Intéressantes notes de recherche personnelle d'un F:. à la poursuite de la juste mesure en cette démarche vitale pour tout progrès, qui pourtant, souvent mal comprise et malmenée, risque de désunir ce qui est réuni au lieu de réunir ce qui est épars…
Avant de lire, je vous prie, cher lecteur, de vous souvenir une occasion d’une critique que vous avez faite ou reçue jadis, et que vous n’allez pas oublier[i]. De votre souvenir, qu’est-ce qui était critiqué ? Vous ? Vos amis ou proches ? Quelqu’un d’autre qui méritait bien une critique ? Votre travail ? Ce que vous avez dit ? fait ? écrit ? Une opinion ? Une proposition ? Une idée ? Un point de vue ? Un état de choses d’intérêt commun qui requérait un changement ? Nos vécus, parfois pénibles et couteux, définissent ce que le mot critique veut dire pour nous. J’ai vécu des critiques comme tout le monde, mais j'ai aussi eu la chance d’apprendre un art de critiquer et de faire usage des critiques dans mon travail de consultant et conseiller en matière de crises institutionnelles. Car donner conseil et intervenir, donner du « feedback » ou assister, évaluer ou être mentor, impliquent inévitablement la pratique de critiquer. Tout comme aider un ami ou votre enfant. Par expérience, je comprends la contribution vitale de la critique mais sa difficulté aussi. Vous vous demandez probablement si la critique a sa place dans les loges maçonniques, dédiées par leur nature à l’harmonie et à l’amour fraternel. Tout sujet qui divise n’est-il déconseillé en nos rencontres ? À première vue il est fraternel de ne dire que du bien, sinon de se taire à la façon de l’apprenti. Le sens commun préjuge sagement qu'il faut éviter de critiquer et de se faire critiquer. Mieux vaut ne pas voir du mal, ne pas entendre du mal, ne pas dire du mal... Comme les trois singes hindous. De plus, on ne sait pas comment s’y prendre ; le savoir-faire de la critique est rare et on n’apprend pas à l’école pourquoi, quand et comment critiquer. Sans approfondir, on croit que critiquer c'est parler contre. Faux ! Ceci n’est qu’un choix tronqué. Critiquer [ii] est tout d’abord un outil du mieux faire – pas pour faire du mal - tel que nos maillets et ciseaux. On œuvre pour ciseler la face encore brute. Le critiqueur qui sait ce qu’il fait, ne critique pas pour reprocher (inutilement) après coup, mais pour corriger, pour prévenir et surtout pour mieux faire par la suite. Ou alors, pour arrêter les pertes, protéger et éviter le pire qui s’annonce. Le but d’une critique compétente est un progrès. Une critique complète, qui vaut la peine, est formative ; elle inclut sans les manquer, tant les points forts, pour les accroitre, que les points faibles, pour les corriger [i]. On peut même choisir d’encourager exclusivement ce qui réussit, en laissant oublier ce qui est faible. * En bref, je vais décrire trois sortes de critique qu’on peut reconnaitre par leur but : I - la Critique Amicale, au service du conseillé - elle protège et aide II - la Critique Objective assure le résultat et la conformité – elle conclut en solution III - la Critique Hostile cherche à rejeter empêcher, nuire et punir, elle finit avec vainqueurs contre perdants (ou tous perdants, souvent) Il est bien de comprendre que, pour nous humains, critiquer et faire face à quelque critique – au quotidien ou dans les occasions spéciales – n’est pas une discipline académique ou scientifique, un traité de morale, ni une spécialité d’érudition biblique ou littéraire. C’est agir et s’émouvoir. Critiquer c’est faire des choses avec des mots, avec des mimiques, gestes et souvent avec des faits. Même le silence ou l’absence, là où on est normalement présent, sont des moyens puissants de critique. Ce n’est pas de la théorie mais de la pratique. De plus, critiquer et recevoir une critique sont des situations…critiques. Le stress n’y est jamais absent. Alors, pourquoi prendre ce risque ? « Cet essai de Marcel BOLLE de BALLE, sociologue et psychosociologue belge, professeur émérite de l’Université Libre de Bruxelles, Président d’honneur de l’Association Internationale des Sociologues de Langue française, est d’abord un cheminement sur le sens de ses soixante années de vie maçonnique. Le lecteur découvre dans : « Les Spirales initiatiques d’un vieux franc-maçon » un itinéraire structuré autour d’un symbole, la spirale, peu évoquée dans les rituels maçonniques, qui lui offre une représentation du temps, entre deux notions traditionnelles de l’évolution temporelle : la flèche du temps (Prigogine) d’une part, la conception de l’éternel retour (Mircea Eliade) d’autre part. Un itinéraire qui est aussi une interrogation ; comme sociologue, sur le milieu maçonnique et en tant qu’humain sur cette sédimentation étrange que révèle dans l’esprit, un parcours initiatique. Le lecteur décèlera dans ce long cheminement, qui est aussi une quête, le témoignage d’un compagnon où il n’est jamais question de soi, mais bien de ce qui relie à l’Autre et au Pluriel. » Fr@ Eric Ce livre a été dicté sur son ordinateur personnel par un franc-maçon âgé de 92 ans, ayant perdu la vue, devenu incapable de lire, d’écrire, de taper sur son ordinateur. Incapable aussi de relire et de corriger le texte dicté, d’en améliorer le fond et la forme, les redondances et le style. Heureusement, Françoise son épouse et sœur, lui a proposé de procéder aux aménagements nécessaires pour que ce texte soit publiable. La forme de ce texte se rapproche naturellement plus d’un exposé oral que de celui d’un exposé écrit. C’est peut-être ce qui en fait sa valeur et son authenticité. En voici deux extraits du chapitre introductif et de la Première Spire :
Regroupant douze contributions, ce nouveau numéro de la Revue historique vaudoise, se penche sur l’évolution des loges en terre vaudoise, les rapports avérés ou fabulés entre politique et maçonnerie, mais aussi sur des domaines aussi divers que l’architecture des loges, la franc-maçonnerie féminine ou de la gestion et l’accessibilité des archives de cette société longtemps réputée secrète.
