, ou les couleurs se touchent sans s’absorber, ou les binômes s’opposent sans s’influencer. Il nous faut dépasser notre vision dualiste et statique du monde, ou tout est sépare en une moitié bonne et positive en conflit permanent avec son opposé noir et négatif. Cette vision extérieure du binaire qui est radicale tend a accorder au principe positif une valeur exclusive, le bien, tandis que le principe négatif devient le mal.
Cette appréhension de la dualité finit par engendrer des attitudes passionnelles, intransigeantes, dogmatiques, qui aboutissent à l’intolérance, à la haine, aux guerres et au racisme.
L’autre approche du binaire, celle que nous préférons ici, est d’utiliser le contraire, l’opposé, l’adversaire, le négatif, comme un élément de sublimation qui aide a comprendre et à progresser.
Ainsi chaque chose et son contraire forment un tout qui permet le devenir, le progrès. Le positif se nourrit de son aspect négatif pour s’enrichir, et la dualité permet de progresser. En somme, l’opposition des contraires correspond a un point de vue inférieur, par contre la loi des complémentaires les concilie dans un point de vue supérieur.
Après ces 5 premières questions plutôt symboliques, je voudrais maintenant progresser vers la fin de la planche par les deux derniers angles d’attaque de notre pavé mosaïque qui m’ont particulièrement interpellé. Donc après ces cinq évidences, voici deux non dits, deux singularités.
Question no.6: spectre et symbolique des couleurs.
Le pavé mosaïque ne fait pas seulement référence à Moïse et au temple de Salomon, une mosaïque se définit aussi comme la juxtaposition de pierres taillées de diverses couleurs formant par leur assemblage une sorte de peinture, de tableau. Le ‘mouseion’ grec était aussi le temple des muses et des arts. Certains disent que le blanc et le noir sont les stades les plus épurés des couleurs, et donc que le pavé mosaïque devient la forme la plus épurée d’une œuvre picturale. Mais en fait le blanc et le noir ne sont pas vraiment des couleurs, ce sont des nuances. La preuve étant qu’en mélangeant du blanc avec du rouge par exemple, on fait du rouge clair, qui est une nuance de rouge, et en mélangeant du noir et du rouge, on obtient du rouge foncé, une autre nuance de rouge, tandis que si on mélange du rouge et du bleu, on crée du violet, une toute autre couleur.
Une autre façon encore de voir les choses est d’analyser ce qu’est une couleur. Les scientifiques vous diront mieux que moi que le spectre chromatique du rouge par exemple absorbe toutes les couleurs sauf la partie de la bande chromatique qui correspond au rouge, qui donc est reflétée pour être perçue par l’œil. Or le noir a la particularité d’absorber toutes les couleurs du spectre chromatique mais de n’en refléter aucune. Par contre le blanc, quant à lui, a cette particularité de tout réfléchir, de tout rayonner en somme. Pareil pour la chaleur: les vêtements noirs ou sombres ont tendance a absorber la chaleur, et les vêtements blancs plutôt la faire irradier, la rejeter. D’où les vêtements sombres portés en hiver, et clairs portés l’été.
On voit la poindre le symbole. Le noir n’est plus considéré comme une couleur, mais comme l’absence de lumière. Il représente la terre, la matière, mais aussi la nuit. Il est un peu comme l’apprenti qui sort a peine des ténèbres et se contente d’absorber la lumière, la chaleur et les autres couleurs. Par opposition, le blanc représente le stade du compagnon et du maître (les deux grades étaient initialement un seul, car les maîtres n’existaient pas en loge), car il est constitue de la réunion de toutes les couleurs qu’il n’absorbe plus mais qu’au contraire il rayonne. Le blanc est ainsi l’ensemble des couleurs du spectre visible, perçu par l’œil humain. Il n’y a pas de supériorité d’une couleur sur l’autre, les carrés blancs et les carrés noirs ont exactement la même taille et la même forme, et ils se côtoient harmonieusement.
Scientifiquement, le noir est absence de couleur réfléchie, donc mélange de toutes les couleurs, alors que le blanc est somme de toutes les couleurs réfléchies, donc absence de couleur.
En ce sens, notre damier noir et blanc devient beaucoup plus qu’un tableau esthétiquement proportionné et équilibré, il prend par ces révélations toute sa signification symbolique, ou les nuances complémentaires du noir et du blanc, c’est a dire l’absence de couleur, et la somme de toutes les couleurs se côtoient pour former une unité harmonieuse universelle, comme la confrérie fraternelle qu’est la franc maçonnerie.
Dernière question no.7: ligne de conduite et rigueur morale, ou du deux vers le trois.
