1. Rousseau dans le cabinet de réflexion ?
La Franc-maçonnerie et l'œuvre rousseauiste ont-elles une lointaine parenté, une origine identique, une fortune commune?
Des termes utilisés par Jean-Jacques Rousseau font partie des références classiques de la Franc-maçonnerie. Ne trouve-t-on pas l'expression nouvelles lumières et l'amour de bien-être est le seul mobile des actions humaines dans le Deuxième Discours [1] ? Quelques-unes ont retenu notre attention.
Il s'agit à la fois de notions couramment évoquées dans le REAA (de Suisse) et de concepts abondamment cités dans les travaux et les publications du XVIIIe siècle, en particulier chez les Encyclopédistes.
Chaque terme de cet article est défini à l'aide de l'ouvrage de Daniel Ligou [3] et examiné dans la perspective de la philosophie du Citoyen de Genève. En établissant cette approche entre des termes puisés dans la littérature de la Franc-maçonnerie et des termes choisis par le Citoyen de Genève nous souhaitons examiner les influences réciproques. De quelle manière la pensée de Jean-Jacques Rousseau a-t-elle pu inspirer le corpus naissant de la Franc-maçonnerie? Ce déploiement de notions propres à la Franc-maçonnerie, a-t-il pu nourrir la vision du Citoyen de Genève?
Le terme travail dans le DFM est résumé ainsi: Depuis James Anderson (1679-1729) le travail maçonnique a cessé de se limiter à la construction des cathédrales. En un éclatement moderne et généreux, le travail maçonnique, sans cesser d'être attaché à un rituel et à une gestuelle spécifique est devenu un travail à vocation universelle. Des Obédiences et leurs loges sont implantées dans le monde entier. Le travail maçonnique vise au perfectionnement de plus en plus nécessaire de l'homme et de la société [4]. On distingue, en outre, le travail symbolique, le travail de recherche et d'information et le travail à l'extérieur de la Loge. On entre dans le registre du travail comme action destinée à acquérir de nouvelles connaissances, sorte de vocation réservée à l'être humain tentant d'accéder à la Connaissance. Pour Jean-Jacques Rousseau, l'idée de travail [5] se rapproche de l'état d'une personne qui mène une activité imposée par l'organisation des hommes; il se considère à la fois plein d'entrain et pratiquant volontiers le far niente.
On comprend entre autres que la passion relève de conditions fondamentales: éducation, fortune, préjugés, imagination, histoire individuelle... Mais avant tout Jean-Jacques Rousseau s'applique à distinguer les passions aimantes et douces et les passions haineuses et cruelles. George Sand parle de lui en berger extravagant, amoureux de la paresse, de la musique, de l'amitié, de la botanique, de la gourmandise. Il nous semble pourtant que la passion chez Jean-Jacques Rousseau est surtout guidée par la raison, l'héroïsme, le civisme, la vertu. Il précise que même les passions qui l'ont fait vivre l'ont aussi tué. L'amour-propre affirme-t-il lui-même n'existe pas dans l'état de nature.