Sylviane Klein : Introduction : Une société pas si secrète dans le canton de Vaud Gilbert Coutaz : La franc-maçonnerie suisse : un trou noir de la politique des archives et de la recherche historique Olivier Meuwly : Franc-maçonnerie et politique vaudoise : un parcours historique Michel Jaccard : La Parfaite Amitié, une loge vaudoise à la fin du XVIIIe siècle (1779-1808) Francis Thévoz : Espérance et Cordialité, deux siècles d’interactions entre une Loge maçonnique et son Canton Michel Jaccard La naissance de la loge Liberté à Lausanne ou le legs de Ruchonnet Catherine Courtiau : Architecture des loges et symbolisme Robert Giroud : Le Valais catholique, terreau maçonnique ? Dominique Freymond : Les libertés fondamentales, véritable enjeu de l’initiative Fonjallaz de 1937 Sylviane Klein : Franc-maçonnerie féminine, vecteur d’émancipation Daniel Bolens : L’Ordre maçonnique mixte international Le Droit Humain ou la mixité en franc-maçonnerie Jacques Herman : Le Grand Orient de Suisse et le courant libéral (lire la reproduction avec permission sur le site GOS https://g-o-s.org/v5/index.php/fr/historique) Mélanges - Adrian Bastian : Les Ames intérieures : portrait d’un mouvement religieux Un ouvrage précieux pour tout Maçon qui planche, et encore plus pour les Officiers des Loges: 388 pages de discours exemplaires pour inspirer et enrichir toutes les occasions de la vie en Loge. Apprenti, j'aurais bien aimé avoir dans mes mains un tel livre qui répond à tant de questions que n'osais pas poser …aujourd'hui, j'appécie encore plus...
De la table de matières: ... Allumage des feux 11 Apprentissages 19 Compagnonnages 43 Maîtrises 53 Solsticiales: L’été 61, L’hiver 97 Enquêtes et bandeaux 133 Affiliations 145 Instructions 149 Pierres taillées en chemin 159 Disponible au [email protected] ou [email protected] Planche présentée le vendredi 25 novembre 2022 aux RR LL Mozart et Voltaire, Phoenix et Le Labyrinthe … J’ai l’intention de vous présenter ce que je considère comme l’essentiel du Rite Français sous la forme de douze fiches. Chacune d’elle résume un aspect du Rite : son histoire, sa symbolique, ses spécificités, son état d’esprit. Il va de soi que ces fiches n’épuisent pas le sujet mais la relative brièveté de mon propos vous permettra de soulever les questions qui vous tiennent à cœur et auxquelles je ferai de mon mieux pour vous répondre. 1 Commençons par relever que le Rite Français est le Rite majoritaire en France et en Belgique. On le trouve dans de nombreuses Obédiences telles que le Grand Orient de France qui en est le dépositaire, mais aussi à la Grande Loge Mixte de France, à la Grande Loge Nationale Française, au Grand Orient de Belgique, à la Grande Loge de Belgique. Il est aussi présent dans des Obédiences du Brésil et au Grand Orient de Roumanie, et dans plusieurs pays africains. En Suisse, il n’en va pas du tout de même. Sur les 137 Loges maçonniques des 5 Obédiences nationales, 6 seulement travaillent au Rite Français : deux à la Grande Loge Suisse Alpina (une à Genève et une à Zurich), une à la Grande Loge Mixte de Suisse (à Genève) et trois au Grand Orient de Suisse (deux à Genève : Mozart et Voltaire et Le Labyrinthe, et une à Clarens : Phoenix). Ajoutons que des Loges d’obédiences étrangères mais établies à Genève comme La Fraternité (GODF), L’Amitié (Lithos CL) ou Equilibre et Prospective (GLMF). Ce Rite est inconnu dans les pays anglo-saxons, dans les pays germaniques et dans les pays scandinaves. 2 Durant la première moitié du 18e siècle, en Angleterre où elle est née, la Franc-Maçonnerie ne connaissait qu’un seul Rite. Il ne portait aucun nom puisqu’il était le seul. A partir de 1754, des Maçons irlandais émigrant en Angleterre, sous l’impulsion de Laurence Dermott, y importent leur propre Rite. Il diffère à plusieurs égards du Rite pratiqué en Angleterre : inversion des colonnes, des Surveillants, des mots sacrés, mais aussi distinction entre de grandes et petites lumières, les grandes étant la Bible, l’équerre et le compas et les petites, les piliers sagesse, force et beauté. Le Rite anglais ne comptait que trois lumières : le soleil, la lune et le maître en chaire, représentés par les trois piliers positionnés aux angles nord-est, sud-est et sud-ouest alors qu’au Rite importé d’Irlande, les piliers sont disposés aux angles sud-est, sous-ouest et nord-ouest. La première disposition est de type héliocentrique, la seconde de type géocentrique. En outre, le Rite importé d’Irlande s’avère nettement plus religieux notamment par la présence de plusieurs prières et la prééminence de la Bible considérée comme la plus importante des trois grandes lumières. 3 Par dérision, les Maçons souchés sur le Rite d’origine irlandaise qualifieront la Maçonnerie anglaise, pourtant antérieure à la leur, de « moderne » et la leur d’« ancienne », C’est ainsi que de 1754 et 1813, deux Rites (et donc deux Obédiences) seront dans une situation conflictuelle. Sans même caricaturer, on peut considérer cette dualité comme assez similaire à plusieurs égards à celle qui sépare la Maçonnerie « régulière » de la Maçonnerie « libérale ». Par leurs rituels, les « Ancients » à cette époque, correspondaient, dans une certaine mesure, aux « réguliers » d’aujourd’hui et les « Moderns » aux « libéraux ». Mais comparaison n’est pas raison. En tous cas, il n’existait aucune relation entre ces deux courants maçonniques et leur conflit - souvent très âpre - a duré près de soixante ans jusqu’à la fondation en 1813 de la Grande Loge Unie d’Angleterre qui a vu la - en Angleterre - disparition des « Moderns » et la victoire des « Ancients ». 