Toute chose a sa saison. Sous le soleil, il y a un temps pour tout … ainsi dit l’Ecclésiaste, ce livre digne d’être lu, qu’on soit croyant ou non…
En vérité, des circonstances incomparables, incongrues avec notre vue du monde, irréconciliables aux valeurs qui sont les nôtres, mais dont le temps est venu, s’imposent… pour quelque temps. De longues années, parfois. Les gens vivent avec leurs temps, ou les bouleversent, les surmontent, prennent la fuite ou périssent. Pour accroitre le chaos, j’ai rencontré des mauvais gens qui m’ont aidé et des bons qui m’ont fait du mal. L’hypocrisie vertueuse va censurer cette pensée en la disant moralement, ou logiquement ou politiquement incorrecte, mais le sens commun et l’expérience de la vie la sauront bien vraie.
J’ai dû traverser des temps pareils, en discordance poignante avec mes valeurs les plus profondes, j’ai dû gérer l’absurde. Pour devenir meilleur, il faut tout d’abord vivre, rester en vie pour se donner le temps d’apprendre à s’en sortir plus fort, enrichi tant du bien que du mal… au lieu de se mentir, de flétrir, d’aigrir, d’oublier et de gaspiller sa vie.
Pire, en sus des temps qui nous tombent dessus, d’autres ont racine en nous, surgis de notre caractère et des saisons de notre propre vie, peu importe où nous allons. Car nul ne peut courir plus vite, ailleurs que ses pieds.
En somme; de ces temps vécus, nous en saisissons l’essence ou la manquons, gardant seulement la perte. En effet, il y a un temps pour toute chose et chaque temps vécu est une brique qui construit celui que nous sommes :
Un temps pour rêver, un autre pour suer notre pain
Un temps pour agir, un autre pour payer ce qu’on a fait
Un temps pour faire, un autre pour laisser les choses se faire
Un temps pour prendre sa place, un autre pour laisser espace
Un temps où il est urgent d’attendre et un pour agir maintenant
Un temps pour dire « nous» et un autre pour dire « Je »
Un temps pour aimer et le sinistre temps pour haïr
Un temps pour persister et un autre pour se corriger
Il y a le jour saisi - pour manger, boire, se réjouir, et l’autre pour bâtir les cathédrales
Le temps vient des certitudes mais qui se fige sans les temps du doute
Un temps pour espérer, un autre pour être qui tu es
Un temps de ta différence et un autre pour être comme tout le monde
Un temps pour se laisser porter, un autre pour prendre racine
Un temps pour être fort et un autre pour être vulnérable
On prend son temps pour rester enfant mais vient celui pour avoir des enfants
Un temps du Père et un temps du Fils, un temps du Fils qui devient le Père
Un temps pour respecter et un pour être respecté
Un temps de compassion, un autre pour se couvrir la face
Il y a des temps pour pousser et d’autres pour tirer
Le temps de partir et le temps de revenir
Un temps pour la confiance, un autre pour se fier à soi seulement
Après les temps d’écouter vient le temps de dire, du temps d’apprendre nait le temps d’éduquer
Il y a tous ces temps pour commencer mais ceux aussi pour tirer une ligne
Il y a un temps pour vivre et un temps pour mourir. La, notre temps s’arrête.
Je trouve précieux pour un homme entier de comprendre les briques desquelles il est construit et conserver ses multiples temps, pour vivre la vie au lieu de simplement la dépenser. Comme le dit si bien, pour Ulysse, Cavafy le poète:
« Lorsque tu mettras le cap sur Ithaque,
fais de sorte que ton voyage soit long,
plein d'aventures et d'expériences.
…
Elle sera toujours ta destination.
Mais n'écourte pas la durée du voyage.
Il vaut mieux que cela prenne des longues années
et que déjà vieux tu atteignes l'île,
riche de tout ce que tu as acquis sur ton parcours
et sans te dire
qu'Ithaque t'amènera des richesses nouvelles.
Ithaque t'a offert le beau voyage.
Sans elle, tu n'aurais pas pris la route.
Elle n'a plus rien à te donner.
Et si tu la trouvais pauvre, Ithaque ne t'a pas trompé.
Sage à présent et plein d'expérience,
tu as certainement compris
ce que pour toi Ithaque signifie."
1911 – 32” [3]
Mais que sais-je ? Il y a un temps tour toute chose...
IT 2018
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[1] Chronos dévore son fils Saturn, père de Jupiter, dévore son fils Poseidon (1636-38, Peter Paul Rubens Museo Nacional del Prado, PD Wikimedia Commons)
[2] Kairos, le juste Kairos Emblème Fleuron Wynne, John Huddlestone 1799 DP
[3] Constantin Cavafi, Ithaca, 1911 Traduction François Sommaripas Ikaros 1952 http://www.cavafis-pourquoi.eu/index.html
[4] Własna praca Kwz, Wikipedia PD