Le Grand Orient de Suisse a invité Didier Convard, Denis Falque, Jiho et... la mémoire de Hugo Pratt au FESTIVAL BDFIL 2018 - le 15 septembre à Lausanne
En marge de l’exposition de publications des auteurs, des objets, maçonniques et dessins d’Hugo Pratt, et de la belle présentation « La légende de la Loge Première » une interview fut menée conjointement en très agréable collaboration fraternelle par Didier Planche, rédacteur francophone du magazine Alpina*, Ioan Tenner, rédacteur en chef des Cahiers Bleus**, et par Silvio Amstad-Wang (BP), rédacteur en chef du Bonnet Phrygien***.
Entretien à trois avec Didier Convard et Denis Falque
Didier Convard : C’est assez paradoxal, car au départ, je voulais être seulement auteur de livres ; je n’avais pas pensé à la bande dessinée. C’est un concours de circonstances qui m’y a conduit, car j’avais fait une école d’arts appliqués et graphiques. Je m’intéressais énormément au dessin, à la publicité, à l’illustration. C’est pendant ces études que j’ai découvert toutes les possibilités d’expression de la bande dessinée ; je me suis rendu compte que c’est un art vraiment complet. C’est un art à part, parce que ce n’est pas tout à fait de la littérature, ni un script de cinéma. C’est un art qui a sa grammaire, sa logique, ses cohérences, etc. et j’ai réalisé que ça m’ouvrait un champ d’exploration lié à mon imagination particulièrement intéressant. Donc, j’ai choisi la bande dessinée.
D.P. : Que t’apporte le dessin aux niveaux intellectuel et spirituel ?
Ensuite, j’aime le dessin, parce que j’aime le symbolisme, comme tout ce qui est graphique ; pour moi, c’est un langage universel. En fait, la bande dessinée idéale serait une bande dessinée sans texte. Les Japonais sont très proches de ça avec les mangas. Quand ils font des livres de 200 ou 300 pages, ils n’ont pas besoin de mettre beaucoup de textes, parce qu’ils peuvent distendre les actions et les faire comprendre par une succession de cases ; nous, on est limité par des formats et par le nombre de pages, donc on met des textes. En plus, nous sommes des littéraires !
Moi, j’aime autant le dessin que le symbole en Franc-Maçonnerie, parce que ça rejoint un langage universel, en tout cas dans une culture où on partage la symbolique des formes et des couleurs.
**Les Cahiers Bleus La Revue des Francs-Maçons du Grand Orient de Suisse: https://gos-cahiers-bleus.weebly.com/
***Le bonnet phrygien Journal de la Loge Liberté n° 21 GLS Alpina [email protected]
Didier Convard : Je me suis rendu compte que je faisais de la bande dessinée ésotérique sans le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Déjà dans le journal Tintin, il y a une trentaine d’années, quand j’écrivais les récits fantastiques du style Les Huit Jours du diable, Le 9e Jour du diable, etc., j’ignorais totalement que je faisais de la bande dessinée ésotérique. J’étais très intéressé par tout ce qui touchait à l’hermétisme, à l’ésotérisme, au symbolisme, ces univers dans lesquels il faut pénétrer avec des clés.
D.P. : Tout cela avant d’entrer en Franc-Maçonnerie.
Didier Convard : Oui. Mais je dois vous dire que mon grand-père adoptif était Franc-Maçon ; il s’est ouvert à moi quand j’étais très jeune. Il m’a nourri de lectures, de discussions, et j’ai passé quasiment toutes mes vacances chez lui ; on passait des jours entiers à discuter. Je ne savais pas vraiment ce qu’était la Franc-Maçonnerie, je ne pensais pas à y entrer, mais j’étais déjà attiré par son univers symbolique et initiatique.
Avec Denis, on a ouvert un genre. Avant nous, on ne disait pas « une bande dessinée ésotérique». C’est à partir du Triangle secret et du Décalogue de Frank Giroud que le terme de « bande dessinée ésotérique » est né en France.
Didier Convard et Denis Falque : Cela fait vingt ans.
D.P. : Et toi, Didier, tu as commencé quand exactement ?
Didier Convard : J’ai travaillé pour les éditions Fleurus déjà en 1975.
D.P. : Tu as été initié en quelle année ?
Didier Convard : En 1985.
D.P. : Et comment s’appelle ta Loge ?
