Les racines chrétiennes de la laïcité
Par Ludovic Vulliermet R.°. L .°. « Intimité » à l’Orient d’Aix-les-Bains – G.O.D.F
Ces dernières années, en France, l'habitude a été prise d'opposer à la Laïcité le Christianisme, les deux étant supposés absolument contraires l'un à l'autre. Preuve en est notamment le nombre de procédures contre les crèches de Noël en mairie, perçues comme une « atteinte à la laïcité » par certaines associations. L'erreur est justement là : la Laïcité n'est pas un pur produit républicain, mais tire bien au contraire son origine dans le christianisme, christianisme fondement de la monarchie de notre ancien régime.
Une filiation historique
Ce mot, souvent utilisé par la presse et les citoyens en lieu et place du mot athéisme, a pourtant une définition tout à fait différente de ce dernier.
Le mot « laikos » en grec signifie « ce qui est du peuple », populaire pourrait-on dire, bien que le sens s'approcherait plus de celui de Profane.
Il n'a donc rien à voir avec l'athéisme qui, rappelons-le, signifie « sans dieu » en grec, c'est-à-dire qui ne croit pas à l'existence de forces surnaturelles.
La France, un royaume laïc depuis le début
Une erreur fréquente est de penser qu'avant la Révolution, la France était un régime religieux ou « de droit divin », expression très équivoque qui laisse penser que le droit civil émanait directement d'une source religieuse. Et pourtant, si on s'en tient à la définition stricte de laïcité, la France a toujours eu un régime laïc.
Affirmer l'inverse reviendrait à dire qu'elle était une Théocratie, ce qui est faux. Il y a Théocratie quand, savoir :
- Soit des personnalités religieuses gouvernent (comme en Iran ou Tibet traditionnel)
- Soit lorsque le pouvoir civil est aussi une autorité religieuse comme dans beaucoup de civilisation païennes (Égypte, Rome, Japon...) ou en islam (Empire ottoman, Maroc).
Or, la France n’a jamais connu un régime Théocratique mais une « monarchie dite de droit divin ».
Le Roi, souverain, n'était pas prêtre et n'avait aucune juridiction religieuse, il était donc laïc. Il avait un certain pouvoir sur les clercs qui étaient ses sujets, mais pas sur les dogmes, les sacrements ou la discipline de l'Église — un pouvoir néanmoins limité par certains privilèges ecclésiastiques permettant de garantir l'indépendance de l'Église. De même l'Église n'avait aucune juridiction sur l'État. C'est là toute la formule chrétienne du pouvoir.
La séparation du spirituel et du temporel ou « La Théorie des 2 Glaives »
Qui, à l'époque, se doutait que l'Église catholique et romaine poserait grâce à elle les bases d'une formule politique originale : la séparation du Spirituel et du Temporel ou ce que le professeur Georges Frèche appelait dans ses cours d’Histoire des Civilisations et des Institutions « la Théorie des 2 Glaives », les 2 glaives ou épées symbolisant les 2 pouvoirs temporels et spirituels ( l’objet l’épée étant la symbolique du pouvoir ) D'un côté les rois gouvernent les hommes, de l'autre, l'Église gouverne les âmes : le pouvoir politique et civil était déjà « laïc ».
II°- Les tentations de la confusion des pouvoirs :
1°- Les offensives des titulaires du pouvoir temporel pour se prévaloir d’un pouvoir spirituel :
Rois et Empereurs pour asseoir leurs pouvoirs sur les peuples et sur les ordres religieux, dans une dimension temporelle cette fois au sens de durée de temps ont fait valoir une dimension spirituelle de leur fonction mais il s’agissait plus d’une dimension plus « sacrée » que « religieuse » : savoir :
Le SACRE : cérémonie symbolique de lien entre Temporel et Spirituel.
1°- L’empereur Romain était qualifié de « Pontifex Maximus », c’est-à-dire « Pont entre terre et ciel », le voilà pauvre créature pècheresse. Lui à qui on élevait des temples et vouait un culte se fait un jour exclure des églises par Saint Ambroise de Milan après avoir fait massacrer les habitants de Salonique. « Tu peux décider de réprimer une révolte par ce que tu es l'Empereur, mais pas en massacrant une toute une ville innocente, parce que tu es chrétien » dit-il en substance à l’Empereur Théodose qui ne put revenir qu'après avoir effectué une pénitence publique.