4 Il faut préciser, et c’est très important pour bien comprendre la suite des événements, que des Maçons anglais, antérieurement à l’arrivée des « Ancients » en 1754, avaient émigré en France où ils pratiquaient le Rite maçonnique d’origine, c’est-dire celui des « Moderns ». Les successeurs de ces Maçons émigrés qui sont à la base de la Maçonnerie française, ont continué à pratique ce Rite « Moderne » qui est le Rite original de la Franc-Maçonnerie, antérieur d’un demi-siècle au Rite dit des « Ancients ». Nous y reviendrons. Le Rite Français est donc le Rite les plus conforme à celui de la première moitié du 18e siècle en Angleterre et ne doit son nom qu’au seul fait de sa disparition en Angleterre en 1813 et de son maintien en France par des Maçons Anglais émigrés établis à Paris et dans d’autres grandes villes françaises. 5 Restons encore un peu en Angleterre où la Maçonnerie se déchire donc entre le courant d’origine appelé « Rite des Moderns » et le courant plus récent appelé « Rite des Ancients ». Ce conflit durera 60 ans, de 1754 à 1813. Avant 1813, le prince Augustus Frederick Duc de Sussex (1773-1843), était Grand Maître des « Moderns » et son frère, le Prince Edward Duc de Kent (1767-1820) était Grand Maître des « Ancients ». En 1813, c’est le Duc de Sussex qui devient le premier Grand Maître de l’Obédience résultant de l’union des « Moderns » et des « Ancients » sous l’appellation de Grande Loge Unie d’Angleterre mais le Rite Emulation (fixé en 1823) et qui est issu de cette union est inspiré essentiellement du Rite des "Ancients". Le Rite des « Moderns » a dès lors totalement disparu en Angleterre. En revanche, il demeure en usage en France où il avait été instruit et traduit par des émigrés anglais. Dès lors, en France (et en Belgique) ce Rite des « Moderns » prend le nom de Rite Moderne ou Rite Français. 6 Les Rites maçonniques ultérieurs seront constitués sur la base du courant des « Moderns » ou sur la base du courant des « Ancients ». Ainsi dérivent des « Ancients »: le Rite Emulation, le Rite d’York, le Rite Ecossais Ancien et Accepté et le Rite de Memphis-Misraïm tandis que dérivent des « Moderns »: le Rite Ecossais Rectifié, le Rite de Schröder ainsi que toutes les variantes du Rite Français. 7 Le Rite Français tel que nous le connaissons aujourd’hui est donc le Rite le plus proche du Rite maçonnique des origines, même s’il s’est enrichi (nous reviendrons à la Fiche 10 sur ce concept très discutable d’enrichissement). Parmi les caractéristiques du Rite Français nous relevons l’emplacement des colonnes J à gauche en entrant et B à droite, les deux Surveillants placés à l’Occident : le Premier Surveillant au pied de la colonne B et le Deuxième au pied de la colonne J. Le mot sacré du premier degré est Jakin et celui du deuxième degré est Boaz. Contrairement au Rite écossais Ancien et Accepté qui n’a pas de mot de passe au premier degré (considérant que le profane vient du monde profane et ne dispose donc pas d’un mot de passe) le Rite Français a Tubalcain au premier degré. C’était le cas, très brièvement du Rite Ecossais Rectifié mais pour une raison que nous ignorons, son fondateur, Jean-Baptiste Willermoz, l’a remplacé par Phaleg. Le Rite Français de référence, tel qu’il a été fixé par le GODF (la dernière version date de 2018) a rendu facultatifs la présence du tableau de Loge et des trois piliers mais impose, s’ils sont présents, leur positionnement NE, SE et SO. Ce positionnement, qui est celui de la Maçonnerie des origines, n’existe qu’au Rite Français. Contrairement aux Rites anglo-saxons et au Rite Ecossais Rectifié, le Rite Français, à l’instar du REAA a recours au cabinet de réflexion avec les symboles qui s’y réfèrent dont le soufre et le sel, emblèmes de la mort se référant à la destruction de Sodome et Gomorrhe et non à la triade alchimique sel, soufre et mercure qui est une création de Maçons occultistes comme l’est aussi l’introduction du VITRIOL que nos prédécesseurs ignoraient. En revanche, parmi les inscriptions, la devise Vigilance et Persévérance est une spécificité du Rite Français mais elle sera empruntée plus tard par d’autres Rites. Les épreuves par les éléments au cours des trois voyages du premier degré est une référence à la terasomia d’Empédocle d’Agrégeante. Elles sont inexistantes aux Rites anglo-saxons et le Rite Ecossais Rectifié procède au voyage par la terre au troisième voyage mais ignore l’épreuve de l’air conformément aux « principes spiritueux » de Martinès de Pasqually l’une des sources, avec la Stricte Observance Templière, de ce Rite. La marche du Rite Français, comme du Rite Rectifié et du Rite de Memphis-Misraïm s’exécute en partant du pied droit. 