Didier Convard : Loi d’action et Guillaume Tell. Notre Loge s’appelait Loi d’action; pendant la guerre, certains Frères sont entrés dans la Résistance et ont été hébergés en Suisse. Ils ont travaillé avec des Maçons suisses et à la Libération, les Francs-Maçons de « Guillaume Tell » et les Frères de la Loge « Loi d’action » se sont réunis pour former une seule et unique Loge.
D.P. : Est-ce que tu cherches, à travers tes bandes dessinées ésotériques, à véhiculer une image positive de la Franc-Maçonnerie ?
Avec mes héros Francs-Maçons, je voulais aller plus loin que ce qu’avait fait Hugo Pratt. Dans l’univers de Pratt, il y a un peu de Franc-Maçonnerie ; moi, je veux dire aux lecteurs : « Voilà, les Francs-Maçons sont les héros de l’histoire et je vais vous montrer un peu l’univers maçonnique. » Le fait est que ça a ouvert bien des esprits ; j’ai reçu beaucoup de courrier où on me demandait : «
Comment fait-on pour entrer dans une Loge ? »
Actuellement, on finit tout le cycle du Triangle secret ; la série Lacrima Christi va être terminée en 2019. On est en train de faire une nouvelle série beaucoup plus ciblée avec les éditions Glénat qui va s’appeler L’Epopée maçonnique. On va raconter l’histoire de la Franc-Maçonnerie d’une manière romanesque depuis le mythe d’Hiram jusqu’à aujourd'hui, en passant par les bâtisseurs, par Napoléon, par les Loges féminines, etc. On intègre les grandes étapes de la Franc-Maçonnerie dans des scénarios qui sont au service de l’histoire de l’Ordre. Avec Denis, on vient de finir la construction du temple de Salomon par Hiram. Nous y verrons aussi l’histoire d’amour avec la reine de Saba. On va sortir trois albums par an.
D.P. : Donc toi, tu t’occupes des scénarios et des textes, et Denis s’occupe du dessin ?
Denis Falque : Sur cette série, je fais le tome I, et je pense aussi
faire le cinq et le six. Après, il y a plusieurs dessinateurs, car je continue avec Didier la série du Triangle secret.
D.P. : J’imagine que cela nécessite quand même pour le dessinateur une connaissance du symbolisme, n’est-ce pas ?
Denis Falque : Oui, il a bien fallu s’y plonger ! (NN Denis n'est pas franc-maçon)
Didier Convard : Alors on lui donne beaucoup de documents. Denis a aussi été souvent à la Grand Loge de France où il y a des conseillers. Il y a également des Frères qui sont des historiens professionnels qui surveillent notre œuvre.
Didier Convard : Oui, Pierre Mollier m’a beaucoup inspiré, mais il y en a d’autres, comme l’ancien Grand Maître de la Grande Loge de France ou Pierre Darrort qui nous accompagne dans cette entreprise…
D.P. : Où trouves-tu ton inspiration ?
Didier Convard : C’est une question que je me suis toujours posée : quelle est la chimie qui se passe dans le cerveau pour avoir une idée et pour arriver à la transmettre ? C’est quelque chose qui m’émerveille. Après, depuis que je sais lire, je lis des sommes astronomiques de bouquins. Dès le départ, j’ai été bercé par certains livres. J’ai tout de suite lu les Alexandre Dumas, ou les grands feuilletonistes : Maurice Leblanc, Gaston Leroux, Conan Doyle. Quand j’étais enfant, c’était Dumas. Je me suis aussi toujours intéressé à l’Histoire. Avec mon père, on a souvent visité des musées et des expositions. Je suis très curieux de naissance.
En fait, j’ai une définition de mon travail ; ça ne va pas lui enlever sa magie si je dis que c’est très simple ce que je fais :
je prends quelque chose qui existe, qui est un fait réel, et je le déporte d’un pas ; je fais un « pas de côté »… Et je prends un chemin buissonnier parallèle. A chaque fois, je fais une uchronie .
J’ai les mêmes personnes, j’ai quasiment la même époque, la même situation, mais je suis le démiurge, et c’est moi qui raconte le destin de ces personnes. Voilà comment je travaille.
D.P. : Tu vas faire un livre sur l’histoire de la Maçonnerie. Vas-tu aussi parler des perspectives de la Franc-Maçonnerie et peut-être aussi y ajouter quelques critiques ?
