Nous sommes heureux de pouvoir sauvegarder ici – dans le Trésor des Planches - ce morceau de témoignage et réflexion d'un genre qui s’écrit une fois dans une génération, peut-être… Car un Orient sans mémoire n’a pas d’avenir.
Ah, si nos FF aux cheveux déjà gris comprenaient la valeur de leurs témoignages écrits - récents ou sans âge ! Les « nouveaux », les FF qui apportent l'avenir, ont droit à cet héritage que les Cahiers Bleus ont vocation de préserver. (red.)
En quel lieu aspire-t-on à être un Homme libre ?
En quel lieu avons-nous des Droits, mais également des Obligations, telles que se soumettre à la loi ?
En quel lieu un séjour dans un espace étroit, rébarbatif et reclus favorise-t-il une introspection sur soi-même permettant de distinguer ses faiblesses et ses vertus ?
En quel lieu la discrétion est-elle d’usage ?
En quel lieu le perfectionnement de l’individu, le respect d’autrui et la tolérance devraient être les priorités absolues ?
En quel lieu cohabitent des Hommes de toutes races, religions, âges ou conditions sociales confondus ?
En quel lieu pénètre-t-on pour la première fois avec anxiété, désorientation, confusion, stress, peur ou émotion ?
En quel lieu la tenue vestimentaire est-elle parfois réglementée ?
En quel lieu l’eau et le pain ont-ils encore valeurs de symbole ?
Enfin, et la liste n’est pas exhaustive, aux abords de quel lieu sommes-nous dépouillés de nos métaux ?
Vous l’aurez deviné mes TT:.CC:.FF:., c’est du Temple dont il s’agit.
« Un Temple nommé Prison »
Si la prison constitue un outil indispensable à toute organisation politique pour protéger la collectivité de dangereux délinquants en les mettant hors d’état de nuire, elle devrait en même temps assurer le respect qui est dû sur le plan des droits fondamentaux à celles et ceux qui sont pour un temps privés de leur liberté.
Mais nul n’ignore que d’une nation à l’autre, l’écart est manifeste au niveau de la législation et des conditions de détention. Si certains pays condamnent arbitrairement les gens en négligeant les élémentaires règles de dignité humaine, d’autres gouvernements s’engagent dans un processus de resocialisation et de réinsertion des personnes détenues.
C’est entre autre le cas de la Suisse et j’entends bien orienter et limiter cette réflexion au domaine pénitentiaire genevois puisque voilà près de trente ans que j’évolue dans ce contexte bien spécifique.
A Genève où, à titre d’exemple, certains détenus manifestent et revendiquent l’obtention d’une chaîne de télévision géorgienne sur le réseau câblé déjà existant alors que d’autres personnes incarcérées autre part, dans quelque geôle insalubre, espèrent simplement recevoir leur ration quotidienne de nourriture pour survivre…
Ce qui peut confirmer la véracité de l'adage d'Albert Camus qui dit qu'«une société se juge à l'état de ses prisons». Certains corroborent cette citation en formulant qu’une société se juge également sur le sort qu’elle réserve à ses prisonniers et le souci qu’elle leur porte.
Que l’on se « rassure » cependant. Notre nation n’a pas fait exception à la règle. L’usage de la torture et de la peine de mort y a été largement appliqué.
C’est au milieu du 19ème siècle que la prison de l’Evêché a détenu ses trois derniers condamnés à mort de l’histoire genevoise et la dernière exécution capitale survenue en Suisse sur la base d’un droit pénal cantonal a eu lieu en 1940 à Sarnen (demi canton d’Obwald).
Au vu de tout ce qui précède vous aurez vous-mêmes constaté que la « pénitentiaire » n’est pas une science exacte.
La législation, précise quant à elle, connaît toutefois des changements pour le moins significatifs.
Une codification générale et exhaustive du droit pénal suisse est entrée en vigueur durant la deuxième guerre mondiale, le 1er janvier 1942 pour être précis.
Partant, la peine de mort a été abolie dans le droit pénal ordinaire.