8 Le Rite Français ne distingue pas grandes et petites lumières. Il existe trois lumières, ni grandes, ni petites, à savoir : le soleil, la lune et le Maître en chaire, respectivement pour éclairer le jour, la nuit et la Loge. La sagesse, la force et la beauté ne sont pas des lumières au Rite Français mais des piliers qui soutiennent la Loge et qui n’ont pas d’existence physique. Les trois candélabres ne représentent donc pas la sagesse, la force et la beauté mais le soleil, la lune et le Maître de la Loge. La Bible, l’équerre et le compas ne constituent pas un ternaire au Rite Français. La Bible n'était présente au 18e siècle que pour la prestation de serment - comme dans les tribunaux américains - mais non comme lumière et encore moins comme « grande » lumière ! Quant à l’équerre, elle était brodée sur un coussin où l’impétrant posait un genou dénudé tandis qu’il tenait le compas ouvert contre le sein gauche lui aussi dénudé. Bible, équerre et compas n’étaient donc pas associés. Par la suite on a pris l’habitude, sous l’influence d’autres Rites, d’associer l’équerre et le compas à un livre blanc ou aux Constitutions de l’Obédience ou, plus rarement, à la règle. Mais pas à la Bible. En effet, celle-ci se réfère à une vérité révélée qui n’a pas sa place dans une Franc-Maçonnerie qui revendique la liberté absolue de conscience. Relevons que les Loges au Rite Français de la Grande Loge Nationale Française qui s’inscrit bien entendu dans la dépendance de la Grande Loge Unie d’Angleterre ont réintroduit la Bible comme ce qu’elle comme étant la principale des « trois grandes lumières ». 9 Deux éléments « centraux » dans le Rite Français, on l’a relevé, sont devenus facultatifs, comme le précise le « Rituel de Référence ». Il s’agit du tableau de Loge et des trois candélabres mais, on l’a aussi signalé, s’ils sont présents, ils doivent correspondre au Rite Français. Des Maçons d’autres Rites s’étonnent souvent de cette absence dans beaucoup de Loges du Rite Français. On peut l’expliquer aisément. Pour le tableau de Loge premièrement, les Loges d’aujourd’hui disposent d’un matériel visible contrairement aux salles d’auberges à l’aube de la Maçonnerie. On y trouve toute la symbolique des grades dans l’espace du Temple : soleil, lune, voûte étoilée, colonnes J et B, pierre brute, pierre cubique, marches, etc. Le tableau central peut donc être considéré à juste titre comme un doublon. Deuxièmement, les trois piliers porteurs de bougies au Rite Français ne correspondent pas aux concepts de sagesse, force et beauté contrairement aux autres Rites, mais aux trois lumières, à savoir le soleil, la lune et le maître en chaire. On ne le répétera jamais assez : dans la Maçonnerie d’origine, c’est-à-dire celle des « Moderns » (et le Rite Français, historiquement, est le plus ancien Rite maçonnique comme on l’a souligné), on ne connaît pas de grandes et de petites lumières mais seulement trois lumières représentées par les bougies des angles NE, SE et SO de la Loge. Les concepts de sagesse, force et beauté ne sont donc pas des lumières au Rite Français. 10 Tous les Rites évoluent au fil des siècles. Cette évolution n’est presque jamais soustractive. A quelques exceptions près on ne simplifie pas un Rite, mais on le complexifie par l’ajout d’éléments empruntés au fil du temps à d’autres Rites. C’est indiscutablement l’immense extension géographique du REAA depuis sa fondation en 1804, qui a exercé la plus grande influence sur d’autres Rites qui lui ont fait des emprunts parfois dommageables, parfois peu significatifs. On considère souvent ces emprunts sous un regard très critique et il n’est pas rare d’entendre parler de contamination. Concernant le Rite Français, elle est particulièrement significative dans la version de ce Rite en usage en Belgique. Mais en France aussi, au fil du temps, le Rite Français a subi de nombreuses variantes voire des altérations, cependant suivies d’un retour considéré comme salutaire. La version originelle du Rite est due à Alexandre Louis Roëttiers de Montaleau sur la base des rituels pratiqués par les premiers Maçons établis en France comme émigrés anglais. Il importait de fixer des rituels communs à toutes les Loges d’autant plus que la Maçonnerie Française disposait dès 1773 du Grand Orient de France comme organe fédérateur issu d’une première « Grande Loge de France ». Les rituels des trois degrés sont fixés par ce que l’on appelle le « Régulateur du Maçon ». Les Loges du GODF reçoivent des copies manuscrites de ces rituels qui seront imprimés en 1802. Ce régulateur du Maçon est le Rite de référence. Par la suite, des variantes apparaîtront sous le nom de Murat et de Blattin, mais surtout de Louis Amiable, avocat et membre du Conseil de l’Ordre du GODF qui rédige une version positiviste en accord avec les courants scientistes de la fin du 19e siècle. Beaucoup d’éléments symboliques passent à la trappe et les Loges ressemblent beaucoup à des sociétés de pensée laïque et anticléricale si bien des Frères quittent alors le GODF pour rejoindre la Grande Loge de France qui ne pratique quant à elle que le REAA. Face à ce qui risquait de devenir une hémorragie, et désireux de revenir à une dimension plus respectueuse de la symbolique maçonnique, le GODF, deux ans avant la Deuxième Guerre Mondiale, adopte la version du Grand Maître Arthur Groussier qui sera amendée en 1954 et qui deviendra le Rite Français de référence. Nous en sommes aujourd’hui à la version 2018. A la fin des années soixante, sous l’impulsion du Frère René Guilly, des Loges du GODF adoptent le Rite Français tel qu’il figure ans le Régulateur de 1785 et ce Rite des origines, réanimé, prend le nom de Rite Français Rétabli ou Rite Français de