Didier Convard : Je vais essayer d’être le plus proche de la réalité. Je ne vais effectivement pas donner une vision idyllique de la Franc-Maçonnerie. En fait, l’Ordre est parfait ; à l’intérieur de l’Ordre, nous avons une société humaine avec tous les travers générés par elle. Toute société humaine génère ses propres poisons. Nous avons les nôtres, seulement nous avons aussi la capacité de les éliminer, parce qu’on a des antidotes. On a nos conseils, nos rituels, notre symbolique, notre tolérance, et on a aussi la capacité de rejeter le poison. Donc, on est toujours en train de se sauver ; on a des hauts et des bas. Ce qui est plus grave, c’est que nous avons maintenant des ennemis déclarés. On pensait en avoir terminé, mais quand on est attentif à ce qui se passe dans la société, on constate qu’il y a des ennemis qui sont en train de relancer les antiques rumeurs et les éternelles haines. C’est lié au rejet des migrants, à l’antisémitisme qui remonte, une islamophobie qui renaît. Tout cela nous amène à réfléchir et à ne pas être naïf dans nos Loges ; nous devons savoir que nous avons des ennemis.
B.P. : Dans une interview sur France 3 de 2017, en parlant du nouveau cycle Lacrima Christi, tu déclares que « Le mal est malheureusement en train de gagner, mais nous faisons tout pour qu’il ne gagne pas ». Penses-tu alors qu’il y a une mission pour la Franc-Maçonnerie ?
Ce n’est pas une vaine formule, travailler pour le bien de l’humanité. Nous le faisons à notre petit niveau en Loge ; après, quand on quitte la Loge, il faut continuer dans la famille, dans la société, dans le travail, dans les associations, dans les entreprises, dans la politique, etc. Je suis vraiment effrayé, car j’ai perdu cette naïveté, cette candeur qui fait que l’on pense que l’homme est bon. Je suis persuadé qu’il ne l’est pas. Je suis effectivement inquiet à cause de cette espèce de mal, et c’est d’ailleurs ce que nous avons bien signifié dans Lacrima Christi.
Jusqu'à maintenant, le mal avait un nom d’homme, maintenant c’est carrément le diable, Satan. Et j’ai l’impression que pour l’instant il est en train de gagner à tous les niveaux : contre l’écologie, contre la fraternité, etc. Donc, je pense que notre travail à nous, c’est de se battre pour nos valeurs ; ce sont des valeurs d’entente, de cordialité, de mansuétude, des valeurs pour vivre ensemble. Ce n’est pas facile; on apprend à le faire. On a un rituel pour ça, et le tableau de Loge, la symbolique, et aussi le catéchisme qui nous permet de progresser. Quand je suis entré en Maçonnerie, je n’étais ni plus tolérant, ni meilleur qu’un autre.
J’ai appris par le travail, par le temps, ce qu’est la tolérance. La tolérance, ce n’est pas tendre la joue droite quand on t’a frappé sur la joue gauche, ce n’est pas dire amen à la bêtise, à la stupidité, à la médiocrité. La tolérance, c’est avoir des outils pratiques pour pouvoir vivre ensemble. Il y a des gens que je n’aime pas du tout, mais je vis avec.
J’ai un exemple dans ma Loge : il y avait un Frère que je ne pouvais pas supporter. Chaque fois
que je disais un mot, il me reprenait ; il était désagréable et il croyait avoir raison sur tout. Je ne pouvais vraiment pas le supporter. Je m’en suis ouvert au Vénérable qui m’a dit : « Laisse passer le temps, il a des qualités, mais on ne les voit pas tout de suite ! » Ce Frère a maintenant 87 ans et je l’adore ! Il est toujours aussi insupportable, il a toujours raison sur tout, il est toujours en train d’engueuler les jeunes, mais je l’adore, parce que j’ai effectivement vu les qualités derrière. J’ai vu sa gentillesse, sa générosité; j’ai vu que quand il engueule des
gens, c’est parce qu’il veut que ce soit mieux.
