Quel angle trouver ? Le sujet est tellement vaste que je ne pourrai satisfaire tous mes Frères. Comment dire à mon Parrain que je l’ai bien entendu lorsqu’il m’a dit que le rituel commençait pour lui bien avant d’arriver au temple, par le fait même de se préparer à s’y rendre ? Comment parler des outils si chers à notre V:.M:.?
La Franc-maçonnerie s’est fixé deux objectifs : améliorer à la fois l’Homme et la Société. Les enjeux sociétaux sont ceux qui me préoccupent aujourd’hui. Faire le lien entre la force des rituels et l’approche progressive d’amélioration de la Société m’est donc d’emblée apparu comme une évidence.
Mais moi dans tout cela ? comment faire le lien entre les rituels et moi ? en quoi m’ont-ils aidé à m’améliorer et à mieux me connaître ? Je sais que vous m’attendez sur ce sujet. Mais encore aujourd’hui, je doute de mes réponses.
Ma planche s’articulera autour des thèmes suivants :
- Les rituels dans le temps, les régions du monde et les religions
- Les rituels et la F:.M:.
- Les rituels et la Société
- Les rituels et moi
Les rituels dans le temps, les régions du monde et les religions
Pour moi, un rituel est la mise en scène d’un rite. C’est dans le rituel que l’on opère et matérialise nos idéaux, notre éthique, notre morale, nos outils et nos symboles. C’est donc par les rituels que nous entrevoyons le rite.
Quel que soit le rituel (initiation, parrainage, funèbre, ordinaire), tout mot, tout énoncé, tout geste y a son importance. Chacun me semble nécessaire et suffisant. C’est pourquoi je n’en sortirai pas un plus qu’un autre de son contexte. Je ne vais pas me lancer dans une analyse de chaque partie de tel ou tel rituel. Tout y raconte notre idéal de perfection et notre désir de concorde universelle.
En quoi les rituels sont-ils forts ? Précisément parce que ces idéaux le sont.
Selon moi, parce qu’ils puisent à nos plus anciennes traditions et pratiques que nous nous transmettons.
Je veux parler d’un temps bien avant la création de la Franc-maçonnerie, bien avant les religions. Un temps où nous vivions à l’état vrai et naturel. Le temps de l’animal et de la mère-terre. Le temps de l’eau, du feu et du vent.
Le temps de la terre dont nous sommes tous issus et à laquelle nous retournons, êtres humains mais aussi tout être vivant, végétal ou minéral, conscient ou inconscient, tous vivant en communion et dépendant les uns des autres.
Les rituels sont forts, car ils nous rappellent d’où nous venons et où nous allons, ils relient ce qui est épars à travers les âges, à travers les régions du monde, à travers les religions.
Ainsi, si je pense au rituel d’initiation par exemple, et plus précisément au cabinet de réflexion, je ne peux m’empêcher de penser à la Caverne de Platon.
Dans cette allégorie, les hommes vivent enchaînés en bas d’un escalier, face au mur, tournant le dos à la lumière ; ils ne voient sur les murs que des ombres, c’est-à-dire une illusion. Cette caverne a 2’500 ans. Elle nous parle de la Vérité, de la vraie Lumière, de l’accès à la connaissance et de sa transmission. Est-ce un hasard si le cabinet de réflexion m’y fait penser? Si la F:.M:. est philosophique, il ne peut pas être un hasard qu’elle puise à la sagesse des premiers d’entre eux.
Et eux-mêmes, quelle sagesse, quelle vérité voulaient-ils transmettre il y a 2'500 ans, à l’époque Axiale, par le biais de cette allégorie ? ne voulaient-ils pas faire référence à un état de l’Homme et du monde plus ancien encore dont ils étaient, de fait, plus proche que nous ? En perpétuant leurs réflexions, nos rituels ne sont-ils pas en train de nous faire remonter le temps vers un état primal qui serait la seule vérité, déshabillée de 25 siècles d’empilement de croyances et constructions mentales ?
Comme en archéologie, les rituels nous permettent de creuser dans la terre au travers des couches de sédiments.
Ainsi, osons parler religion. Dans notre rite français très laïc, un geste m’a d’emblée rappelé quelque chose : comment ne pas rapprocher la chaîne d’union de la poignée de main échangée en signe de paix et d’amitié à la fin d’une messe catholique ?