Soixante-cinq ans plus tard, soit le 1er janvier 2007, la partie générale révisée du Code pénal suisse entre en vigueur. Vingt-cinq ans auront été nécessaires pour « accoucher » de cette nouvelle législation.
A mon avis extrêmement complexe et un soupçon soixante-huitard, cette nouvelle « mouture » du C.P.S. ne semble pas faire l’unanimité au sein des magistrats.
Laissez-moi vous expliquer en tant que praticien, et non en qualité de pénaliste, les grandes tendances des dispositions de notre nouvelle législation.
Le but de la sanction n’est plus de punir, à savoir « faire-mal ». Comme mentionné précédemment, elle doit viser à la resocialisation, soit la réinsertion de l’auteur de l’acte punissable dans la société. Les principes de la dignité et la protection des droits fondamentaux des personnes incarcérées doivent être respectés.
Mais les deux axes essentiels de cette révision demeurent le nouveau système des sanctions et les normes fédérales en matière d’exécution des peines et mesures.
Ces quelques précisions me paraissent essentielles puisque c’est dans ce secteur d’activité que j’exerce ma fonction actuelle.
Dès le moment où la personne est condamnée par une Instance judiciaire genevoise à une peine privative de liberté, à une mesure ou exécute sa peine de manière anticipée, elle est placée sous l’autorité du Service de l’application des peines et mesures qui déploie alors tous ses effets.
Mon rôle en particulier au sein de ce service est la constitution et la gestion des dossiers dits « longues peines » et les audiences accordées aux personnes détenues condamnées, aussi bien dans les établissements genevois que hors canton.
Mais avant d’aborder ce volet, « flash back » sur les années septante.
Flash-back…
Plus précisément le 1er septembre 1976, date de mon entrée en fonction à la prison préventive de Saint-Antoine en tant que gardien de prison.
Quel cheminement, quelle motivation ont fait que je me retrouve ce lundi matin devant cette lourde et lugubre porte grisâtre autorisant ou interdisant l’accès à une geôle non moins austère ?
C’est le même type de question que je me suis posée un certain lundi soir à l’avenue Henri-Dunant, à la différence près que je ne distinguais ni porte, ni Temple. Différence de taille amplifiant l’angoisse.
En franchissant le seuil de Saint-Antoine et, quelques décennies plus tard la porte de notre Temple, j’étais loin d’imaginer qu’une expérience riche, difficile et atypique allait transformer mon existence.
Hormis les articles ou reportages à sensation relatant les évasions, les suicides, les émeutes ou les grands projets de « nos politiques », l’étanchéité, la discrétion et un certain mystère caractérisent le milieu carcéral.
A titre comparatif, exception faite de polémiques visant à discréditer notre association en lui donnant l’image d’une secte mercantile, puissante et diabolique, la Franc-maçonnerie reste également une communauté discrète.
Ce qui constitue la spécificité commune et essentielle de ces deux entités, c’est le rassemblement d’Hommes, avec sa palette de diversités ethniques, religieuses, sociales, culturelles et politiques.
Toutes ces composantes laissent augurer la richesse de la dimension relationnelle qui peut s’établir entre les différents partenaires.
Cette dimension humaine a constitué ma motivation essentielle pour frapper à la porte de la prison de Saint-Antoine et à la porte d’une L:. de Saint-Jean.
Les conditions d’engagement pour postuler la fonction de gardien de prison sont peu intransigeantes et inchangées depuis des décennies en regard des prestations salariales et sociales quant à elles élevées (trente ans de service, soins médicaux gratuits…). A ce jour, la situation a changé, retraite possible dès 58 ans, 35 années de service au minimum.
C’est au niveau de la formation des gardiens que les plus grands changements sont intervenus. L’augmentation de la population carcérale, la complexité des cas et la progression des cadres juridiques justifient cette formation continue.
A Saint-Antoine, les conditions de détention, plus strictes qu’à la prison de Champ-Dollon, étaient compensées par un esprit de famille dont le gardien était le garant.
