Si j’ai tenu à vous entretenir du miroir, c’est qu’il s’agissait pour moi avant tout de faire œuvre de réflexion et que toute réflexion procède en quelque sorte du miroir.
Celui qui réfléchit n'est-il pas nécessairement placé en face de lui-même ou, à tout le moins, de l’image qu'il en a ? N'est-ce pas le but même de ce séjour dans la Terre au creux du Cabinet de Réflexion ?
Paradoxalement, les parois en sont noires et ne renvoient aucune lumière : aucune surface réfléchissante mais un sujet qui s'efforce de réfléchir.
Pourtant, ce qui est frappant en toute logique et au premier abord, c’est que ne peut réfléchir qu'un corps qui a préalablement reçu une lumière. Dans les ténèbres, le miroir est vide. A tel point qu’une antique superstition interdisait de s’y regarder la nuit de peur que la mort ne nous prenne en même temps que notre image, notre alter ego disparu, ce qui revient à dire après tout qu'un homme qui ne possède plus d’image de lui-même est un homme mort.
De même, celui qui ne supporte plus son image, celui qui, comme on le dit familièrement, ne peut plus se regarder dans une glace, celui-là est sans doute déjà bien malade.