- Quelle est la véritable nature du Lien qui, tout a la fois, nous relie et nous anime et, ce, en dépit de la diversité de nos origines philosophiques ;
- Comment comprendre, et répondre si possible, à l'actuelle inquiétude d'une humanité souffrante, qui semble être en quête d'une autre finalité que celle du bonheur matériel et du progrès scientifique.
Reçu en F :. M: dans la R:. L:. « SPUCAR » (Sincérité, Parfaite Union et Constante Amitié), a l'Or:. de Besançon, en 1852, notre illustre F:. J.B PROUDHON effrayait ses FF:. par son implacable réponse a la question du V:.M:.: « Monsieur, quels sont nos devoirs envers Dieu ? » « La guerre » répondit-il et rajoutant: »Dieu, c'est le Mal; Satan n'est que le simple patron de la Liberté ».
Certes, la pensée du Père de L’Anarchisme en matière de métaphysique est beaucoup plus complexe que cet apparent anathème provocateur mais, pendant près d'un siècle, ce dernier a servi de cri de ralliement à tous les esprits simples - ou simplistes - qui, sous couvert de lutter contre la main-mise de l‘Eglise sur les consciences, ont condamné sans appel - dans un méli-mélo prétendument intellectuel - tout à la fois les notions de Divinité, de Sacré, d'Esprit, de Spirituel et de Spiritualité.
II est vrai qu'a la décharge de l'Obédience et de ses membres, le climat idéologique du moment prêtait a la confusion des genres: Scientisme et Positivisme, puis Marxisme et Existentialisme, voire même la Psychanalyse naissante, ont ainsi favorise cet amalgame dans nombre d'esprits mal formes ou....de mauvaise foi: ainsi, Spirituel ne pouvait que s'assimiler a vérité révélée, a transcendance et la spiritualité n'apparaissait que comme une acceptation, une soumission a un dogme.
Les FF:. de notre G:.O:. sont a l'évidence et pour nombre, tombes dans le piège de cette sémantique mal contrôlée entrainant la confusion des concepts, comme dans celui du faux syllogisme : « je crois en la toute puissance de la science (donc de la Raison), donc je dénonce les dogmes des Églises, ainsi, je nie la Puissance créatrice ».
A l’aube du Troisième Millénaire, qui voit l'homme en marche vers les étoiles, il est temps, me semble-t-il, d'élever le débat, de cesser les fausses querelles a substrat pseudo métaphysique, comme à dénoncer les impuissances du langage et les sadomasochistes de la fausse conceptualisation.
Faut-il rappeler que la F:.M:. est, par essence, une « Institution Philanthropique, Philosophique et Progressive » et qu'elle a, pour existence, « la recherche de la vérité, l'étude e la morale et la pratique de la solidarité : elle travaille a l‘amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l‘humanité ».
Donc, s'il y a objectif et devoir de rechercher la vérité, c'est bien qu'il y a une Vérité a découvrir et a penser, une Ontologie qui ne soit pas seulement d'origine scientifique, psychanalytique ou matérialiste (qu'il s'agisse d'un matérialisme mécanique - celui de Diderot, de D’Holbach ou d'Helvétius- ou d'un matérialisme dialectique-Engels ou Marx ) et la permanence d'un merveilleux objet d'expérimentation : l'Homme, qui est tout a la fois Matière évolutive, Agent actif sur l'Univers et Pensée créatrice.
Ainsi, posons comme postulat que la F:.M:. est une Force, une Puissance spirituelle puisque reposant sur la confiance en la Pensée de l'homme, Pensée créatrice et agissante.
Quant à l'origine de cette Pensée, à son Essence, c'est un tout autre problème, problème que je n'aborderai pas dans le cadre de cette courte réflexion. Au demeurant, que la Pensée soit création de l'âme, donc émanation de Dieu, ou concrétisation d'une activité neuronique, donc Matière immanente, n'a guère d'importance a ce niveau du débat et dans l’actuel état de la connaissance scientifique ; c'est du domaine de la conscience de chacun, c'est reconnaitre a chacun son libre concept du Principe Premier Créateur.
Mais, les Francs Maçons que nous sommes se doivent de raisonner, d'analyser (précisément a travers la diversité des opinions et non point des certitudes) la Force qui unit notre propre réflexion a celles de nos Frères, la Force qui nous permet l’action sur Autrui a travers nous-mêmes : cet Esprit Créateur dont J.J.Rousseau affirmait que c'est la seule notion qui permette d'expliquer la capacité de l'homme de vouloir et de choisir », cet esprit que, pour ma part, j'appelle « Spiritualité ».