Didier Convard: Je vais effectivement parler de la traduction de didyme, le jumeau. Je vais aussi parler de l’histoire légendaire qui veut que le Christ ne soit pas mort sur la croix, qu’il a été amené en France et moi, je l’ai conduit avec le Triangle Secret
dans la forêt d’Orient où il est enterré et où l’évangéliste a créé la Première Loge. Dans cette forêt d’Orient qui se situe à côté de Troyes, la légende rejoint la réalité historique, parce que
c’était, à l’époque des Templiers, une région marécageuse. On ne sait pas pourquoi les Templiers se sont installés dans cette région où ils ont du faire un travail colossal. Ils ont asséché toute la région, ils ont fait des digues et des barrages, une briqueterie et des potagers. Pourquoi se sont-ils installés là plutôt quand dans une région hospitalière ? Nous donnons bien sûr la réponse : c’est parce qu’il y a le tombeau du Christ ! ?? Les Templiers de ce lieu étaient donc les gardiens du tombeau. Symboliquement, le tombeau du Christ est partout.
Didier Convard : Oui, je fais de l’aquarelle. J’ai passé d’ailleurs mon été à faire des aquarelles. Il y a aussi la musique. Je ne suis pas musicien du tout, mais j’aime écouter la musique et j’aime la lecture. Autrefois, quand j’étais plus jeune, c’était beaucoup le sport. Et il y a bien sûr aussi le cinéma !
Didier Convard : Il faut revenir à la genèse du Triangle Secret. Le Triangle Secret, quand il est sorti il y a vingt ans, ça faisait déjà dix ans que je travaillais dessus. J’ai mis dix ans pour écrire le scénario. J’ai voulu aborder le sujet de la Maçonnerie d’une manière modeste, non pas d’une manière professorale et surtout, j’ai voulu respecter la Maçonnerie. Mais d’un autre côté, je ne voulais pas m’interdire de faire une histoire qui était un thriller. J’ai voulu faire une histoire sur la fraternité.
l’histoire n’a même pas commencé, et l’autre va enquêter sur la mort de son ami. On ne peut pas être plus maçonnique que ça ! Parce qu’après tout, il recherche Hiram, il recherche son double, son frère, et toute mon histoire tend d’une manière extrêmement simple à faire en sorte que le lecteur comprenne qu’en recherchant le tombeau du Christ, en recherchant la vérité sur l’assassinat de son ami, il recherche en fin de compte lui-même.
Il s’est simplement recherché lui-même, depuis le début. Je me suis dit que ça, c’est une idée maçonnique. Le parcours, la mécanique du scénario fait que c’est maçonnique, mais on peut raconter tout ceci.
IT : Pour approfondir ma question, quels sont les problèmes que tu as rencontrés par rapport aux "secrets maçonniques" ?
C’est pour ça que j’ai imaginé la Loge Première, héritière de Jésus, qui a un rituel particulier. Ceci me permettait de parler de rituel, de symbolique et de tradition, tout en les inventant.
Beaucoup de lecteurs qui ont été ultérieurement nous ont dit : « C’est marrant, le rituel, on ne le connaissait pas ! On pensait le connaître, mais on ne le connaissait pas. » C’est donc là où j’ai été prudent.
IT : Il me semble que dans le rituel, notre secret symbolique est bien protégé car plus profond, justement du genre qu'on peut montrer à tout le monde sans rien trahir…
Didier Convard : Oui, on ne le comprend pas, parce qu’il faut le vivre, on ne peut pas l'expliquer.
Cahiers Bleus : Comme se réalise cet exploit littéraire de faire connaître la Franc-Maçonnerie sans renforcer les fantasmes nous concernant ?
Didier Convard : Je pense qu’il faut être le plus franc possible. Pourquoi est-ce qu’on attise les fantasmes ? C’est parce qu’on a souvent été trop secret ou trop discret, comme si on avait honte d’être Franc-Maçon. Donc, ceci donne force à nos ennemis qui disent "Ils se cachent.". Si on arrive droit: "Je suis Franc-Maçon, voilà les valeurs que je défends: … Ce sont les valeurs humanistes de la République : Liberté, égalité, fraternité. Mais nous défendons et réunissons toutes les valeurs et cultures positives, sans être déviés par une ou autre religion. Notre foi est laïque, elle est humaine. Nous sommes fiers de notre foi. Qu’est-ce que vous avez de mieux, de plus que nous? Le rejet? La haine, la violence? Nous sommes plus forts que vous."