Même si la promiscuité était importante, l’ambiance demeurait conviviale. Aux dires de nombreux détenus, la prison de Champ-Dollon, de par sa structure, est déshumanisée par rapport à Saint-Antoine, surtout à l’égard des contacts humains.
La population étrangère majoritairement représentée (plus de 90%), la recrudescence de la population toxicomane et de personnes souffrant de troubles de la personnalité ont entraîné un changement des comportements et une adaptation de la formation pour le personnel de surveillance.
*
Entrer en prison, c’est franchir le seuil d’une institution carcérale soumise à de multiples contraintes inhérentes à l’enfermement. C’est une succession d’épreuves psychiquement et physiquement astreignantes. Un enchaînement d’émotions, d’angoisses, de mal-être, de mystères et de tumultes se succèdent à un rythme soutenu.
C’est, paradoxalement, malgré la surpopulation, une porte vers la solitude : brusque rupture avec la famille, brutale coupure avec le contexte professionnel et social. C’est l’attente d’un jugement dans l’angoisse et l’incertitude. Car toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
Le jugement prononcé, la personne désormais condamnée y voit plus clair. Elle connaît les dates qui vont jalonner sa peine, elle peut composer avec des projets (formation, congés) et se préparer psychologiquement à la durée de la privation de liberté. L’incertitude, l’angoisse et la solitude sont alors moindres.
Enfin libéré du bandeau, quel bonheur pour le nouvel Initié de revoir et de recevoir la Lumière et de pouvoir également éloigner l’incertitude, l’angoisse et la solitude.
Plutôt que de vous narrer quelques épisodes croustillants, qui n’auraient finalement comme intérêt que d’exacerber une curiosité malsaine, je vous livrerai en toute simplicité mes états d’âme qui ont jalonné cette expérience de cinq ans en milieu carcéral.
Période qui m’a permis de développer un formidable esprit de solidarité, d’élargir mes capacités d’écoute et de respect, d’apprendre à gérer mon stress lors de situations conflictuelles, dangereuses ou particulièrement difficiles (bagarres, émeutes, évasions, etc.).
Intervalle durant lequel j’ai éprouvé des sentiments tels que la satisfaction, la tristesse, l’angoisse, le stress, la fatigue, voire la peur.
Un bémol cependant.
Ma motivation que vous connaissez à exercer ce métier n’était manifestement pas celle de la majorité de mes collègues.
A l’instar de corporations telles que la police, les pompiers ou l’armée, la prison regorge de carriéristes. Les grades conférant autorité, rapportant de l’argent et entretenant le narcissisme sont une denrée dont le personnel est friand. Dans ce contexte, il n’y a plus d’amis. Voilà qui m’agaçait profondément.
En Franç-Maçonnerie (Loges bleues), les grades d’Officiers existent mais sont éphémères. Le plus bel exemple d’humilité n’est-il pas de voir le V:.M..s’installer au poste de Couvreur après ces trois ans d’office ?
C’est donc 1981 que se présente l’opportunité de travailler en tant que « cardiomobiliste » (chauffeur ambulancier) à l’Hôpital cantonal.
L’envie de porter secours et de venir en aide à des personnes victimes de détresse physique ou morale a prévalu sur les avantages salariaux et sociaux suscitant un tel engouement chez nombre de mes ex-collègues.
UN DIRECTEUR DÉCHU, PAS DÉÇU…
Six ans de « sirènes feux bleus » auront précédé six ans de « sinécure en bleu ».
Bleue est la couleur de l’uniforme du personnel de la Maison d’arrêt de Riant-Parc que j’ai revêtu en remplacement de la combinaison blanche d’ambulancier.
Cette luxueuse Maison de Maître (don de la famille Rothschild) jouissant d’un cadre verdoyant et arborisé est l’un des « établissements pénitentiaires satellites » de Genève accueillant des personnes condamnées en vertu du droit pénal civil ou militaire.
Une pléthore de personnel, des budgets en abondance, une clientèle hétéroclite ne posant généralement pas de difficultés majeures et une grande autonomie caractérisent ce havre de paix. On y mange le pain blanc.