I - POUR UNE APPROCHE du CONCEPT « SPIRITUALITÉ MAÇONNIQUE »
A / La SPIRITUALITÉ DEFINIE PAR SES CONTRAIRES
(ou, pour le moins, interprétée de manière restrictive ou directive) :
1°/ Spiritualité Maçonnique n'est pas synonyme « d'Esprit maçonnique » : d'aucuns, par souci de syncrétisme, d'union de FF° de sensibilités philosophiques différentes, assimilent la Spiritualité Maçonnique a cette curiosité de l'intelligence qui nous anime, a cet humanisme qui nous unit, a cette tolérance qui permet et enrichit nos échanges . Cela se traduit par la sérénité de nos débats, la chaleur de notre convivialité, la sincérité de notre entraide ; c'est, a l'évidence, la mise en pratique du triptyque maç :. « Liberté, Egalite, Fraternité » et 1'aspiration a un idéal commun : la Grandeur et ('Emancipation de l’Homme, notre Frère.
C'est le vecteur commun qui nous unit a travers les siècles, les continents, les origines sociales, les différences intellectuelles, les expressions de pensée.
Certes, c'est déjà beaucoup ! C'est à l'évidence, énorme en comparaison de ce que peuvent offrir toutes les autres associations ou mouvements de réflexion sur les hommes et les sociétés.
Mais, a mon modeste point de vue, c'est une vision restrictive, quelque peu castratrice de l'Ordre Maçonnique : c'est ramener ce dernier a un simple humanisme du quotidien, sécurisant, ludique, intellectualise...a un « esprit de corps » (comme il existe un « esprit grande école », un « esprit ancien combattant ») risquant fort, au fil du temps de dériver vers un « collège de pseudo-inities » aux seules préoccupations relevant du domaine sociologique. Cette vision souffre de deux défauts majeurs : tout d'abord, elle fait reposer tout le système de « Fraternité » sur la seule Générosité, sur le seul sentiment d'abnégation et de dévouement de l'être humain, mettant en exergue un « rousseauisme diffus » et confus...qui présupposerait que tous les FF:. soient - naturellement ou par la vertu de l'initiation - devenus généreux, actifs, volontaires face a l'humanité souffrante ! Or - et nous sommes bien places pour le constater- il n'en est rien et cette douloureuse, mais réaliste, constatation impose qu'il y ait, pour nous Unir et nous permettre d'agir, un autre Facteur, une autre Force que la volonté (affirmée dans nos discours, écrite dans nos textes) de reformer le Monde Reste a découvrir, a définir ce « Pourquoi » et nous ne pouvons faire appel a une quelconque Doctrine Transcendante qui exigerait de ses adeptes une soumission absolue pour qu'ils puissent tenter de réaliser leur œuvre humaniste et personnelle.
2°/ La Spiritualité maçonnique ne peut, non plus, être assimilée a Spiritualisme car celui-ci présuppose que l'esprit-ou l’âme- constitue une réalité substantielle, distincte du corps ou de la matière : c'est un Principe spirituel qui sous - entend son Éternité et son Intégration dans 1'Esprit Universel] et Créateur qu'est Dieu, le G.A.D.L.U pour les F:.M:.. Une telle assimilation - qui relève exclusivement de l'appréciation de chacun- ne me parait donc pas répondre pleinement a la philosophique officielle de notre Obédience qui, depuis 1877, a supprime l'obligation de croire en un Dieu révèle, en l'immortalité de l'âme et en l'acceptation de la Transcendance.
Il importe donc de rechercher d'autres caractéristiques de cette Force qui nous unit, qui nous transcende, qui nous motive dans la recherche de l'impossible Perfection.
B / LA SPIRITUALITÉ, POTENTIALITÉ DE L'HUMAIN :
Cette Voie, cette Force ne peut, me semble-t-il, qu'être l’immanence, c'est a dire tout a la fois la Conscience, la Sensation et le Pouvoir qu'a l'homme de se Transcender , de s'identifier - par l'ascèse et la purification progressive, a l'Un, a l'Unique, a la Force Créatrice, a l'Absolu, au Divin (et je n'emploie pas le terme de Dieu).