Dans le très beau rituel de parrainage auquel j’ai pu assister à la R:.L:. Le Labyrinthe, j'ai été marqué par l'apparition du pain dans le rituel. Comment là encore ne pas penser à Jésus rompant son pain dans la dernière Cène ? Tient la Cène, aurait-elle un lien avec nos agapes ? Et que dire du temple, du rituel d’ouverture et de fermeture qui encadre la planche d’un orateur ? ne valent-ils pas bien d’autres cérémonies religieuses ?
Cela signifierait que de récit en récit, de rituel en rituel, nous propageons une même parole millénaire.
J’aimerais ici citer Antoni Gaudí :
Les rituels ont également le pouvoir de nous fédérer autour d’un récit collectif.
Yuval Harari nous a expliqué dans son livre Sapiens que l’Homme a surpassé toutes les autres espèces en coopérant grâce à des récits qui ne sont pourtant que des fictions (tel l’Etat, la monnaie, les religions, etc.), parfois pour le pire (les guerres au nom de Dieu, de la Nation ou du suprématisme de telle ou telle race), parfois pour le meilleur (la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme).
Les rituels et la Franc-Maçonnerie
Je dois à ce stade parler plus précisément de ce qui m’interpelle dans nos rituels maç:., de ce que je juge fort ou, au contraire, faible.
Je n’aurais pas pu écrire ces lignes de la même manière il y a un an. Depuis, je suis allé passer mes semaines de travail à Paris. Plusieurs fois, ces voyages m’ont empêché d’être parmi vous.
La force des rituels m’est alors apparue comme une évidence : ils me manquaient. Vous me manquiez. Tout simplement.
La force de nos rituels est qu’ils brillent aussi dans l’ombre de leur absence. Lorsque je ne me rends pas en loge, lorsque j’observe des débats désordonnés au travail où personne ne s’écoute, ou des débats stériles dans les médias où l’on s’invective et se coupe la parole pour défendre « sa » vérité, dans tous ces moments, nos rituels et notre méthode me manquent. Les débats autour de nos aspirations me manquent.
Lors de mon passage sous le bandeau, je vous ai dit qu’une des raisons qui me faisaient vouloir rejoindre la F:.M:. était que je voulais pouvoir aller n’importe où dans le monde et me retrouver avec des Frères qui partagent les mêmes idéaux et avec lesquels je me sentirais immédiatement en harmonie.
Commençons donc par Paris. J’ai demandé à mon très cher parrain de bien vouloir m’introduire auprès de loges parisiennes.
J’y ai voyagé chez nos FF:. du G.O.D.F. J’y ai visité les temples aux multiples décors, du moderne noir et blanc, à l’antique rouge pourpre avec la dénomination des arts libéraux en guise de frise, j’y ai découvert d’autres rituels, y compris le rituel du défilé de centaines de Frères et Sœurs du 1er mai au Père Lachaise, car il s’agissait bien d’un rituel, avec ses récits, ses arrêts symboliques, ses chants, ses orateurs.
A chaque fois, alors que j’étais loin de ma famille et dans un environnement professionnel sans grande hauteur de vue, je ressentais une grande émotion à l’idée de me rendre dans un atelier et, pour tout dire, une certaine fierté de pouvoir bénéficier et contribuer à cette sacralisation du temps et de la pensée.
C’est aussi là que j’y ai lu en bas du grand escalier menant aux temples cette inscription de Saint-Exupéry, qui pourtant n’était pas maçon.
Puisque l’on parle de force, je me dois aussi de parler de faiblesse.
J’ai été frappé par un rituel en particulier. Celui de la V:.L:. La Cl:. A:. à l’O:. de Paris qui en ce jour où je les visitais avait décidé de travailler au rite écossais ancien et accepté qu’ils pratiquaient il y a plus de deux siècles lors de leur fondation.
Nul doute que la répétition aidant, je finirais en assistant à ce rituel par les retenir toutes. Car voilà bien une autre force des rituels : notre assiduité et la répétition nous permettent de nous imprégner des idéaux, symboles et outils.
Si, donc, je ne devais dire qu’un mot à propos de la faiblesse de notre rituel que nous pratiquons dans notre atelier, ce serait son dépouillement.
En tant qu’apprenti, j’apprécie de pouvoir assister à des rituels plus chargés en symboles, car ils m’invitent davantage à la réflexion et l’introspection.
Et je me demande pourquoi notre rite Gr:., que nous pratiquons, est si dépouillé. Je comprendrais, à la rigueur, que les FF:. qui ont acquis davantage de connaissances peuvent se contenter de l’invisible et de l’indicible, mais n’est-ce pas priver les apprentis d’anciennes sagesses que les leur cacher ? N’y a-t-il pas pire risque encore à les oublier et les perdre à jamais ?