Jusqu’au jour où, courtoisie oblige, nous cédons notre place à la gente féminine pour prendre nos quartiers à la Maison d’ « Art et d’Histoires » de Villars, morbide cube en béton sans âme posé aux abords d’une grande artère.
De chef de service adjoint à Riant-Parc, j’obtiens « malgré moi » le poste de directeur à Villars, fonction que j’occuperai 15 ans.
La population, souffrant d’addiction (drogue et alcool) ou de troubles comportementaux et socialement déshéritée gagne du terrain. Cette réalité ôte à notre structure pénitentiaire son affectation première, à savoir le régime de la semi-détention ou de la semi-liberté.
Le recul et l’expérience me démontrent qu’une prison de basse sécurité pratiquant un régime ouvert est plus difficile à gérer qu’une institution fermée.
Ce qu’on pourrait appeler le grand-écart (un pied dehors, un pied dedans), est la porte ouverte au trafic de produits illicites avec ses incidences comportementales. Il faut parfois se donner du courage pour réintégrer la prison le soir. La consommation d’alcool et de stupéfiants donnent le coup de pouce nécessaire pour affronter la réalité.
La violence gagne du terrain. La cohabitation entre groupes sociaux et ethniques différents est difficile. Il est vrai que les protagonistes n’ont pas choisi de vivre ensemble.
Le personnel fatigue, la direction aussi. De surcroît, les restrictions financières opérées par l’Etat de Genève ont pour incidence une diminution drastique de la dotation en personnel et de l’enveloppe budgétaire. Cette manœuvre ne permet plus d’assurer l’élémentaire sécurité requise dans un établissement pénitentiaire. La non-reconnaissance de nos difficultés, l’impuissance de notre hiérarchie, l’ignorance et l’indifférence manifeste de nos Autorités par rapport à notre mission contribuent à démotiver l’équipe.
Le sac de montagne devient trop lourd à porter. Quelques ennuis de santé prévisibles ont eu raison de mon acharnement à vouloir maintenir à flot mon navire. Le capitaine l’ayant quitté, il appartient désormais à mon successeur de se battre contre ces tourmentes afin que ne chavire pas l’embarcation.
Un directeur déchu.
Déchu mais pas déçu de la mission accomplie puisque le centre de mes préoccupations et ma « matière première » (passez-moi l’expression) sont l’être humain, à même titre que la matière première d’un bâtisseur de cathédrales est la pierre.
Déchu mais pas déçu d’avoir œuvré dans le domaine pénitentiaire qui est une sphère très spécifique et particulièrement sensible où cohabitent des personnes détenues d’origine, de culture, de confession ou de statut social différents.
Déchu mais pas déçu d’avoir agi, en tant que garant de la loi et investi d’une fonction d’autorité, avec fermeté, rectitude, objectivité et pondération.
Déchu mais pas déçu d’avoir veillé au maintien de la discipline et de l’ordre en favorisant l’écoute, la tolérance, le respect de la différence et le souci d’égalité. Ces facteurs qu’il ne faut pas négliger sont déterminants pour humaniser une prison et désamorcer certaines tensions.
A CHAQUE JOUR SUFFIT SA PEINE
Fragilisé par ces événements, les ressources humaines du Département ont consenti à me déplacer au Service de l’application des peines et mesures (ci-après : le SAPEM).
Le SAPEM est l’autorité de placement et d’exécution des tribunaux genevois (peines et mesures) dans le respect du droit et le respect des personnes. Outre le fastidieux volume administratif, ma mission consiste à rencontrer des personnes détenues placées sous notre autorité dans les différents établissements de la Suisse.
Car je vous rappelle que Genève n’est pas dotée de pénitencier pour l’exécution des longues peines. L’acheminement de condamnés vers les cantons romands, alémaniques ou le Tessin est donc nécessaire. Cette pratique est en place depuis plus de 150 ans. L’accent est donc porté sur l’individualisation de l’exécution de la sanction dont les buts divers et parfois contradictoires sont notamment la punition, la neutralisation, la réinsertion, la prévention, la dissuasion ou la réparation.
