Un beau livre, en bref… mais de référence!
Pour le lecteur pressé et curieux, ce livre avec ses belles illustrations et succinctes explications est une aubaine. Pour le lecteur attentif, c’est une mine de sujets de réflexion, car il résume les richesses et les complexités initiatiques d’une grande tradition spirituelle humaniste. C’est cela la Franc-maçonnerie ; une école qui libère les esprits en les élevant, une fraternité qui réunit croyants, non-croyants, agnostiques, dans la recherche commune d’une Humanité meilleure.
Laurent Kupferman nous offre un ouvrage de synthèse et de transparence nécessaire dans notre époque de communication tous azimuts, ou persiste encore le fantasme antimaçonnique et l’intolérance anachronique contre la liberté de conscience de l’autre. Un livre à ne pas manquer !
Laurent Kupferman
3 MINUTES POUR COMPRENDRE LES 50 PRINCIPES DE LA FRANC- MAÇONNERIE: L’histoire, les loges, les rituels, les mythes, le langage symbolique, la spiritualité…
Le Courrier du Livre, Paris, 2016
IT: Cher Laurent Kupferman, les livres, d'habitude, nous donnent leur plein de réponses mais ne peuvent pas entendre les questions ultérieures du lecteur qui tourne leurs pages. Cette fois pourtant, par ton amabilité, je peux te poser quelques questions, pour profiter de la vaste étude d’écrits maçonniques qui se cache - de toute évidence - derrière les nombreuses "3 minutes" accordés dans ton ouvrage à tant de sujets.
Q: Basé sur tant de lectures et en synthèse, qu'apporte - à ton avis - notre spiritualité laïque placée au delà du parti-pris d'une ou d'autre religion? Quel est le choix plus large, plus spacieux, qu'on trouve chez nous?
LK: D'une manière plus générale, et nous en faisons le constat encore plus fort dans une société hyper-matérialiste, je crois qu'il faut en permanence un point d'équilibre entre le rationnel, la matériel, et le spirituel. La maçonnerie est selon moi, une forme de spiritualité, mais avec ceci de particulier qu'elle n'a pas de dogme, pas de vérités révélées. Elle n'interdit évidemment pas à ses membres de croire en une vérité révélée, tout comme elle permet à celles et ceux qui préfèrent les vérités acquises de participer au chantier. C'est assez unique. C'est une forme de spiritualité universelle, qu'on appelait autrefois la religion naturelle, qui ne s’oppose pas aux religions révélées, mais rappelle qu’elles n'ont pas le monopole de la spiritualité.
Q: Ces "rituels" si divers que nous pratiquons, pourquoi nous sont-ils si nécessaires, en plus de notre Raison? Par tradition? Pour être ésotériques, mystérieux? Pour réaliser quelque exigence vitale à notre méthode de travail? Pour autre chose?
LK: Les rituels ont plusieurs vertus. Outre qu'une pratique commune en même lieu, en un moment commun crée des liens, les rituels permettent de sacraliser un lieu (le temple) et un moment (la tenue). Il faut se rappeler que le temple n'est pas un lieu sacré en soi. Les premiers maçons se retrouvaient dans l'arrière salle des tavernes qu'ils décoraient de manière transitoire. C'est la pratique en commun du rituel qui permettait de se couper des tumultes du monde profane. S'il est bien une chose dont nous, maçonnes et maçons devrions nous méfier, c'est de pratiquer l'inutile "guéguerre" des rituels. Outre que ce qui nous rassemble est infiniment plus important que ce qui nous différencie, la diversité des rituels correspond à la diversité des êtres humains : untel préfère les questions sociétales, l'autre les questions spirituelles, le troisième enfin préfère ne pratiquer que du rituel : et alors ? Nous avons le choix, C’EST rare et c'est formidable.
Q: Ces mythes et symboles que tu décris succinctement, à quoi servent-ils d'après toi? Faut-il y croire ou les comprendre autrement?
LK: Les mythes sont des "mensonges qui décrivent, ou génèrent une vérité ". C'est là leur vertu. Prenez le mythe d'Hiram. C'est une reconstruction (qui arrive une vingtaine d'années après les débuts de la maçonnerie obédientielle qui débute en 1717). Il n'en demeure pas moins qu'il nous lie - nous nous projetons en lui - tout en respectant nos lectures individuelles.
Quant au langage symbolique, il a aussi cette capacité. En procédant par analogie, il crée un langage qui est à la fois commun et qui libère la singularité de chacun. En réalité la méthode maçonnique c'est aussi apprendre un nouveau langage: celui de la science infuse (celle que avons en nous), ou l'intelligence du cœur.
Q: A ton avis, quelle est l'urgence d'action sur nous mêmes - en atelier - et sur le monde autour - quand nous ressortons de nos temples, - dans la vie dite "profane" c'est à dire de chaque jour, en 2016?
LK: L'urgence est de cesser nos détestables, quoi que très humaines querelles. Les temps sont difficiles. Nous devons savoir nous unifier quand cela est nécessaire et porter notre message : la solidarité sauve l'humanité, tandis que l'individualisme nous déshumanise.
Q: Comment comprendre en pratique ce que tu dis (p. 124) que: "La laïcité n'est pas l’athéisme..."?
LK: La Laïcité n'est pas la négation du fait religion. Ça c'est l'athéisme. La laïcité c'est la négation de toute prééminence d'UN (quel qu'il soit) fait religieux. Depuis 1905 nous avons le DROIT de croire (jusqu'à des temps récents c'était une obligation sous peine de mort sociale en Europe et de mort physique actuellement dans certains pays), et aussi le droit de ne pas croire. En ce sens la laïcité est à l'évidence un accroissement du champ de la liberté de conscience.