Si le maçon a bien fait son travail, si le s pavés ont été mesurés, taillés, polis parfaitement, et sont dépourvus de toute aspérité, on peut distinguer entre les pavés une ligne droite presque invisible a l’œil nu qui va mener notre vie maçonnique et déterminer notre ligne de conduite.
En effet, entre les carreaux se trouve un joint. Mieux les pavés ont été polis, et plus le joint sera invisible, et pourtant il est l’élément primordial du pavement. Ni blanc, ni noir, mais entouré constamment de blanc et de noir, il apporte la cohésion aux pavés sans avoir lui même de matérialité. Ce lien est du domaine spirituel en somme. Invisible, enfoui au fond de nous même, il est en réalité le chemin de vie du franc maçon.
Le franc maçon doit apprendre à trouver son chemin au long d’un parcours initiatique parfois sinueux, mais son fil rouge est ce chemin invisible a l’œil nu qu’est la ligne droite de rigueur entre le bien et le mal, le profane traversera sa vie chahuté en permanence entre les pavés blancs et les pavés noirs qui deviendront pour lui des écueils, tandis que le franc maçon choisira la ligne droite et le joint qui réconcilie la dualité du monde en dominant les zones d’ombre et en tirant profit des zones de clarté. Le joint en question, ligne droite quasi invisible entre les pavés, parfois si tenue pour montrer combien la distance entre le bien et le mal est courte, peut toutefois trouver un ciment, un liant, dans la fraternité maçonnique. A nous donc de tracer notre propre chemin de vérité et de sagesse, ou il n’y a pas de lutte entre les extrêmes, mais au contraire maitrise et contrôle des deux facettes d’un même infini.
C’est en ce sens qu’on part du deux en progressant vers le trois.
L’équilibre est bien sur fragile, mais avec droiture et rigueur morale, et l’aide fraternelle de son atelier, il n’est pas impossible de penser que chacun d’entre nous parviendra a absorber le noir, a rayonner le blanc, et a tailler sa route harmonieusement.
Conclusion:
J’ai jusqu’à présent essayé de vous faire découvrir le pavé mosaïque sous cinq de ses angles et symboles principaux, puis j’en ai retenu encore deux qui m’ont interpellé plus particulièrement.
Pour conclure, je voudrais maintenant insister sur un élément du rituel qui est très fort dans le déroulement de la tenue. Il s’agit de la chaîne d’union.au moment de la chaîne d’union, nous foulons tous ensemble ce pavé mosaïque que nous avions pris soin d’éviter jusqu’alors.
Nos mains se nouent, et nos pieds se touchent sur ce grand damier noir et blanc.
Au dessous du sol mosaïque repose notre inconscient que nous cherchons individuellement à comprendre et à maîtriser. Y repose aussi notre passé maçonnique et ces générations de maçons passés a l’orient éternel et qui avant nous ont contribué à construire la société dont nous faisons aujourd’hui partie.
Sur le damier noir et blanc, c’est à dire sur les fondations du temple, il y a les hommes fragiles que nous sommes, qui taillons notre pierre au quotidien, et bien contents de nous réchauffer côte à côte sur le pavé, et d’essayer de pratiquer la fraternité et la solidarité épaule contre épaule, avant de retourner a nos vies profanes.
Et au dessus du pavé, il y a l’avenir à construire, la société à améliorer, l’espoir du bonheur toujours possible. Si nous pouvons un jour lever nos yeux vers les étoiles, réaliser nos rêves et construire une société profane plus juste et meilleure, c’est parce que nous en avons compris les racines et bâti les fondements ici en loge, tout autour de cette marelle noir et blanc pour adultes.
Notre travail et notre force de maçon spéculatif est donc de dépasser l’affrontement permanent en nous et autour de nous entre les forces positives et négatives qui nous tiraillent et nous font parfois dévier de la route. Toute la question est d’essayer d’arriver à dépasser cet affrontement, le maîtriser, pour finir par oeuvrer de manière constructive et harmonieuse. Le pavé mosaïque est la au centre du temple pour nous y aider, et nous inviter à cette démarche intérieure.
Je terminerai par une maxime du navigateur qui donne à penser, et une citation.
D’abord cette maxime qui dit qu’il vaut mieux savoir où on est sans savoir où on va, plutôt que de savoir où on va sans savoir où on est.
Et la citation toute simple de Paul Ricoeur: ‘le symbole donne à penser’.
Alors, mes frères, pensons, pensons, pensons…
Y :.Ch
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*(note de la rédaction) L’illustration n’est pas du Temple HD, ne comptez pas les carrés noirs et blancs, danger de fatigue !