Aborder une personne sans la juger est très difficile, voire impossible. Il ne s’agit pourtant pas de stigmatiser un détenu dans une catégorie, en fonction de ses caractéristiques extérieures, de son groupe d’appartenance, etc.
A chaque Tenue, notre rite si riche de sens profond veut que les FF:. laissent leurs métaux à la porte du Temple.
Mais, comme le disait Albert Einstein : «... il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé », tant il est vrai que le préjugé a une connotation négative et qu’il reste très difficile à briser si on ne prend pas la peine de réfléchir en profondeur. Briser un préjugé, c’est éviter la prison du Cœur. Pour nous FFMM, le préjugé fait écran à la Lumière et empêche le Temple intérieur de s’élever. Enfin, pour Socrate, être habité par les préjugés est« la prison de l’âme ».
C’est donc aux magistrats qu’il appartient de juger et non au praticien, qu’il soit gardien de prison, directeur d’établissement ou adjoint administratif au SAPEM.
Outre les connaissances spécifiques des diverses dispositions du droit des sanctions, ma fonction requiert la capacité de prendre quelques décisions difficiles, de s’adapter à un environnement professionnel évolutif et de faire valoir, dans la mesure de mes dispositions, la compétence relationnelle, d’écoute et la faculté de gérer des entretiens parfois difficiles.
Car difficiles ou conflictuels, ils le sont parfois. Les rôles, les objectifs et les attentes différents des partenaires peuvent rendre l’audience laborieuse et le bras de fer tendu.
Mandaté par l’institution, je veille à appliquer et planifier les directives, à poser un cadre au sein duquel la personne détenue doit effectuer sa peine (transferts, possibilités de formation, congés, travail externe, etc.).
Garant de l’Etat de Genève souverain, il m’incombe de dominer la situation, tout en faisant preuve d’empathie, faculté intuitive facilitant la relation.
Alors, à chaque jour suffit sa peine … de cœur.
RASSEMBLER CE QUI EST ÉPARS
Il faut prendre en compte que pendant sa période d’incarcération, la personne détenue est totalement dépendante et déresponsabilisée On l’héberge, on la nourri, on lui procure du travail, on lui dispense les soins médicaux nécessaires, on règle ses problèmes administratifs, on se soucie de sa formation, etc…C’est qui, « on » ? Ce « on », c’est l’administration pénitentiaire et ses services annexes : assistants sociaux, maîtres d’ateliers, psychologues, médecins, infirmiers, formateurs, professeurs de langues, etc.
Surgissent également des problèmes de langue, de culture, de stress, de frustration ou d’intimité: toujours être lu, écouté et vu. Les problèmes d’ordre sexuel ne sont pas à négliger : que se passe-t-il à l’extérieur de la prison ? Les amants et les maîtresses ?
La préparation de la défense, la confrontation avec les victimes, les sentiments de culpabilité, de colère ou de honte peuvent déstabiliser le prévenu.
Après le verdict, le condamné est confronté à la réalité et aux nouveaux projets de vie. La peur de l’extérieur, de la foule, du regard des autres guettent. Le positionnement dans la société et dans la famille, la fatigue des parents et du détenu sont autant d’éléments qui mettent en ébullition la tête de ce dernier.
Monsieur Alain Barde, ancien aumônier à la prison de Champ-Dollon, a constaté que « la vraie prison commence souvent à la sortie ». Ce pasteur a préconisé la création d’une équipe pour rechercher des solutions individuelles ou collectives aptes à favoriser le retour à la société. Ainsi s’est créée l’association Carrefour Prison.
Le puzzle est disloqué.
Il convient dès lors de rassembler ce qui est épars.
Pour un F:.M:., son œuvre se résume dans la recherche de ce qui a été perdu, pour rassembler ce qui est épars et répandre la Lumière. C’est aller à la recherche de son centre, à l’écoute de l’esprit qui libère des entraves et contraintes profanes de toutes sortes.