Tradition. Il existe donc schématiquement trois Rites Français aujourd’hui: le Rite Français Groussier (Rite officiel du GODF) pratiqué par la majorité des Obédiences françaises, le Rite français Rétabli ou de Tradition et enfin le Rite Français belge (appelé Rite Moderne) en usage au GODB et à la GLB. 11 De nombreux ouvrages maçonniques ont été rédigé par des Maçons occultistes dans la première moitié du 20e siècle. Ils contiennent beaucoup d’interprétations erronées et fantaisistes, souvent axées sur un ésotérisme de pacotille et sur une lecture fantaisiste propre aux historiens amateurs qui n’ont aucune formation en matière de critique historique mais qui assènent avec l’aplomb des incultes des contre-vérités qui ont eu un impact dommageable sur plusieurs générations. Ainsi Oswald Wirth et Jules Boucher. Il convient donc de se pencher préférentiellement sur les ouvrages d’auteurs sérieux au bénéfice d’une formation intellectuelle solide. Pour ce qui concerne le Rite Français, on peut citer parmi les auteurs les plus qualifiés Ludovic Marcos, Pierre Mollier, Cécile Revauger, Alain Bauer et Roger Dachez. Tous ont mis en lumière la spécificité du Rite Français et c’est sans doute Ludovic Marcos qui en a le plus clairement résumé l’esprit en ces termes : « le Rite Français ne vise pas la révélation, mais l’émancipation ». Le Rite Français résulte en effet dans la droite ligne du Siècle des Lumières au sens français du terme, ce qui est très différent de l’Enlightenment anglo-saxon et de l’Aufklärung germanique. Il est laïc, il est humaniste, il est progressiste et républicain en ce sens qu’il ne reconnaît pas la sacralité des titres et des fonctions. Il respecte toutes les conceptions métaphysiques mais n’en proclame aucune. Il ne connaît aucun « Livre sacré ». Il ne connaît aucun dogme. Le concept de révélation est exclu de la Loge et les prières en sont bannies contrairement aux Rites issus des « Ancients ». Pour le Maçon du Rite Français, toute activité maçonnique s’enracine dans l’émancipation de ses membres avec pour seul moyen d’y parvenir la liberté absolue de conscience. Le Rite Français est par excellence celui qui convient le mieux à un Maçon progressiste, laïc, humaniste, et républicain. Il existe d’autres Rites qui correspondent mieux à des Maçons qui se situent dans une perspective religieuse ou dans une perspective de type occultiste. Mais, à l’exception du Rite Français en usage dans des Obédiences inféodées à la Grande Loge Unie d’Angleterre, comme la Grande Loge Nationale Française ou la Grande Loge Suisse Alpina, le Rite Français est, par sa nature même, éloigné de toute référence religieuse. Il est aussi éloigné de toute référence occultiste. On peut considérer qu’une Maçonnerie de type anglo-saxon (Rite Emulation et Rite d’York principalement), qui ignore tout de la pratique des planches en Loge (d’où l’inexistence du plateau d’orateur) est une société hautement ritualisée qui n’exécute que ce que l’on appelle dans les Eglises un « liturgie » et où il ne peut pas exister de discussion autour d’un thème, de quelque nature qu’il soit. Les Rites qui nous sont plus familiers comme les Rites Français, Ecossais Rectifié, Ecossais Ancien et Accepté, Memphis-Misraïm, Ruchon ou Schröder, correspondent davantage au concept de société de pensée dans un contexte ritualisé. Le Rite Français est celui qui, considéré dans une perspective historique, répond sans doute le mieux à l’état d’esprit de la Maçonnerie des Lumières au sens français du terme davantage qu’au sens de l’Enlightenment anglais ou de l’Aufklärung allemand. L’article premier de la Constitution du Grand Orient de France (Obédience cependant multirites) résume parfaitement cet esprit des Lumières. Je cite : « Institution essentiellement philanthropique, philosophique et progressive, la Franc-Maçonnerie a pour objet la recherche de la vérité, l’étude de la morale et la pratique de la solidarité. Elle travaille à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l’humanité. Elle a pour principes la tolérance mutuelle, le respect des autres et de soi-même, la liberté absolue de conscience. Considérant les conceptions métaphysiques comme étant du domaine exclusif de l’appréciation individuelle de ses membres, elle se refuse à toute affirmation dogmatique. Elle attache une importance fondamentale à la Laïcité. La Franc-Maçonnerie a pour devise : Liberté, Égalité, Fraternité. » 12 Dès que l’on parle de Rite, on pense à l’ensemble des degrés qui le constituent, à l’exception - pour ce qui concerne la Suisse- de deux Rites : le Rite Ruchon fixé à Genève en 1936 et le Rite de Schröder fixé à Hambourg en 1811. On ajoutera que le Rite de Schröder, majoritaire dans les pays de langue allemande, avait été conçu en réaction contre la prolifération des hauts grades. Le Rite ou Régime Ecossais Rectifié codifié en 1783 au Convent de Willelmsbad, compte trois degrés bleus et trois degrés supérieurs. Le Rite Ecossais Ancien et Accepté fondé à Charleston en 1801 compte 33 degrés soit 30 degrés au-delà des degrés bleus. Au Rite de Memphis-Misraïm, établi dans sa forme actuelle en 1961 par Robert Ambelain, tous les records sont battus avec un total de 98 degrés dont 85 sont donnés par communication. Le Rite Français, outre les trois degrés de la Maçonnerie bleue, comporte quatre « Ordres de