Ce texte exceptionnel, d’histoire, se rajoute à notre trésor de documents dédiés au Rite Français, dans ces multiples déclinaisons tant historiques que présentes. Il est bien de savoir d’où on vient pour voir ou on va.
On observera que les points de vue sont différents et parfois opposés sur des sujets importants. L’ouverture, l’écoute de cette différence est le principe qui unit tous les Franc-maçons, toutes les bonnes volontés. On tombe d’accord ou de désaccord, on observe la spécificité des ordres et des nations, l’esprit du temps qui change, avec un authentique respect mutuel, sans polémique; ainsi on voit large et on apprend, on s’enrichit, tout en gardant notre liberté de pensée et de conscience… et nos loyautés.
Les Rites Français
(Approche de l’Univers initiatique)
Présentation faite par Thierry Loron à la Juste et Parfaite Loge de Saint-Jean Fidélité & Liberté Orient de Genève le 19eme jour du 11e mois de l’AVL 6006
« La véritable tradition, dans les grandes choses, n’est pas de refaire ce que les autres ont fait, mais de retrouver l’esprit qui a fait ces grandes choses en d’autres temps ».
Écoutons le conseil de Valéry!
En effet ce qu’on appelle le Rite Français recouvre en réalité des rituels variés, un principe unique, celui de la maçonnerie du XVIIIème siècle, mais avec des applications multiples. Ce que l’on nomme «Rite Français » recouvre en effet des usages et des rituels qui vont dépendre du lieu, de l’obédience mais aussi de la période à laquelle on se situe.
L’histoire de ce qu’on nomme le Rite Français se déroule en complète symbiose avec l’Histoire de la Franc-maçonnerie, et avec l’Histoire (avec un grand H) et pas seulement – comme certains voudraient l’imposer – avec l’histoire du Grand Orient de France.
Ainsi le rite français n’est seulement pas le rite « Républicain – laïc » et parfois taxé d’anticléricalisme que l’on imagine.
Afin d’appréhender quelques unes de ces variantes, il nous faut revenir aux origines.
Ainsi, c’est presque 3 siècles qu’il nous faut traverser, nous ne saurions (ni ne pouvons) résumer tout ce qu’il est dit dans la littérature à ce sujet, les livres concernant le RF commencent à être nombreux (après une si longue absence).
A l’évidence, on ne peut inventer l’histoire, elle est factuelle ; notre seule liberté est de choisir dans les dates et les événements, ceux qui nous paraissent les plus important, les mettre en évidence et les souligner ou parfois de les caricaturer, ce n’est pas à LA vérité, c’est à une réflexion que je vous invite.
Nous essayerons en ces quelques minutes de mentionner 300 ans, évoquant le XVIIème parce qu’il est à l’origine de tout, le XVIIIème par ce qu’il a réuni et assemblé les matériaux de base, le XIXème parce que c’est à ce moment là que tout s’est concrétisé et mis en place, enfin le XXème pour montrer quelques mouvements sismiques.
Je laisserai à chacun ensuite la réflexion sur ce que devrait être le 3ème millénaire.
ORIGINE
Le Rite «dit» Français c’est d’abord le rite anglais, celui de la Grande Loge de Londres …
Je commencerai donc mon exposé par une question : a quel rite travaillait le Pasteur Anderson – celui des constitutions de 1723 ?
Rappelons-nous que la première utilisation connue du terme « free Masson » se trouve en Angleterre en 1376. On dénombre environ 130 manuscrits relatant les us, les coutumes, les rites et histoires de la maçonnerie des opératifs depuis le Manuscrits «Regius»(2) vers 1390, puis les cinq versions des manuscrits «Cooke»(3) à partir de 1410.
Nous sommes à l’époque de Jeanne d’Arc ( †1431)
XVIIème
Les premiers rituels connus datent de 1696 (Archives d’Édimbourg », 1700 (Chetwode Crawley) et 1720 (Manuscrits Kewan).
On cite généralement 1600, parfois 1634 comme date de la première initiation d’un « non-opératif » dans une Loge et on évoque un certain Elias Ashmole en 1646 dont on vous reparlera à propos du REAA.
XVIIIème
De l’avis général, 1717 est un acte fondateur.
La légende (4) raconte qu’un soir du 24 juin, jour de la St Jean-Baptiste quatre Loges (5) se réunissent et décident de travailler ensemble.