C’est ce que j’ai essayé de montrer dans notre histoire. Pourquoi ai-je choisi Jésus ? Parce que Jésus parle à tout le monde et c’est le symbole que je connais. C’est le symbole de l’amour, de la fraternité, du partage et de la lumière de la connaissance. Nous FM parlons de ces mêmes choses. Lors de mon initiation, j’ai juré sur la Bible et je n’ai pas honte de ça non plus ; pourtant, je ne suis pas catholique pratiquant. J’ai choisi Jésus pour montrer que, même si mes personnages étaient parfois négatifs, même s’ils péchaient, même s’il y avait de la violence, le but était d’arriver à cet amour. A la limite, le secret, il est là, dans mon histoire. Tout mon travail a consisté à montrer que l’humain est multiple. Il y a les bons, ceux qui tombent, les traîtres – et il y a beaucoup de traîtres dans mon histoire –, il y a ceux qui doutent, mais peu importe, on avance et on essaie de sauver l’amour.
IT: Peux-tu encore revenir sur votre nouveau projet ?
Didier Convard : Je discutais avec mon éditeur Jacques Glénat qui a eu le courage de publier le Triangle Secret bien qu’il soit catholique pratiquant et très croyant. Un jour, il y a longtemps –
on se connaît depuis quarante ans –, on a mangé ensemble. Notre discussion s’est portée sur Jésus. Lui en tant que catholique, moi avec mes idées. Je lui ai dit : «Tu sais, j’ai écrit une histoire où Jésus n’est pas mort sur la croix.» Il m’a répondu : « Ah non, ce n’est pas possible ! Il faut qu’il soit ressuscité. » Je lui ai dit que symboliquement, c’était mieux s’il n’était pas mort sur la croix mais qu’il était trahi par son frère jumeau. Il a trouvé l’idée passionnante. Je lui ai dit que c’était un roman. Il m’a demandé de lui envoyer le manuscrit. Quelques jours après, il me dit : « J’en ai lu une partie et je suis emballé ; je l’édite ! » Je lui réponds : « Mais tu n’es pas éditeur de romans ! » Il rétorque : « Ah non ! Tu vas faire une adaptation pour une bande dessinée ! » C’est donc né comme ça, le Triangle Secret. J’ai adapté le roman pour en faire une bande dessinée.
Jacques Glénat était passionné par cette histoire et il l’est toujours, vingt ans après. Il me dit alors : « Bon ! On a fini tout le cycle du Triangle Secret, c’est terminé. » Je lui ai dit alors : « On va raconter l’histoire de la Franc-Maçonnerie, on va faire une épopée de la Maçonnerie ! » Il a dit oui !
Cahiers Bleus : Ça va venir jusqu'à nos jours ?
Didier Convard : Ça va venir jusqu'à l’époque contemporaine et à chaque fois, il y a un genre particulier. Le mythe d’Hiram, c’est biblique, c’est comme Ben Hur, les 10 commandements ; je l’ai traité comme ça et Denis aussi ; il a fait quelque chose d’admirable. Ensuite, le Moyen Âge sera traité comme un film sur cette période. Notre époque sera une comédie à la Lubitsch. Ce ne sera d’ailleurs pas tout à fait notre époque, mais les années 60. C’est l’histoire d’un couple dans lequel c’est la femme qui est Franc-Maçonne et qui n’ose pas le dire à son mari. On en fera une comédie à l’américaine. On propose au mari d’entrer en Maçonnerie, mais il ne veut pas le dire à sa femme … 😊 Donc, ils se cachent mutuellement qu’ils sont Francs-Maçons, et comme ils font mystère de quelques occupations vespérales, chacun croit que l’autre le trompe! Pour montrer que la Franc-Maçonnerie peut être quelque chose de joyeux, les deux protagonistes vont se retrouver par hasard en Loge au Droit Humain.
On va donc faire les douze albums (trois par année), et si ça marche, on va ajouter des histoires transversales. Je voulais traiter par exemple les grands noms de la Maçonnerie, ou plutôt ceux qui ont marqué la Maçonnerie.
D.P. : Quel est d’habitude le tirage d’une bande dessinée ?
Didier Convard : Avec le Triangle Secret, on a fait deux millions d’exemplaires. C’est exceptionnel. Jacques Glénat a fait un premier tirage de 25'000, ce qui était déjà un tirage important.
Denis Falque : Il a été épuisé en un mois !