Les Rois de France depuis ont repris la symbolique spirituelle du Sacre pour se donner également une dimension sinon « religieuse » du moins « sacrée » comme mode de « sacralisation du pouvoir politique temporel ».
Le dernier sacre d'un roi de France fut celui de Charles X le 29 mai 1825 dans la cathédrale de Reims, où trente-trois souverains ont été sacrés en un peu plus de 1000 ans. À partir des Ordines ad consecrandum et coronandum regem, des textes manuscrits de recueils liturgiques rédigés à Reims à la fin du règne de Saint Louis, on peut décrire précisément la liturgie de cette cérémonie certes à dimension religieuse.
2°- Les offensives des titulaires du pouvoir spirituel pour se prévaloir d’un pouvoir temporel :
Inversement, lorsque le Pape Boniface VIII, a prétendu gouverner l'Occident et faire des rois ses vassaux, c'est cette même doctrine de séparation des deux ordres qui donna à Philippe IV LE BEL (par ailleurs Roi destructeur des Templiers) les arguments sus-évoqués pour s'y opposer victorieusement.
Difficile de dire le contraire avec cette phrase du Christ « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » écrite noir sur blanc dans l'Évangile.
Bien sûr il y eut bien des exceptions et des compromissions. Les États pontificaux étaient en quelque sorte une théocratie, il y eu aussi dans l'Empire germanique des « Princes-évêques », il y avait des veto autrichiens et français pour l'élection du Pape.
Mais ce n'était là que des arrangements politiciens avec le principe de séparation des pouvoirs Temporel et Spirituel, le principe est resté majoritairement en théorie politique et en tant que pratique de gouvernement dans les États européens et particulièrement en FRANCE.
Conclusion et morale laïque:
La laïcité dans son acceptation « Républicaine Radicale » voire « Laïcarde extrémiste » a souvent conduit les responsables politiques à nier les racines chrétiennes de l'Europe. Il faudra pourtant un jour reconnaître « radicalement dans la République » les racines Chrétiennes de la Laïcité.
Ludovic Vulliermet
L’Inspiration bibliographique vient, à la base, d'un Cours universitaire d'histoire des civilisations et des institutions, donne par Georges Frèche, professeur des universités de Montpellier, qui était également députe maire de la ville puis président de la région Languedoc Roussillon ; la séparation du spirituel et du temporel ou ce que le professeur Frèche appelait dans ses cours d’histoire des civilisations et des institutions « la théorie des 2 glaives », les 2 glaives ou épées symbolisant les 2 pouvoirs temporels et spirituels.
Pour approfondir sur les faits historiques mentionnés voir aussi :
Coq Guy, Christianisme et laïcité. In: Hommes et Migrations, n°1218, Mars-avril 1999. Laïcité mode d'emploi. pp. 5-13; doi : https://doi.org/10.3406/homig.1999.3289
https://www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_1999_num_1218_1_3289
Abel Olivier. Que veut dire la laïcité ?. In: CEMOTI, n°10, 1990. pp. 3-14; doi : https://doi.org/10.3406/cemot.1990.935
https://www.persee.fr/doc/cemot_0764-9878_1990_num_10_1_935
https://fr.wikipedia.org/wiki/Deux_glaives
Troper Michel. Le principe de laïcité. In: Annuaire international de justice constitutionnelle, 16-2000, 2001. Constitution et
secret de la vie privée - Constitution et religion. pp. 430-457;
doi : https://doi.org/10.3406/aijc.2001.1605
https://www.persee.fr/doc/aijc_0995-3817_2001_num_16_2000_1605
Kahn Pierre. La laïcité est-elle une valeur ?. In: Spirale. Revue de recherches en éducation, n°39, 2007. Laïcité,
croyances et education. pp. 29-37;
doi : https://doi.org/10.3406/spira.2007.1251
https://www.persee.fr/doc/spira_0994-3722_2007_num_39_1_1251
De Vaucelles Louis. Laïcité en débat. In: Archives de sciences sociales des religions, n°78, 1992. pp. 179-190; doi : https://doi.org/10.3406/assr.1992.1528
https://www.persee.fr/doc/assr_0335-5985_1992_num_78_1_1528