Selon le Nouveau Testament, la Foi est « la ferme assurance des choses qu'on espère, une démonstration de celles qu'on ne voit pas » (Hébreux 11:1). Une raison de vivre, un guide de vie, en lesquels nous plaçons notre confiance, auxquels nous nous soumettons. L’esprit, lui, est le siège de la raison. Ce qui peut être démontré le séduit, bien qu’il soit aussi ouvert aux mécanismes plus subtils. Les juristes préfèrent ainsi l'esprit des lois à la grossièreté de la lettre ; les alchimistes travaillaient l'esprit de sel, de vin, de souffre. Alors, appréhender le GADLU, question de foi ou d’esprit ?
Le propos de ce travail est de partager une triple intuition qui peut aider à évoluer d’une foi « aveugle » à une foi « éclairée » et ainsi d’en dégager une signification :
1. Intuition que le GADLU n'est pas ce vieux barbu, attachant, qui peuple l'iconographie religieuse ; intuition qu’en maçonnerie, le GADLU représente un principe ordonnateur et non une personne ordonnatrice.
2. Intuition que, sans principe ordonnateur, l’Univers ne serait que chaos et hasard. Or, « Dieu ne joue pas aux dés », et si « le hasard c’est Dieu qui voyage incognito » (A. Einstein), alors rien n'est chaos ou hasard et il y a au contraire, une architecture et une intention sous-jacentes ; architecte vient du grec « Arkhé », le principe, de « Arkhein », commander, et de « Tekton », l'ouvrier. L’Architecte c’est donc : le principe + l'intention + l'action ; une dimension tri-unitaire évocatrice.
3. Intuition que cette architecture et intention transcendantes ne sont pas opposées et au contraire renforcent l’importance de notre libre arbitre pour trouver notre rôle dans le plan d’ensemble, qu’elles œuvrent pour nous guider dans la voie de notre réalisation, du chemin individuel à la carte universelle, de la pierre de base à la Jérusalem céleste.
Voie spirituelle
L'origine du bouddhisme remonte à l'hindouisme, sa philosophie repose sur les Vedas, dont l'idée fondamentale est que la diversité des choses et des événements ne sont que différentes manifestations d'une même réalité, nommée Brahman. Au lieu de Brahman les bouddhistes parlent de Dharmakaya, terme différent mais qui décrit aussi une réalité unique. Le taoïsme s’est développé sur l'hindouisme et le bouddhisme, offrant une voie parallèle vers l'illumination que tout est Tao, une réalité unique presque inconcevable : « Le Tao que l'on peut exprimer n’est pas le tao » (Lao Tseu).
La mythologie hindoue repose sur l'histoire de la création du monde à travers Shiva, le maître de la danse. La légende raconte que la matière était inerte jusqu'à ce que dans la nuit de Brahman, Shiva entame sa danse au milieu d'un anneau de feu. C'est à cet instant que la matière se mit à pulser au rythme de Shiva, dont la ronde transforma la vie en un grand cycle de création et de destruction, de naissance et de mort. C'est au travers de la danse de Shiva que s'accomplissent, notamment, la création de l'univers, sa durée dans l'espace et sa dissolution. Shiva est le chef d’orchestre d’une symphonie universelle mue par une intention transcendante. Le Taoïsme est venu souligner le rôle du mouvement dans la définition de l'essence des choses et l’intuition que l'univers oscille entre le yin et le yang, le féminin et le masculin, les deux faces qui rythment les cycles du mouvement et à travers lesquelles le Tao manifeste son intention. De multiples autres courants spirituels célèbrent le mouvement céleste par la circumambulation, de « circum », autour, et « ambulare », marcher, la pratique religieuse consistant à faire le tour d’un sanctuaire. Les Hébreux la pratiquaient autour de l’autel ; les Arabes la pratiquent autour de la Kaaba, de la Mecque, reprenant en cela un rite préislamique ; les Bouddhistes la pratiquent autour des stûpas ; le prêtre autour de l’autel qu’il encense ; la circumambulation est pratiquée largement en Inde ; en Chine elle l’était par l’Empereur dans son Ming-Tang ; et bien sûr en Maçonnerie.
Plus près de nous, la Bible a éclairé d’autres aspects de cette architecture unique : « Mais tu as tout réglé avec mesure, nombre et poids. Car ta grande puissance est toujours à ton service, et qui peut résister à la force de ton bras ? » (Sagesse, 11-20/21). Plus généralement, les religions du livre ne véhiculent-elles pas une invitation au décodage de l'ordre et de l'intention de l’univers. Torah en hébreu signifie un parcours, une exploration de l'ordre de l'émanation des choses aux origines. Toute la Bible semble orientée vers la démonstration de l'existence d'une intention fondée sur l'alliance entre le divin et l'humain : contrat tacite passé avec Adam ; contrat explicite passé avec Noé après le déluge ; pacte avec Abraham pour lui et ses descendants, promesse de la terre ; entente avec Moïse au sommet du mont Sinaï. Pour de nombreux courants spirituels, occidentaux et orientaux, point de doute : l'univers est fait d’architecture et d’intention. L’univers est œuvre d’architecte.