A moins que ce soit justement prévu à dessein ? A moins que ces vérités risquent de nous éblouir à notre âge, comme la lumière éblouit les prisonniers qui sortent de la caverne de Platon ? Qui sait ce qui m’attend dans les tenues d’un autre grade ?
De nouveau le doute. Qu’il doit être plus aisé de vivre de certitudes.
Les rituels et la société
La Franc Maçonnerie travaille au perfectionnement de l’Homme ET de la Société.
Cela aussi me fait penser à Platon et Socrate :
L’homme ne peut pas être plus juste
que la société dans laquelle il vit.
Depuis que vous m’avez initié, c’est le développement de la Société qui occupe mon esprit, car cela coïncide avec une rupture professionnelle dans ma vie qui m’a amené à remettre un certain nombre de croyances en perspective.
Trois croyances pour être précis.
A commencer par l’adoption quasi générale de la religion du néolibéralisme désétatisé qui nous promet le bonheur par la seule grâce de la main invisible du marché décrite par Adam Smith. Car il s’agit bien d’une religion, en ce que chacun y croit et s’y plie, en toute confiance, sans aucune preuve que ce soit la bonne voie à suivre.
Cette foi repose donc par principe sur l'individualisme. Et si la main du marché est invisible, elle est aussi aveugle et dépourvue de boussole éthique. On ne peut poser un cierge sur l’autel du laisser-faire du marché en espérant béatement que tout se passe bien. La preuve en est les dégâts environnementaux et la crise financière de 1929 puis de 2007-2008.
Si nous sommes totalement laïcs, notre devoir n’est-il pas aussi de prendre du recul par rapport à cette religion-là ?
La deuxième remise en question est une conséquence directe de la première. La religion du libre marché a interconnecté les Etats et les peuples entre eux ; elle a substitué la paix à la guerre par le truchement du commerce, puisqu’il faut bien être en vie, en bonne santé et en bonne relation pour commercer. Elle a donc sans nul doute contribué à créer une certaine forme d’union.
Le commerce, l’économie et la finance sont-ils des outils qui servent un plus grand dessein humaniste ou sont-ils une fin en soi ?
Livrées au marché, tout se passe plutôt comme si nos sociétés étaient en pilotage automatique, guidées par une main invisible. Je crains que nous ne vivions dans une forme d'autocratie. Mais cette autocratie-là est redoutable, car elle ne repose pas sur un individu identifiable que l'on peut à la rigueur destituer, mais sur des rouages insaisissables.
Le concepteur de la main invisible, Adam Smith, l’auteur de la Richesse des Nations, mais aussi de la Théorie des sentiments moraux, n’a jamais voulu cela.
C’est une chose de vouloir l’Union, c’en est une autre de s’interroger en permanence sur sa gouvernance et déterminer comment exercer la Démocratie dans un ensemble en expansion.
La réponse a été là encore de s’en remettre à la loi du marché libre qui peut s’exprimer en ces termes : le consommateur et l’électeur savent ce qu’ils veulent, ne sont soumis à aucune manipulation et, en toute transparence et liberté, exercent leur jugement de manière éclairée.
Cette foi paraît naïve tant elle ignore notamment le poids des lobbyistes auprès des législateurs, les liens étroits entre pouvoirs économiques et politiques, les méthodes de captation de l’attention, la création de récits et croyances pour manipuler l’électeur (par exemple les fake news, avatar de l’antique propagande) et le consommateur (c’est le but de la publicité et du marketing).
Le Brexit est un bon exemple de désinformation des votants. La manipulation des masses a toujours existé depuis bien avant les jeux de Rome; Internet ne permet que de « l’optimiser ».
Ma première remise en question concernait le néolibéralisme et son principe individualiste, la deuxième la soumission de l’Etat au marché et la manipulation de la démocratie. On peut tracer un trait à la règle qui relie directement ces deux sujets à la crise de 2007-2008, puis à sa conséquence directe 10 ans plus tard qui fonde ma troisième remise en question.
Mon entrée en maçonnerie correspond ainsi au Brexit, au délitement de l’Union Européenne et à l’avènement de Trump et de ses avatars nationalistes populistes en Hongrie, en Italie, au Brésil.
