Je vais aborder ici une question d’actualité qui fait l’objet de toutes sortes de commentaires de de conférences, qui semble préoccuper un large public sans forcément savoir ce que l’on entend par ce thème, la trans - humanité.
Tout le monde y va de sa théorie, de ses fantasmes, de ses rêves utopiques ou non.
Il est vrai que le monde technologique où nous vivons nous apporte quotidiennement des informations de tout acabit, dans tous les domaines qui touchent à notre vie, ajoutant au trouble une confusion certaine.
Nous entendons parler par exemple du fameux GAFA, acronyme désignant les quatre géants américains de l’Internet fixe et mobile que sont Google, Apple, Facebook et Amazon auquel on ajoute actuellement Microsoft pour donner GAFAM, géants qui s’emparent non seulement d’Internet avec le commerce en ligne, la publicité, les informations et les messageries, mais envahit maintenant les laboratoires de technologies qu’elles soient qualifiées de bio ou de nano.
Tout cela donne le vertige car nous avons l’impression d’être constamment dépassé par les nouveautés quotidiennes annoncées. On entend parler de surhomme, de cerveaux connectés, de prolongement de durée de la vie voire de l’immortalité, d’organismes génétiquement modifiés, d’aliments transgéniques, etc.
Les développements technologiques auxquels on assiste apportent certes leur lot d’améliorations, par exemple en médecine, apportant une aide réelle aux personnes traumatisées ou handicapées en rétablissant dans une certaine mesure la perte d’un sens, ouïe, vue, ou en redonnant de la mobilité. La chirurgie moderne permet de remplacer un organe défectueux par la greffe de « pièces détachées » ou par la réparation de mutilations graves autrefois sanctionnées par des amputations pures et simples.
Tous ces progrès ont pour base l’aide nécessaire dans l’amélioration et le soulagement des souffrances subies par des personnes malades ou handicapées. Mais avec le temps apportent aux personnes qui en ont les moyens de transformer leur quotidien.
La chirurgie esthétique au départ a été développée pour réparer les « gueules cassées » de la guerre 14-18, mais aujourd'hui on y a recours pour « améliorer » notre aspect physique non assumé, pour être plus conforme à l’image que l’on veut donner de soi, pour gommer les outrages du vieillissement.
Les manipulations permettront de modifier le code génétique de personnes qui sont détectées porteuses de maladies génétiques ou si ce n’est pas déjà le cas la sélection d’êtres humains avec des dispositions supérieures à la moyenne.
La diffusion du code génétique de chacun réclamée par certains milieux fait l’objet de pressions des assurances ou des employeurs pour choisir des clients ou collaborateurs sélectionnés pour leur moindre risque de coûts.
On cherche à stimuler des régions du cerveau pour occulter un certain mal de vivre ou pour « doper» le courage de soldats au combat, sans parler du dopage toujours plus performant de sportifs voire de monsieur ou madame tout le monde pour résister au fameux burn-out induit par les obligations de performances dans les entreprises.
La liste est longue des domaines affectés par ces progrès et c’est à qui contrôlera ces marchés avant les autres.
D’autres applications tendent à gommer les incertitudes sur l’avenir :
Prévisions météorologiques à toujours plus long terme, prévisions sur l’évolution des marchés, sur la bourse, sur le résultat d’élections ou de votations par des sondages.
On développe maintenant des algorithmes pour prévoir le risque que des crimes soient perpétrés dans certains quartiers afin de préparer des surveillances policières préventives ciblées.
Les moyens modernes de paiement permettent de connaître vos habitudes alimentaires, vos préférences de lectures, vos destinations de voyage, les sociétés ou partis politiques dont vous êtes membres.
Toutes vos consultations de pages internet sont pistées, vos messages répertoriés, tout est disponible pour les hébergeurs et ces informations sont parfois revendues.
Beaucoup de gens s’inquiètent lorsque l’on parle de toutes ces possibilités. Ils sont heureux de suivre les conseils diffusés sur Internet, sur leurs smartphones ou de recevoir des médicaments toujours plus performants, mais lorsque l’on parle de surhommes à venir, la réaction est souvent de dire, je serai mort avant de voir arriver ça.
Une personne disait que ce qu’elle craignait le plus dans la vieillesse c’est de ne plus avoir aucun poids, de se voir transformer en vieillard nostalgique incapable de comprendre le monde qui l’entoure ou d’y contribuer vraiment. D’avoir le sentiment que dans un tel monde notre identité, nos rêves et nos peurs soient dissoutes.
Avons-nous la moindre idée de ce que sera le monde dans 20 ans ?
Depuis combien de temps vous et moi utilisons Internet ? 20 ans, 25 ans ? Comment faisions-nous avant ?
Qui n’a pas son smartphone, sa tablette ?
Comment effectuerons-nous nos achats dans le futur, avec des monnaies virtuelles, bitcoins ou autre qui déjà aujourd’hui sont cotées en bourse ?
Que deviendront nos démocraties quand Google et Facebook connaîtront nos goûts et nos préférences politiques mieux que nous-mêmes ?