Sagesse » fixés en 1785 sous l’impulsion d’Alexandre-Louis Roëttiers de Montaleau. Ces Ordres de Sagesse, jadis appelés Ordres Supérieurs, sont numérotés comme suit : 1er Ordre ou Elu Secret, 2e Ordre ou Grand Elu Ecossais, 3e Ordre ou Chevalier d’Orient et 4e Ordre ou Souverain Prince Rose-Croix. Dans chacun des Rites pourvus de degrés au-delà du degré de Maître, on relève une étanchéité absolue entre les degrés bleus et les degrés suivants. Au Rite de Schröder et au Rite Ruchon, il n’y a d’autres degrés que ceux d’Apprenti, de Compagnon et de Maître. Cependant, les Maçons de ces Rites, comme tous ceux de n’importe quel autre Rite maçonnique sont libres d’adhérer à un système de hauts grades (appelés « side degrees » ou « degrés annexes » en Grande-Bretagne) différent de celui des degrés bleus qu’ils pratiquent. Jacques Herman Définition de la Franc-Maçonnerie par Georges Serignac, Grand Maître du Grand Orient de France in: « L’Humanité » 28 octobre 2022 La franc-maçonnerie est un objet complexe qui agrège plusieurs éléments apparemment éloignés. C’est un espace de liberté d’expression, un lieu de réflexion, de construction de la pensée, qui utilise une méthode particulière, certes initiatique, mais surtout faite d’écoute, d’échange, de respect de la parole de l’autre. C’est aussi un lieu de convivialité, de sociabilité, dont l’un des piliers fondateurs est la solidarité. Toutes ces dimensions se mettent au service de valeurs nées des Lumières au XVIIIe siècle, qui substituent la raison à la croyance, et seront source un siècle plus tard de la liberté absolue de conscience, et, finalement de l’idée républicaine avec « Liberté, Égalité, Fraternité », la devise commune à la République et au Grand Orient de France. Bibliographie sommaire Roger Dachez, L’invention de la Franc-Maçonnerie, Ed. Vega, 2008 Ludovic Marcos, Histoire du Rite Français au XVIIIe siècle, Editions Maçonniques de France, 2017 Ludovic Marcos, Histoire du Rite Français au XIXe siècle, Editions Maçonniques de France, 2016 Alain Bauer et Gérard Meyer, Le Rite Français, Que Sais-Je? N°3018, PUF, 2012 Roger Dachez, Histoire de la Franc-Maçonnerie Française, Que Sais-Je? N°3068, PUF, 2011 Alain Bauer et Pierre Mollier, Le Grand Orient de France, Que Sais-Je? N°3607, PUF, 2012 Guy Chassagnard, Le Memento de l’Apprenti Franc-Maçon au Rite Français, Ed. Segnat, 2019 David Stevenson, The Origins of Freemasonry, Cambridge University Press, 2010 Ludovic Marcos, Histoire Illustrée du Rite Français, Dervy, 2012 Maurice Bouchard et Philippe Michel, Rit Français d’origine 1785, Dervy, 2017 Alain Mucchielli, Vade-Mecum du Rite Français, Ed. de la Tarente, 2019 Cécile Révauger et Ludovic Marcos, Les Ordres de Sagesse du Rite Français, Dervy, 2015 Pierre Mollier, Le Régulateur du Maçon, Dervy, 2018 Pierre Mollier, Les Hauts Grades du Rite Français, Dervy, 2018 Voir aussi l'essai "De la diversité des Rites" et dans la rubrique TRÉSOR DES PLANCHES, le projet "TUILEUR comparatif pour l’instruction au 1er degré", du meme auteur.
Christophe Habas, Passé Grand Maître du Grand Orient de France, en 2016-2017, est passé à l'Orient Éternel hier soir. Christophe était un ami du Grand Orient de Suisse, et aussi mon ami. Les mots semblent bien vains face à l'implacable réalité. Un lien naturel et immédiat s'est créé dès la première heure de ma grande maîtrise puisque nous avons été élus Grands Maîtres à 3 mois d'intervalle seulement, en 2016. Ce lien n'a cessé de se renforcer au fil des années. En 2016, grâce au GOS et au dynamisme de son Grand Chancelier, Christophe Habas avait été heureux de pouvoir rencontrer Jérôme Clément alors président de l'Alliance française. Nous avions partagé des échanges délicieux, sur la défense de la défense de la langue française, les valeurs des Lumières, et leur diffusion dans le monde. Christophe voulait que la Franc-maçonnerie s'engage sur plusieurs chantiers, le culturel n'étant pas des moindres. En 2017, des FF:. Et des SS:. Balois souhaitant créer une Loge mixte à dimension européenne, par le choix des sujets, la diversité des langues, et l'origine des membres, Bâle étant au carrefour entre la Suisse, la France et l'Allemagne, j'ai contacté Christophe Habas pour lui parler de ce projet qui l'a immédiatement enthousiasmé. Il aimait les idées nouvelles, celles qui rassemblent au delà des frontières et des préjugés, c'était un universaliste convaincu. C'est ainsi que le 2 juillet 2017, Christophe a allumé les feux de ce nouvel atelier du Grand Orient de France, à l'identité et aux origines bien particulières. J'y représentais le Grand Orient de Suisse qui parainait cette création, et dont le premier Vénérable Maître était lui même un professeur de philosophie. Christophe était tellement joyeux, enjoué, positif, sur l'idéal européen, et sur le combat que nous devions mener contre le repli sur soi, le matérialisme, et la course au profit qui écrase implacablement l'humain. Il croyait en une autre Europe, et la Franc-maçonnerie devait y jouer un rôle clef en "recolonisant l'imaginaire". La loge Erasmus était née... Il nous a honoré de sa présence à plusieurs convents, en particulier le dernier que j'ai présidé en 2019, convent où il est devenu membre d'honneur du Grand Orient de Suisse. C'est le seul à avoir reçu cette marque de considération et d'affection de la part de notre