Démarche scientifique
Le principe d'incertitude d'Heisenberg nous dit qu'on ne peut pas prévoir avec précision le comportement d'une particule bien que nous sachions que ce comportement est déterminé à l'avance. Les théorèmes d'incomplétude de Gödel prouvent qu'on ne peut pas prouver la cohérence d'un système mathématique du fait de sa complexité. La théorie du chaos dit que la complexité du réel est si grande qu'il est impossible de prévoir l'évolution future de l'univers. Toutes les apparences du chaos et du hasard, donc.
Mais, la théorie de la relativité a découvert que l'énergie et la masse sont une même chose dans des états différents. Que l'espace et le temps sont liés. La physique quantique a démontré que la matière est en même temps onde et particule. Preuve ultime que les choses et événements que nous voyons et sentons autour de nous ne sont que les différentes manifestations d'une même réalité. L’expérience Aspect a démontré en 1998 que, dans des conditions déterminées, les particules communiquent automatiquement entres elles, dépassant les contraintes inhérentes à la vitesse de la lumière, prouvant que tout est relié par des fils invisibles. Toutes les choses et tous les événements ne sont que les différents visages d'une même essence supportée par une architecture commune.
Tout oscille suivant un même rythme dans l'univers, le rythme des électrons autour des noyaux, le rythme des oscillations des atomes, le rythme du mouvement des molécules, le rythme de la course des planètes, le rythme auquel bat le cosmos. La lune tourne autour de son axe exactement au même rythme que la terre autour de son orbite, ce qui fait qu'elle nous présente toujours la même face. En tout il y a rythme, et donc, intention.
On a découvert que la structure des atomes, des molécules, des corps, des planètes et des étoiles, n'étaient pas le fruit du hasard ni d'un processus de sélection mais résultaient des valeurs de constantes de la nature : la force de la gravité, la vitesse de la lumière, la vitesse de dilatation de l'univers. etc. Plus d'une vingtaine de paramètres vitaux adhèrent à ce principe. Les propriétés de l'univers telles qu'elles sont configurées sont des conditions indispensables pour permettre la vie. Un grand nombre de paramètres doivent être réglés avec une précision et à un niveau de complexité tel qu’il élimine quasiment mathématiquement la possibilité du hasard. Il y a une intention derrière cette architecture commune.
Et si voie spirituelle et démarche scientifique devaient se rejoindre dans un carrefour œcuménique ? « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre... La terre était informée et vide. Les ténèbres couvraient l'abîme et le souffle de Dieu planait à la surface des eaux. Dieu dit : que la lumière soit. Et la lumière fut. » La création est décrite dans le livre de la Genèse, premier livre de la Torah. « Dieu aurait créé le monde et la vie en six jours, et se serait reposé le septième. » (Wikipédia). Dans les psaumes, le verset 90, dit « mille ans, a tes yeux, sont comme un jour qui passe ». Quand il parle d'un jour, l'ancien testament fait référence à un jour terrestre, mais conformément aux théories de la relativité, plus un objet a de masse plus le passage du temps est lent à sa surface. Les mesures les plus récentes des ondes de lumière primordiales, établissent que le temps initial était un million de millions de fois plus lent mais s'est ensuite accéléré. D'après ces calculs le premier jour biblique dura 8 000 millions d'années, le deuxième 4 000 millions et le troisième 2 000 millions, etc. La somme des six premiers jours donnant 15 000 millions d'années. Une vérification récente de la Nasa aurait établi l'âge de l'univers autour de 14 000 mio d'années…
L'univers a été conçu avec une telle ingéniosité qu'elle dénonce une intelligence, et avec une précision telle qu'elle dénonce une intention. Certains l'appellent Dieu, d'autres Brahman, Dharmakaya, Tao. Pour la science c'est l'univers. Un principe et une intention en action, étymologiquement, la confirmation de l’existence d’une architecture et donc d’un architecte.
Chemin maçonnique
L'ordre maçonnique s'organise en principes, intentions et actions, comme l’univers, comme l’annonçaient les grands mouvements spirituels ou comme le confirment les plus récentes découvertes scientifiques. Les principes, ou rituels, assurent la cohérence dans le temps et perpétuent la tradition. La communauté des intentions assure la cohérence entre maçons et fonde la fraternité. Les actions, rythmées par les mouvements du maître de cérémonie, symbolisent les différents cycles de la vie, de l’univers, la rotation apparente du soleil et de la lune, de la vie et de la mort.
