Réd : Nous avons eu la chance de trouver dans le Bulletin de la Société Henry Dunant, (No 21, 2003) deux documents d’intérêt particulier pour les Franc-maçons : « Henry Dunant franc-maçon ? Certainement pas à 99 % » et « La Recette d’Henry Dunant ».
En lisant ces recherches réfléchies et fouillées, l’intérêt n’est pas de s’adonner à notre jeu folklorique favori de salle humide : "Est-ce que tel ou tel personnage célèbre a été Franc-Maçon, est-ce que tout ce qui est génial et porteur de progrès dans le monde vient de nous ?" Par contre, tout ce qui réunit les bonnes volontés, qui travaille à l’amélioration de la condition humaine, à la compassion, à la civilisation, est objet d’admiration et d’adhésion pour les Franc-maçons.
Il nous intéresse beaucoup de comprendre comment réussissent les grandes initiatives en faveur de la paix, de la tolérance et du respect de la personne humaine – de toute personne sans différence de religion ou d’autre conviction. De même que Jean Jacques Rousseau – qui n’a jamais été Franc-Maçon - nous apprend beaucoup, le mouvement lancé par Henry Dunant nous semble exemplaire. Les documents réalisés par Roger Durand constituent en ce sens une lecture fascinante. Merci pour son accord de les reproduire dans les pages des Cahiers Bleus pour notre public le plus large.
Quant à la question : "Était-il Franc-Maçon ou non"… probablement non, peut-être… si, oublié par des FF importants, avec lesquels il a trop polémiqué, trop personnellement… Ah, les métaux !
Profitons de l’occasion pour préfacer ces études d’un entretien exclusif avec l’auteur, M. Roger Durand, Président de la Société Henry Dunant et de Genève Humanitaire.
L’action et la pensée d’Henry Dunant
Interview des Cahiers Bleus avec M. Roger Durand, Président de la Société Henry Dunant et de Genève Humanitaire
RD : Assurément, il est d’actualité. Nous savons plus de la crise récurrente des droits de l’homme et de la paix parce qu-on en parle plus, on communique plus. Cette crise est très grave. Plusieurs des principes qui ont fondé l’action de Dunant restent tout à fait actuels.
Le premier principe est celui d’humanité, de considérer que tout être humain fait partie de notre groupe et que tout être humain qui est dans une situation de vulnérabilité ou d’infériorité – le blessé, le malade, l’émigré, le fugitif - mérite notre compassion quelles que soient ses particularités et différences par rapport à nous. Ceci est un principe fondamental de Dunant qui a débouché sur le principe d’humanité qui anime le mouvement international de la Croix Rouge. Dunant n’était pas tout seul à décrire cela mais il insistait sur la neutralité, c’est-à-dire de ne pas juger quelqu’un de vulnérable en fonction de ses opinions, de sa religion ou de sa provenance, son milieu social et culturel. Toute personne doit être considérée en tant qu’être humain et non comme appartenant à un groupe particulier. Ce sont des appels qui restent.
Au début on n’a parlé que de militaires blessés mais en proclamant la neutralisation des blessés comme principe supérieur aux nations et nationalités Dunant a été bien reçu. Même déjà dans la Convention de 1864. L’intérêt spécifique de Dunant, même si quelque part il réinvente la roue par rapport à d’autres philosophes, philanthropes ou hommes de religion qui l’ont précédé, se trouve dans le requis que cette action doit être désintéressée, qu’elle n’ait pas notamment pour but de ramener une âme vers Dieu, vers le paradis, vers telle et telle religion. Il s’agit exclusivement qu’une personne blessée dans son corps soit soignée. La neutralité religieuse, confessionnelle, apporte la grande différence. Toutes les sociétés et associations de l’époque qui avaient une fonction philanthropique, avaient une fonction spirituelle en même temps. La démarche de Dunant est particulièrement attrayante et entièrement d’actualité.