obédience depuis 10 ans. Christophe Habas nous a aussi honorés de deux conférences à Genève. Le 1er Avril 2017, sur le transhumanisme, un de ses sujets favoris. Lui qui nous parlait avec tant de passion et d'érudition de ce vieux rêve de vie éternelle, comme s'il savait que son existence serait un jour écourtée... En 2018, j'avais, aux côtés de Guy Haarscher et Christophe Calame, été conférencier avec Christophe Habas lors d'une croisière maçonnique et philosophique. Partager toute une semaine à quatre, a été l'occasion de conversations passionnantes, sur la nature de notre identité et de notre engagement, mais aussi sur la spiritualité. Les échanges qui nous ont animés nous quatre, nous ont littéralement enivrés. Ivresse d'une complicité partagée, d'un enrichissement mutuel, d'un échange en toute simplicité, spontanéité, comme on peut le vivre trop rarement dans une existence. Le 10 novembre 2019 pour la clôture de notre convent, il nous fît l'honneur de partager avec moi une conférence publique sur l'intelligence artificielle, lui qui brillait par son intelligence naturelle et qui ce matin-là, inoubliable, a ébloui le Grand Temple de Genève bondé comme jamais. Enfin, pendant le confinement, à la demande de nos frères portuguais, nous avons donné une conférence en direct sur youtube avec pour thème l'intelligence artificielle, Christophe développant depuis Paris un prisme scientifique, et moi depuis Lausanne une perspective philosophique, tout cela pour égayer l'isolement de nos frères lusitaniens, en traduction simultanée. Je me souviendrai aussi des visites partagées de vestiges, qu'il commentait avec passion car il était passionné d'archéologie et aimait donner une âme aux vieilles pierres. Je me souviendrai aussi de conversations animées autour d'un café à Genève et Paris sur les arcanes du cerveau, et ses mystères... Passionnant! Je me souviendrai de moments bien doux en Espagne, car il affectionnait tout particulièrement, comme moi ces ateliers qui avaient choisi une maçonnerie faite d'action et pas seulement de méditation, une maçonnerie qui défend les Droits Humains, la laïcité, la lutte contre les totalitarismes. Je me souviendrai de son grand bureau à l'Hôpital des quinze vingt où il me recevait parfois pour boire un café et où il me faisait partager son univers de recherche empreint de curiosité infinie et d'humilité devant les mystères de la nature... Je me souviendrai de ses conseils de lecture, des ouvrages d'Alain Berthoz, notamment. Je me souviendrai de son sourire, de son regard pétillant, de sa naturelle bonté. Le Grand Orient de Suisse vient de perdre un des ses membres les plus emblématiques de ce que représente la Suisse, et la franc-maçonnerie en Suisse, être sans jamais vouloir paraître. La Franc-maçonnerie universelle vient de perdre un de ses membres les plus emblématiques de ce que représente le parcours initiatique, être pétri de curiosité, d'écoute, d'aspiration à l'idéal. Et moi, je viens de perdre un des êtres pour lequel je puis remercier l'existence, pour peu que cela ait du sens, d'avoir eu l'opportunité d'être un de ses compagnons de route, même pour un bref moment, bien trop bref, mais si précieux. Antonio Machado disait qu'il n'y pas de chemin, que le chemin se trace en marchant. Mais la route est tellement plus belle lorsqu'on a comme compagnons de voyage des êtres aussi lumineux que toi mon frère, mon ami ! Tu m'écrivais la semaine dernière encore, que tu seras bientôt admis aux soins palliatifs. Qu’on ne peut plus rien contre ton cancer, que tes traces seraient uniquement scientifiques et dans quelques articles du Grand Orient de France. Comme toujours tes paroles étaient pétries d'humilité. Je t'ai répondu que tu serais aussi présent dans nos cœurs pour toujours. Oui pour toujours, car tu nous auras rendus meilleurs, tout simplement. Une des grandes énigmes qui t'habitaient était le paradoxe entre l'absence de croyance en Dieu, et ton goût pour la spiritualité. Nous avions un projet d'écriture en commun qui allait aborder ce sujet. Ne nous quitte pas avec un sentiment d'inachevé, car comme tu le sais l'œuvre n'est jamais achevée et fait l'objet d'une transmission qui défie le temps. L'être échappe au périr s'il a un jour aimé. Alexandre Rauzy Un ami vient de m’écrire…16 mai 2022 Un ami vient de m’écrire qu’il sera bientôt admis aux soins palliatifs. Qu’on ne peut plus rien contre son cancer. Mon ami, vous ne le connaissez pas, peut-être, mais il pourrait être le vôtre. Ou il pourrait être vous. Comme il pourrait être moi. On sait tous qu’on va partir un jour. On en a du moins une conscience vague. Mais la mort, c’est comme la guerre, plus on la sent loin, moins on se sent concerné. Cette existence va s’arrêter un jour, son existence, celle de mon ami, la mienne, la vôtre, la nôtre...Comme on clôt un roman. Pire comme si on nous le fermait brutalement... Ou bien comme si une panne de courant interrompait le film de notre vie, sans générique de fin, sans l’opportunité d’un dénouement, sans chute, si ce n’est la nôtre... Je n’ai pas demandé à vivre, je n’ai pas demandé à mourir non plus. On m’a offert une existence que je ne réclamais pas, et sitôt que j’y prend goût, on me la retire. Oui la vie est tragique parce que la seule liberté qui soit mienne est de vivre l’instant présent comme si c’était le dernier. De