Didier Convard : Dans ces cas-là, tu sais que cela va marcher.
Avant l’interview proprement dite, Didier Convard nous raconte un peu son parcours maçonnique :
« Je suis de la Grande Loge de France et je suis ému, car on fête mon jubilé cette année ! Je réalise que le temps a passé : j’ai été initié il y a 33 ans. Du coup, je fais un bilan ; je pense à tous les Frères qu’il y avait quand j’ai été initié. Beaucoup ont disparu, beaucoup sont maintenant très âgés. En plus, ça fait 33 ans de fidélité : je n’ai pas manqué lors des Tenues. »
Notre F∴ Didier a été initié en 1985 à la Loge parisienne Loi d’Action et Guillaume Tell de la Grande Loge de France; ça ne s’invente pas! Le nom de son Atelier s’explique par des contacts étroits, lors de la Deuxième Guerre mondiale, entre des Frères résistants français et des Frères suisses qui les avaient hébergés et aidés. Auteur célèbre de bandes dessinées depuis 1975, Didier Convard a commencé à parsemer ses textes d’ésotérisme dès les années 1980. (DP)
Né en 1950, Didier Convard débute comme dessinateur et crée plusieurs personnages dont Isabelle Fantouri, animée à quatre mains avec André Juillard. Il crée Cranach de Morganloup avec Jean-Luc Vernal dans Tintin en 1982.
Aux éditions Glénat, il succède à François Bourgeon sur Brunelle et Colin. Il écrit et dessine Les Héritiers du Soleil dans Vécu et Chats dans Circus. Scénariste, il écrit Neige pour Christian Gine dans Tintin puis pour Glénat, Fripounet et Marisette pour Gremet, Mathieu Lamy et Last de nouveau pour Gine, adapte Sherlock Holmes pour Pierre Brochard. En 1995 il publie Editnalta chez Dargaud où il écrit Polka pour Siro et Le Dernier Chapitre pour André Juillard. De retour chez Glénat, il écrit Toussaint pour François Dermaut. Il propose Finkel pour Gine et Rogon Le Leu pour Chabert chez Delcourt.
C'est en 2000 qu'il publie le premier tome de la célèbre série ésotérique composée de sept chapitres Le Triangle Secret que dessinent plusieurs auteurs. La série se vendra à plus de deux millions d’exemplaires. Il poursuit l’exploration des méandres du Triangle Secret, avec I.N.R.I., Hertz et enfin Les Gardiens du Sang, trois séries qui réuniront à nouveau un million de lecteurs. Parallèlement, il écrit également Le Protocole du tueur pour Denis Falque.
On lui doit aussi le magnifique polar historique Vinci, l’Ange brisé pour Gilles Chaillet, Tanâtos pour Jean-Yves Delitte, et lance une nouvelle série d'aventure au charme délicieusement rétro pour Jean-Christophe Thibert : Kaplan & Masson. En 2010, il fait renaître sa série culte Neige sous le trait de Didier Poli et Jean-Baptiste Hostache.
À partir de 2012, Didier Convard signe également avec Éric Adam le scénario d'albums autour du patrimoine historique français : Panthéon, le tombeau des dieux endormis, Le Pendule de Foucault, Versailles, ainsi que Vercingétorix (collection "Ils ont fait l'Histoire"), Marco Polo (collection "Explora").
En 2016, il sort une nouvelle série à succès issue de l’univers du Triangle Secret : Lacrima Christi.
Didier Convard a écrit aussi de nombreux romans, dont certains sont désormais disponibles dans LE LIVRE DE POCHE :
Le Sourire du Fou aux Éditions Glénat. Le Manoir d’Orleur aux Editions Magnard.
Les Trois crimes d’Anubis aux Éditions Magnard. Les Dix Petits Blacks aux Éditions Magnard.
Ce cher Romuald aux Éditions Magnard. Disparition aux Éditions Fayard.
Le Triangle Secret aux Éditions Fayard. Les Cinq Templiers de Jésus aux Editions Fayard.
L’Ange Brisé aux Éditions Fayard. Le Banquet des Damnés aux Éditions Fayard
Collection : Le Dernier Chapitre : La Marée de Saint-Jean : dessins Juillard. L’Aventure Immobile : dessins Juillard. Le Bois aux Licornes : dessins Juillard. Demain sera un autre jour: dessins Juillard.