Un travail sur soi-même …
Une introspection. Rassembler ce qui est épars en soi. Voilà qui nous conduit irrémédiablement vers notre symbolisme :
La Vie triomphe de la Mort
Le Bien du Mal
La Vérité des Ténèbres
Que rien de grand ne naît sans dépouillement et sans sacrifice.
Symbolisme évoquant le mythe de la résurrection, ouverture de la voie vers son univers intérieur.
Symbolisme témoignant également du cheminement parallèle que nous autres FF:.MM:. et personnes détenues devraient explorer.
Imprégnés de ces valeurs et animés de bonne volonté, nous devrions poursuivre l'objectif qui consiste à amener une pierre polie à l’édification du Temple intérieur.
Pour certains, un Temple nommé Prison.
AU BOUT DE MA PEINE
Il ne faut pourtant pas se voiler la face sur la réalité.
Le taux de récidive est impressionnant. Le constat d’échec est parfois cuisant.
D’où la nécessité de construire une nouvelle prison dans la campagne genevoise. Cet établissement construit dans la précipitation devrait donner un petit bol d'oxygène à la prison voisine de Champ-Dollon. Mais conscient que cette prison flambant neuve de "La Brenaz" n'apportera pas la solution miracle, notre Conseil d'Etat a lancé le projet de la construction d'une nouvelle prison préventive dans le périmètre de Champ-Dollon. Sa capacité pourrait être de 500 places et elle pourrait être inaugurée à l'horizon 2015.
Deuxième bol d’oxygène.
Encore un petit bol d’air pour la prison de Champ-Dollon.
N’empêche que toutes ces réalisations ne peuvent qu’affermir la conviction d’Isaac Newton qui regrettait que « les Hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts ».
Murs réels, tels celui des prisons ou du mur de Berlin, mais murs surtout symboliques dans l’esprit de Newton. Cette citation met en exergue la nécessité de construire un pont entre les pays afin de partager les cultures, de rassembler les Hommes afin d’éradiquer les fractures sociales.
Paradoxalement, ce partage forcé a lieu dans l’enceinte des prisons.
Plus extraordinaire encore, c’est derrière les murs du Temple que se retrouvent librement des FF:. qui refusent de se barricader derrière leurs préjugés et leur égoïsme en privilégiant l’ouverture aux autres pour tisser des liens. Un Temple nommé prison ou une prison nommée Temple ?
La question reste ouverte.
Que nous est-il donné de contempler, nous autres, travailleurs dans l’ombre?
L’introspection est un élément de réponse. C’est notre vécu, nos sentiments et nos émotions que nous pourrons partager avec qui veut bien l’entendre.
Avec Pierre, par exemple, que je rencontre sporadiquement dans le quartier des Eaux-Vives pour y partager l’apéritif. En marge de la société, Pierre, homme libre mais pas toujours de bonnes mœurs, je le précise, résume en deux phrases ce qu’est la prison pour y avoir séjourné de longues années.
« La taule, c’est fait pour s’évader. Si j’avais connu des gars comme toi en cabane, j’aurais croisé moins de connards ».
Il l’a dit.
J’ai dit V:.M:..
Jean-Pierre Gail:.LOGE APOLLONIUS DE TYANE OR:. DE GENÈVE 6009
C’est la nuit
Dans le quartier des fous
Les matons
Ont tiré les verrous
Sur des tueurs
Des voleurs de cachous
Des flambeurs
Des tatoués et des loulous
La liberté
Faut la payer
Et on enterre nos corps
Sous le mirador
Faut la rêver
Quand on promène nos corps
Sous le mirador
Johnny Hallyday
Les portes du pénitencier
Bientôt vont se fermer
Et c’est là que je finirai ma vie
Comme d’autres gars l’ont finie
Pour moi ma mère m’a donné
Sa robe de mariée
Peux-tu jamais me pardonner
Je t’ai trop fait pleurer
Le soleil n’est pas fait pour nous
C’est la nuit qu’on peut tricher
Toi qui ce soir a tout perdu
Demain tu peux gagner
Johnny Hallyday