Suivant leur guide spirituel que personne n’ose remettre à sa place, comme le feu suit une trace d’essence, leur parole à eux aussi se libère, désinhibe leurs supporters et semble être devenue la nouvelle « normalité ». Les propos racistes et les paroles haineuses flambent, semant la violence et la mort.
Les digues de l’inacceptable tombent une à une. Pour reprendre Bertolt Brecht :
« Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde »
Espérant retrouver la sécurité dans l’illusion de la gloire passée de leur nation et de frontières de papier, comme d’autres se sont tournés vers la loi séculaire d’une religion, les nationalistes populistes se répandent sur le terreau fertile des inégalités et des minorités ignorées ; ils sont une conséquence directe de la crise financière et d’un échec de gouvernance démocratique, tout comme les nazis après la crise de 1929. Mêmes causes, mêmes effets. Non seulement ils incitent au repli nationaliste et identitaire, mais ils se justifient par la création d’un coupable étranger, nient la concorde universelle, rejettent la science, rétablissent la loi du plus fort, foulent au pied les accords internationaux et quittent deux institutions hautement symboliques de l’ONU, le Conseil des Droits de l’Homme et l’Unesco. La science, la culture et les Droits de l’Homme, rien que cela.
Bref, ils nient tout ce que nous sommes et ce que nous construisons patiemment. Troisième prise de conscience : la raison, les Droits de l’Homme et l’Union peuvent être comme la flèche de Notre-Dame, mettre des siècles à s’élever et s’effondrer en quelques secondes.
Néolibéralisme individualiste, manipulation de la Démocratie, nationalisme populiste : trois sujets intimement liés. D’où une question : jusqu’à quel point faut-il être patient si le prix à payer du temps long est de brusques retours arrière, voire le risque de tout voir s’effondrer ? Où étions-nous pour tempérer un dogme qui nous a entraînés où nous en sommes aujourd’hui? Notre long, très long (trop long ?) chemin depuis 2’500 ans est-il satisfaisant ? Deux pas en avant, un pas ou plus en arrière, quel temps perdu depuis Socrate. Ne vaudrait-il pas mieux aller toujours d’un seul pas prudent en avant, ou légèrement sur le côté ?
Peut-être irions-nous moins vite, mais nous arriverions ensemble.
Est-ce la F:.M:.et ses rituels qui m’ont incité à réfléchir sur ces sujets et à regarder par-delà le voile d’ignorance ?
Un processus alchimique s’est-il déclenché en moi pour voir le monde sous un autre jour, ou plutôt tel qu’il est et non pas comme on voudrait que nous le voyions ?
Je ne saurais le dire, mais il ne fait aucun doute que les rituels y ont contribué tant je me sens proche des idéaux républicains et de l’idée que nous maç:. devrions être une vigie de la République, non seulement en préservant les acquis que nous avons contribué à bâtir, mais aussi et surtout en continuant à bâtir la République selon les enjeux de notre temps, au premier rang desquels figurent l’environnement et les progrès technologiques, en particulier les biotechnologies et la robotique couplée à l’Intelligence Artificielle.
Bergson, déjà il y a un siècle, écrivait, je cite, qu’Homo Faber avait surpassé Homo Sapiens ; il a puisé dans les ressources naturelles pour se doter d’une force démesurée, beaucoup plus grande que son âme qui est restée pareille à elle-même, trop petite pour remplir ce grand corps, trop faible pour le diriger, créant un vide très déstabilisant, source des désordres sociaux, politiques, internationaux actuels. Le corps agrandi attend un supplément d’âme pour combler ce vide.
C’était il y a un siècle. Qu’est-ce qui a changé ?
N’est-ce pas à nous de contribuer à créer un nouveau récit collectif en puisant dans la force de nos rituels ?
Car si nous ne le faisons pas, comme nos illustres aînés, si nous ne nous levons pas pour faire entendre notre voix, alors pourquoi et comment la F:.M:. pourrait-elle continuer à rayonner et à attirer ?
La F:.M:. est née à une époque où on ne bénéficiait pas comme aujourd’hui de l’accès par tous à l’éducation et à la culture, nous ne vivions pas en démocratie, nous ne pouvions pas faire appel à des psychologues et coachs en développement personnel...
Aujourd’hui, nous sommes concurrencés. Élever l’Homme n’est plus l’apanage de la F:.M:.
Élever la Société, en revanche, devrait toujours le rester.
Nos rituels, et c’est là une autre de leurs forces, à savoir la méthode, nous permettent de débattre en toute sérénité dans une enceinte sacrée.
