Personne.
Tout au début de la pandémie, j’ai vu confirmé ce que je pense depuis toujours. Que rien n’est jamais acquis, que rien n’est stable, que la sécurité est un leurre. Que tout change, se transforme, se fait et se défait. Qu’il n’y a qu’une seule chose qui est certaine avec notre naissance, c’est notre mort. Ce qui est entre deux, notre vie en somme, est une chose balayée par le hasard des circonstances. Dépendant du pays où nous sommes nés, de nos géniteurs, de la politique, de nos gènes, des moyens dont nous pouvons disposer ou pas.
L’espoir, la force, l’ingéniosité, la ténacité, l’intelligence sont là, bien entendu. Elles aussi peuvent s’écrouler tout comme leurs contraires, simplement parce que c’est le temps qui change, parce que ce que l’on sait n’est plus demandé mais autre chose, à laquelle personne n’est préparé.
Malgré tout cela, la vie est une chose puissante. Rien ne devrait nous empêcher, envers et contre tous, de rendre viable ce bout de temps court qui est notre vie entre le début et la fin.
La tourmente que nous vivons actuellement dépoussière et profile cependant bien des choses que beaucoup d’entre nous avons oubliés.
Par exemple que nous avons besoin des autres. Que l’indépendance et la liberté sont merveilleux, mais difficile voir presque impossible de vivre pendant longtemps en tant que tel.
Je ne sais pas, même si je l’espère, si après cette tornade du Corona Virus nous arriverons d’en tirer une ou plusieurs leçons.
- De faire attention, de chérir et de protéger mieux notre nature. Nous avons besoin d’elle car elle est la seule qui nous nourrit.
- De ne pas oublier que nous avons besoin les uns des autres, de tous les autres, des humbles comme des exceptionnels. Peu de nous supportent la solitude pendant longtemps. Essayons de construire des ponts entre nous et n’oublions pas de les entretenir.
- Essayer d’obtenir de nos Gouvernements de régulariser humainement cette folie de la « Mondialisation ». Pourquoi pas inventer une nouvelle « Mondialisation » ? Plus humaine, plus près des exigences de la nature, moins basés sur la domination du profit ? Nous pourrions corriger les erreurs tout en mettant en relief les avantages, pour qu’en cas de crise nos pays aient une certaine indépendance. Car ce qui nous arrive en ce moment est le résultat d’une myopie, d’une insouciance, d’une mauvaise évaluation et d’un manque de connaissance des possibilités négatives de l’être humain.
Je sais que c’est une illusion et je ne saurais pas comment s’y prendre, mais il ne serait pas mal si nous pourrions arriver à obtenir plus d’équilibre entre le trop et le trop peu dans tous les domaines. Malheureusement, il y aura toujours des riches et il y aura toujours des pauvres. Je ne sais pas si c’est une malédiction ou un état naturel de l’humanité. Mais il pourrait d’y avoir des fossés moins profonds entre les deux.
- L’idée d’un Revenu de Base Inconditionnel (RBI) n’est pas nouvelle et resurgit chaque fois qu’il y a une crise économique. Cette initiative a été rejetée par les Suisses au mois de juin 2016. Mais ces dernières semaines, comme par hasard, ce thème qui fâche est repris d’une manière assez bienveillante par les journaux et les chaînes de télévision de la Suisse. Une des dernières propositions était d’instaurer, éventuellement, un Revenue de Base Inconditionnel pour une période de six mois. Intéressant.
- Je rêve d’une Europe vraiment unie et qui le restera, même s’il y a des différences, des conflits, des malentendus et des erreurs. Une Europe unie sera une garantie contre les guerres, les faillites, la pauvreté et un garde-fou contre les politiques extrêmes. J’aimerais bien que dans cette famille on cesse de s’accuser de tout et de rien. « Que celui qui ne s’est jamais trompé, jettera la première pierre ». (Citation un peu altérée). J’aimerais aussi qu’en Europe la culture nous rassemble d’avantage, qu’elle soit un enduit fort qui nous lie et continue à être un lien puissant entre nous.
Je proposerai aux francs-maçons de se réveiller et se secouer. D’enterrer définitivement les stupides querelles, d’enlever les cadavres tombés en poussière depuis longtemps dans les armoires, de passer l’aspirateur. De se resserrer mieux. De faire une vraie chaîne d’union mondiale. D’arrêter de cultiver les différences entre les Obédiences, car, si jamais on a le courage de voir ceci avec distance, c’est d’un ridicule difficile à supporter.
J’aimerais qu’il y ait plus de lumière.
Elfriede John, Genève, le 24 avril 2020