Qu'adviendra-t-il de l'Etat providence lorsque nous, les humains, serons évincés du marché de l'emploi par des ordinateurs plus performants ? Quelle utilisation certaines religions feront - elles de la manipulation génétique ?
Il n’est pas si éloigné de nous le temps où les religions du livre nous culpabilisaient et considéraient la connaissance comme la cause de la chute originelle. Je cite pour mémoire une partie du récit de la Genèse traitant cette question:
Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance. Qu’il soit le maître des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, des bestiaux, de toutes les bêtes sauvages, et de toutes les bestioles qui vont et viennent sur la terre. »Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme. Dieu les bénit et leur dit : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre. » Dieu dit encore : « Je vous donne toute plante qui porte sa semence sur toute la surface de la terre, et tout arbre dont le fruit porte sa semence : telle sera votre nourriture.
Jusque là l’homme a été très obéissant, jusqu'à l’excès.
Plus loin Dieu dit à Adam:
« Tu peux manger les fruits de tous les arbres du jardin; mais l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas ; car, le jour où tu en mangeras, tu mourras. »
Plus loin … Le serpent dit à la femme : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas !
Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. »
La femme s’aperçut que le fruit de l’arbre devait être savoureux, qu’il était agréable à regarder et qu’il était désirable, cet arbre, puisqu’il donnait l’intelligence.
Plus loin encore…Puis le Seigneur Dieu déclara : « Voilà que l’homme est devenu comme l’un de nous par la connaissance du bien et du mal ! Maintenant, ne permettons pas qu’il avance la main, qu’il cueille aussi le fruit de l’arbre de vie, qu’il en mange et vive éternellement ! »
La bible nous présente ces événements comme la cause de la chute à la raison de la perte du paradis perdu.
L’être a bouleversé les écosystèmes de la planète, plus que toutes les catastrophes naturelles. Déforestations massives, désertifications de régions entières, pillage des ressources naturelles. A ce sujet certains spécialistes nous déclarent que la terre vit “à crédit” plus de quatre mois par an.
Est-ce inéluctable?
Comment réagissons-nous? L’utopique idée de la conquête d’autres planètes pour servir de refuge à des personnes disposant des moyens nécessaires commence à faire son chemin, mais pas celle qui consiste à vivre de manière plus respectueuse de nos ressources.
Utiliserons-nous notre situation d’Homo Deus pour réinventer un monde non pas plus riche de biens mais où la priorité sera le bonheur de tous?
A mon sens, l’urgence réside dans le retour à plus de raison, à réfléchir à nos modes de fonctionnement et de consommation, à remettre l’homme au milieu du village non comme un dieu mais comme un être qui utilise son intelligence pour sauvegarder ce qui le distingue des autres êtres qui peuplent notre terre, c’est à dire qui a la faculté de penser l’avenir.
La marche du monde nous semble inéluctablement déréglée et dominée par des technologies qui nous dépassent. Mais l’espoir réside certainement dans la faculté de réaction que nous pouvons tous utiliser à notre échelle. Toutes les révolutions ont au départ été le fait d’individus qui n’ont pas accepté de se laisser dominer par ce qui leur était proposé.
La lecture de deux ouvrages dont je vous recommande la lecture m’a inspiré la réflexion de ce midi.
Dans ce livre l’auteur fustige, en fin connaisseur des misères dans lesquelles une part très importante de l’humanité est plongée par les politiques industrielles et commerciales agressives. Il nous propose des actions au niveau de chacun d’entre nous, par notamment les réseaux sociaux, en dénonçant l’hypocrisie des dirigeants de notre monde. Il est convaincu, preuve à l’appui, qu’en générant un sentiment de honte chez des hommes hauts placés, une action de recul est possible pour faire changer des orientations qui paraissent inéluctables.
Le second livre de Yuval Noah Harari : Homo Deus a inspiré le titre de ma planche.
L’auteur décrit en long et en large les avancées technologiques qui marqueront notre avenir à tous. Pour lui, les problèmes sociaux d’aujourd’hui sont dûs à des facteurs techniques que nous pourrions résoudre si la volonté était là, mais qu’un grand nombre de chercheurs se concentrent plus sur les futures technologies qui représentent un marché important et surtout permettent à ceux qui en détiennent les clés, dans le but de rester les maîtres de la situation. Homme en démiurge reste une fascination importante et demeure un puissant moteur de développement.
Ce n’est pas une conclusion que je vous apporte ce soir, mais peut-être une incitation à prolonger notre réflexion.
La franc-maçonnerie du siècle des lumières doit encore être aujourd'hui une force de proposition par la réflexion et l’action de chacun des ses membres, mais nous avons de la peine à faire entendre la voie de la sagesse au milieu du vacarme de notre époque.
Sommes-nous encore capable d’être ce laboratoire d’idées qui a marqué les lumières?
Un F:.M:. de Carpe Diem
Planche présentée en Tenue au grade d’apprenti du 8 mars 2018