L’intention de l’ordre maçonnique dans son entier est la transmission de la véritable connaissance. Le rituel, ses degrés, les symboles sont autant d’outils visant à apprendre au profane à marcher, s’il le désire, à pousser l'oisillon hors du nid, comme le fut Adam hors de l’Éden ou Moïse hors de l’Égypte. Qu’on se rappelle le nombre de fois que le profane se voit demander de confirmer ses intentions avant d’être reçu. Les principes sont là pour nous aider à découvrir, comprendre et intégrer notre réalité. Comprendre l'architecture et l'intention de cet ensemble dont il aspire à devenir une des pierres, modeste pierre de base ou clé de voûte essentielle, mais une pierre la plus parfaite possible.
En quête de découverte, l’apprenti maçon est cherchant. Il s’efforce de découvrir les plans et les intentions sous-jacentes. Il comprend le danger des métaux. Il prend conscience de la multitude des plans se juxtaposant. Il s’interroge sur la cause et l'intention de chaque plan. En quête de compréhension, le maçon est persévérant, son intention sera de comprendre et donner un sens au Tout. « Le hasard n'est que la mesure de notre ignorance » (Henri Poincaré). La croyance en le « tout hasard » assume l'absolue indétermination des choses. Le déterminisme assume au contraire la détermination systématique. La réalité est probablement entre les deux et le maçon persévérant s’ouvre aux implications d'un tout où tout est interdépendant, tout interagit avec tout, tout est dans tout et, cause et effet de tout. Enfin, à la recherche de solutions, le maçon est souffrant, et aspirera à s’intégrer, insérer pleinement, continûment, l’existence humaine dans le plan d’ensemble. Chercher sans relâche comment intégrer son existence dans le tout. Ce qu’ailleurs on appellerait le Petit Véhicule. Chercher pour aider l'autre dans sa propre recherche de finalité et d'intégration. Ce que les peuples des pays qu'arrosent le Gange et l'Indus appellent, le Grand Véhicule.
Cherchant, persévérant, souffrant, chaque pas sera un apprentissage et chacun portera sa propre intention, sa propre graine. « C'est le cheminement qui trace le chemin et celui-ci s'invente et s'efface à chaque pas » (Marc Halévy). Le maçon entreprend ce cheminement sous les auspices du GADLU, la prière même d’ouverture du rituel en affirme le rôle transcendant et universel : « Être éternel et infini, qui es la bonté, la justice et la vérité même, ô toi qui par ta parole toute puissante et invincible as donné l’être à tout ce qui existe ».
Conclusion provisoire
L’Encyclopédie Larousse définit une conviction comme un « principe, idée qui a un caractère fondamental pour quelqu'un ». Partager des convictions sur ce que représente le GADLU reviendrait à énoncer des certitudes ou « à utiliser des termes humains pour parler d'une entité qui ne l'est pas ». Mais une intuition n’est pas une conviction ; une intuition est, toujours selon Larousse, « un sentiment irraisonné, non vérifiable que quelque chose existe ».
L’objectif de ce travail était de substancier cette intuition que le GADLU représente un principe créateur, dynamique par excellence, organisateur de l'Univers, mais qu’aucun dogme ne s'y rattache.
Intuition qu’il symbolise la foi du Maçon dans la totale liberté de conscience, et se place tout naturellement dans le cadre de l’initiation sur le plan idéal transcendant le chaos, exaltant les valeurs spirituelles les plus hautes, valorisant notre libre arbitre et nous offrant un véhicule pour progresser du mieux possible le long de notre propre itinéraire.
Intuition, enfin, que le GADLU n’a cependant pas « joué aux dés » (op. cit.), qu’il a pris ses précautions contre ce libre arbitre qui peut-être si destructeur, et nous a donné le don d’aimer. Ce don par qui tout arrive, par qui tout se peut. Don d’harmonie que nous appelons de nos vœux lors de chaque tenue en priant le GADLU « d’accorder à notre zèle un succès heureux, afin que le temple que nous avons entrepris d’élever pour sa gloire, fondé sur la sagesse, décoré par la beauté et soutenu par la force, qui viennent de lui, soit un séjour de paix et d’union fraternelle, un asile pour la vertu, un rempart impénétrable au vice, et le sanctuaire de la vérité ; pour que nous puissions tous y trouver le vrai bonheur, dont il est l’unique source, comme il en est le terme à jamais ».
28/04/2016
F. Bru.Vil.