Notre rituel et notre approche ternaire tempèrent le dogmatisme qui voudrait qu’on ne privilégie que la liberté ou que la justice et l’égalité, car nous recherchons l’équilibre.
Le plus de liberté possible, autant d’Etat que nécessaire (comme je l’ai lu au musée du GODF)
Mais cet équilibre est en mouvement perpétuel. La démocratie est par essence fragile et en évolution. Notre vigilance et notre esprit de bâtisseur devraient donc être constants. Me saisissant de ma règle et de mon compas, je m’étais risqué à démontrer par la géométrie que la Fraternité nous permet d’obtenir le maximum de Liberté et d’Egalité à la fois. Fort bien, mais comment transformer une vision éthique en Société ?
De nos débats ritualisés naîtront nos contributions sociétales qui solidifieront notre héritage, susciteront l’admiration et attireront de nouveaux maillons.
Comme le disait l’orateur d’une tenue sur l’Europe à l’O:. de Lausanne : le bruit des pantoufles peut être plus assourdissant que celui des bottes.
Ou comme l’écrivait Edmund Burke :
Pour triompher, le mal n’a besoin que de l’inaction des gens de biens.
Dans quelles circonstances, à quelles fins et de quelle manière devons-nous symboliquement tirer nos épées et jeter le fourreau ?
Continuer à bâtir la République. A toute heure, soyons prêts à la défendre.
Voilà donc une autre force des rituels que de nous rappeler nos obligations et nos devoirs, envers la Société, envers nos FF:. et envers nous-mêmes.
Les rituels et moi
Voilà venue la conclusion de cette planche. J’ai d’abord évoqué les rituels en ce qu’ils puisent à notre passé et nous permettent de remonter à des vérités millénaires et à notre état naturel. Puis j’ai parlé des mots et idéaux des rituels maçonniques qui me réconfortent tout en m’enrichissant. Puis de rituel et de développement de la Société, car la maçonnerie possède une méthode à nul autre pareil pour débattre, développer des idées et propager un nouveau récit collectif, pour autant qu’elle ne se repose pas sur ses lauriers et reste une vigie de la République.
Et si on parlait de moi ? Je crois en fait en avoir déjà beaucoup dit.
Quel dernier effet a eu les rituels sur moi ? Ont-ils changé mon comportement ? M’ont-ils changé ? Qu’est-ce que j’en attends ?
Changé, je ne crois pas. Contribué à me révéler et me réveiller, à pousser le voile d’ignorance, très probablement. Tout comme ma femme et sa culture empreinte de l’authenticité des peuples originaires d’Amérique du Sud en communion avec la mère-terre.
Je ne perçois pas encore la Vérité, mais je commence à discerner les écrans de fumée et les filtres qui m’en séparent.
Agir, certes, mais pas seul. Car il me faut ici parler de ce qui nous rassemble : nos rituels, tous à la fois identiques et différents, la chaîne d’union, que l’on croise les bras ou non, les agapes, tout me rappelle que nous sommes tous frères et partageons le même idéal, quelle que soit la couleur de notre tablier.
Nos rituels créent de l’humilité, du lien et du collectif.
Au-delà même de la F:.M:., j’ai ressenti plus encore que les personnes que je croise dans la rue, au supermarché et au travail, sont mes frères et sœurs et que je dois encore et davantage pratiquer la tolérance et le geste fraternel. Je ne suis pas encore parfait, mais je suis au moins conscient.
Peut-être au fond est-ce là le seul but. Si nos rituels nous permettent de revenir à notre état naturel, nous y constaterons que notre objectif en tant qu’espèce a toujours été de survivre, de s’aimer et de s'élever. Nous avons gagné de nombreux combats pour la survie, de sorte que nous pouvons nous consacrer à nous aimer et nous élever.
Mais il me semble que depuis des millénaires et la savane africaine, l’humanité est divisée entre ceux qui croient en la loi du plus fort et ceux qui croient en la force de l’Union. Les valeurs des premiers et des seconds étant transmises de génération en génération par les parents, je me demande si la proportion a vraiment évolué au fil du temps et si l’exemple de nos qualités a la capacité de transformer les uns en les autres. Ce serait pourtant le véritable indicateur de progrès. En ce moment, j’en doute, à en juger par la facilité avec laquelle on peut réveiller et légitimer les bas instincts que nous avions tenté d’enfouir dans les cachots de l’Histoire.
J’ai dit.
Jean-Charles, App:.de la R:.L:.Mozart et Voltaire O:. de Genève, le 27 septembre 6019