Dans son essence, dans ses principes premiers, la F°M° est Déiste, c'est-a-dire qu'elle reconnait et affirme l'existence et la permanence d'un PRINCIPE PREMIER et ORGANISATEUR de l'Univers : être Spiritualiste, pour un Franc-maçon, n'est-ce pas, en première analyse, accepter cette hypothèse et affirmer qu'en lui, homme « animal pensant et agissant » selon le philosophe, existe, vit, perdure et peut s'épanouir cette Force créatrice, émanation de l'Univers éternel, comme Facteur-tout aussi éternel- d'enrichissement de cet Univers.
Sur la nature de ce Pouvoir, je vous laisse libres du choix mais je me retranche derrière l'opinion - que l'on peut supposer avertie - d'un homme d’église (qui, en son temps fut grand réformateur du dogme catholique, cependant), le grand BOSSUET : « la spiritualité commence en l'homme ou la lumière de l’intelligence et de la réflexion commence a poindre », réflexion que je tempérerai par celle d'un anti-dogmatiste s'il en est, notre Frère VOLTAIRE : « nous savons que l'âme est spirituelle mais nous ne savons point du tout ce que c'est que l'esprit ».
Voici, je pense, de quoi conforter les croyants, parmi vous, et rassurer aussi les incroyants ; et, comme je sens que ceux-ci commencent à redouter que je les entraine en direction de l'innommable, j'agrémenterai mon propos par les propos d'un homme de science contemporain, peu suspect de mysticisme, Jean ROSTAND : « ceux qui parlent toujours de Dieu, y pensent-ils aussi souvent que nous, qui n'y croyons pas ? ».... ou bien, encore *. « Ayons un peu d'égard pour cet inconnu qui est en nous ».
La Liberté, au sens philosophique du terme n'existe pas mais, du moins, l'homme -et, a fortiori le Franc -Maçon- dispose-t-il du Libre Arbitre qui lui permets de se déterminer plus ou moins dans une situation donnée: il peut, ainsi, être Créateur et Acteur tout a la fois, et s'élever peu a peu au dessus du contingent, de s'améliorer et, se faisant, d'apporter a autrui.
C. LA SPIRITUALITÉ MAÇONNIQUE, VECTEUR DU LIBRE ARBITRE :
En ayant foi en la perfectibilité de l'homme, nous posons le problème par rapport a des valeurs morales, le danger étant de tomber, a nouveau, dans le dogmatisme (voire dans les tabous religieux) : le Franc Maçon peut-il se définir en fonction du Bien et du Mai, pourront argumenter certains ?
Certes, définie en ces termes « recherche du bien », la Spiritualité maçonnique risque fort de prendre une connotation morale, moralisante, péjorative même et bien éloignée du précepte de SAINT EXUPERY : « Si tu diffères de moi, mon Frère, loin de me léser, tu m'enrichis ».
II est, cependant, aise de réfuter cette objection par deux éléments :
Le premier est d'ordre sociologique : toute organisation humaine présuppose des règles de conduite et, si nos sociétés admettent le droit a la différence, cette différence est, précisément, plus un garde fou a l'égard de la liberté d'autrui qu'un brevet de permissivité. Dans l'élémentaire du quotidien il y a bien l'indispensable limite du Bien et du Mal.
Le deuxième argument relève de la conscience et, pour nous, Franc-maçons, du serment que nous avons prêté le jour ou « la lumière nous a été donnée » . Nous sommes venus chercher en F°M° des éléments de réponse a nos interrogations, ce qui démontre bien que, sous des formes différentes nous avons les mêmes interrogations et que, peut- être bien, nous attendons les mêmes réponses.
Nous partageons la même Espérance et nous agissons avec la même Foi, une Foi qui n'est tributaire d'aucune religion, définie par aucun dogme, guidée par la seule lumière de la Raison, mais qui est l'apanage et le rare honneur des hommes de bonne volonté. A la différence d'une simple éthique sociale et se démarquant de la Spiritualité dogmatique, la SPIRITUALITÉ MAÇONNIQUE ni n'impose de règles, ni ne donne de réponses révélées. Si la Vérité, si l'Absolu est en l'homme, a ce dernier de les découvrir. Outre des Principes de vie et d’éthique individuelle, qui sont traduits dans les symboles et l'enseignement des différents Grades, cette Spiritualité nous propose une méthode transcrite dans l'Initiation et le Rituel.
G. VIALLET GODF