lui donner sens, pour ne pas que, comble de l’absurde, cette vie offerte, on ne sait par qui, on ne sait pourquoi, soit gâchée. Le présent est un joyau, mais cette conscience si importante est trop souvent balayée par l’insouciance. Nous ne sommes que des enfants, et c’est peut-être mieux ainsi finalement car cette insouciance nous fait oublier la contingence de l’être. Et mon ami dans tout ça ? Une intelligence brillante, une culture fascinante, une bonté d’âme admirable, une humilité sans pareille. Tant de qualités humaines, qui m’ont fait m’égarer à le croire immortel. On cherche toujours une logique dans la vie. Les méchants meurent à la fin des films, et le bien est ainsi victorieux sur le mal. Les héros survivent. Et mon ami est un des héros que j’ai la chance de connaître dans ce grand et mystérieux labyrinthe, ou dédale selon les perspectives, de mon existence… Alors pourquoi lui ? Pourquoi si tôt ? Et que faire si ce n’est lui dire que je tiens à lui et que je ne l’oublierai jamais, tant que ma propre vie durera bien sûr. Il est des êtres tellement lumineux que lorsqu’ils disparaissent ils laissent une part de lumière chez ceux qui ont eu la chance de les rencontrer. On ne cesse de transmettre sans le vouloir même, sans leçon ni tableau, juste en étant soi, tout simplement, pour peu qu’on soit paré de qualités humaines. Merci l’ami, merci mon frère, d’être ce que tu es. La seule pensée que tu sois encore là, la seule pensée de ce que tu m’as transmis, en toute pudeur et sans même en avoir conscience, devrait me réjouir. Et pourtant, pas suffisamment pour retenir mes larmes. Les mots de Gaston Berger raisonnent en moi. Le philosophe disait qu’accompagner un ami mourant est une épreuve de solitude. Pour l’ami et pour nous. J’ai beau tenir la main de mon ami qui va mourir, je ne suis pas à sa place. Et je souffre tout autant de sa disparition prochaine que de mon impuissance à partager sa souffrance. « On meurt comme on est né, tout seul ». « Il pleut dans mon cœur comme il pleut sur la ville » disait le poète, et mes larmes à l’heure où j’écris sont le prix de l’amour. Car s’attacher, c’est s’exposer à souffrir, et être détaché non pas de tout, qui est un signe de sagesse, mais de tous, c’est perdre l’humanité qui nous rend beaux et lumineux comme l’est et le sera à jamais mon ami, dans les arcanes de ma conscience et de mon cœur. Bon, cela m’a fait du bien d’écrire ces quelques lignes, mes amis, mes larmes ont séché, vous savez ces larmes qui ravinent sur nos joues d’enfant et qui salent nos lèvres ? On y goûte l’amertume de la vie et la valeur du lien… Alexandre Rauzy Gnose et gnosticismes Fabrizio Frigerio La Gnose est explicitement évoquée comme faisant partie du patrimoine maçonnique, en commençant par un moment central du rituel de passage au deuxième degré. Le mot lui-même n’est pas défini, la chose qu’il désigne non plus, mais le Franc-Maçon est censé, à partir d’un certain stade de son évolution initiatique, en avoir fait l’expérience, en avoir la connaissance. En fait, que signifie ce mot de « gnose », que désigne-t-il exactement ? Il s’agit d’un terme, utilisé tant en philosophie qu’en histoire des religions, qui vient du grec « gnôsis », il est traduit par « connaissance ». Mais de quelle connaissance s’agit-il ? La langue grecque a un autre mot, dont la traduction française est aussi « connaissance » : « épistème ». Entre ces deux mots, traduits de la même manière, il y a cependant une différence importante, qui ne peut être rendue en français qu’en leur accolant un adjectif qualificatif, ainsi on dira qu’ « épistème » est la connaissance scientifique, tandis que « gnôsis » est la connaissance de dieu, à laquelle aspire l’initié. Entre ces deux types de connaissance la différence ne réside pas seulement dans l’objet de leurs investigations, mais aussi dans la méthode de leurs démarches.
La connaissance scientifique (« épistème ») s’effectue par déduction, d’après une méthode empirique d’approches successives, selon un processus continu et répété d’essais et de correction des erreurs que ces essais mettent en évidence. La connaissance de dieu (« gnôsis ») ne s’effectue pas de la même manière. Il s’agit d’un processus double, qui implique d’un côté l’initié, lequel aspire à connaître dieu, et de l’autre côté dieu, qui veut se faire connaître par celui qu’il juge digne d’une telle connaissance. Dans la connaissance scientifique la chose qu’on veut connaître appartient à la nature, et en tant que telle est passive, elle ne peut qu’attendre d’être connue ; dans la connaissance de dieu l’objet de connaissance est à l’origine du sujet qui aspire à sa connaissance, il ne peut donc être connu que si à son tour il désire lui-même se faire connaître. Ce n’est donc pas un objet mais un autre sujet, c’est même le sujet par excellence. Qui aurait su que la revolution qui a résulté en l'independance Grecque a eu aussi des racines parmi les Franc-maçons genevois? L'etude minutieuse que l'historien Fabrizio Frigerio a la générosité de publier dans nos pages rappelle un episode significatif de l'histoire de la FM Romande. Par Jacques Herman, PTRGM du GOS L’apparentement et la différenciation des Rites maçonniques sont à considérer dans une double perspective: celle de l’histoire et celle du contenu. |
* Catégories
Tous
Archives
Mai 2024
|