Elles vont fonder la Grande Loge de Londres et de Westminster dont un certain Jean-Théophile Désaguliers (1683-1744)(6) deviendra bientôt le Grand-Maître.
On y trouve Payne, Désaguliers, et très rapidement de nombreux scientifiques de la « Royal Society » et de nombreux hommes de lettres.
De là naissent, les Constitutions d’Anderson (7) (1723 et 1738) (8).
Lorsque l’on parle de la 1ère Loge en France, on est vers 1725, cela veut dire : les exilés anglais à l’origine de la Loge Saint-Thomas à Paris importent avec eux les rituels tels qu’on les pratiquait dans les Loges anglaises.
Cela veut dire :
- qu’on saute allègrement toute la période de l’Art Roman qui commence vers 500 dont l’Abbaye de St Maurice (515), pourtant un art majeur de la construction sacrée,
- qu’on ignore toute la période de l’Art gothique qui commence vers 1140 (cathédrale de St Étienne), jusqu’à la Renaissance avec le château de Chenonceau (1513)
- qu’on passe sous silence le « Tsunami » bien sur religieux, mais aussi culturel, social et intellectuel qu’a été la rupture avec Rome puis la création de l’anglicanisme par Henri VIII dès 1530 et la Réforme qui s’instaure depuis que Luther a publié ses « 95 thèses de la Réforme » en Allemagne, (31.10.1517) et une grande partie des guerres de religion qui en découleront.
- qu’on omet aussi de citer quelques grandes dates et des grandes découvertes scientifiques ou techniques qui vont mettre à mal les dogmes du moment :
o l’imprimerie (Gutenberg vers 1440) qui va permettre les grandes diffusions,
o Léonard de Vinci et ses études et dessins techniques vers 1480,
o Vasco de Gama qui passe le cap de Bonne-espérance pour ouvrir la route des Indes en 1487,
o Les premiers voyages de Christophe Colomb (1502-1504),
o La révolution des sphères de Copernic (1512 et 1543), confirmée par Kepler en 1609, puis la lunette astronomique de Galilée qui permettra de voir les anneaux de Saturne).
- Qu’on oublie de dire que l’arrêt des constructions d’ouvrages religieux en Angleterre, alors qu’elles vont perdurer en Écosse catholique va créer un véritable schisme dans les sociétés de maçons dont les Loges écossaises vont non seulement perdurer, mais également se sédentariser, se réglementer, se structurer (9), et mettre en place des rituels de transmission, affirmation illustrée par l’édition des Statuts SHAW (10) en 1598-1599.
Le rite pratiqué en France est d’abord le rite anglais traduit en langue française :
L'origine du Rite remonte à l'époque de l'introduction de la Franc-maçonnerie en France dans les années 1720-1730.
Introduit vers 1725 par des britanniques (11), émigrés ou fuyards pour des raisons religieuses ou politiques, le rituel utilisé en France est le reflet de celui de la Grande Loge de Londres de 1717. On a même dit que la France était la fille aînée de la FM (12).
Il n’est pourtant pas (encore) le rite français.
Nous devons comprendre que les premières loges françaises, bien qu’elles n'aient pas été fondées par la Grande Loge anglaise de 1717, entretiennent avec elle des relations étroites.
L’indépendance arrive en 1728, lorsque Philip, duc de Warton est investi des titres et prérogatives de Grand Maître des Loges du Royaume de France, c’est la première « Grande Loge de France » qui deviendra le GODF en 1773.
Les premiers rituels en France (13) datent de 1737 et ont fait l’objet d’une étude détaillée par Alain Bernheim.
Mais le rite (RIT) reste peu connu parce qu’il n’est pas diffusé officiellement, mais …
mais – heureusement pour les historiens – il y a les des divulgations.
1744-1751 La période des divulgations
Il autre divulgation, « Le secret des francs-maçons » aurait été édité à Genève en 1742 par l’abbé Pérau (14).
Il y a eu aussi Le sceau rompu (1745), l’Ordre des FM trahi (la même année), le Maçon démasque (1751), et d’autres encore.
Le « vrai catéchisme » (15) y est transcrit, ainsi que le manuscrit dit « de Berne » avec les principes généraux de la conduite d’un franc-maçon, tels qu’on doit en faire la lecture à un récipiendaire avant de l’introduire dans la Loge.
Le mot « Catéchisme » ne doit pas nous surprendre, son étymologie grecque c’est « informer et enseigner » et pas nécessairement au sens des évangiles. Il s’agit d’un ensemble de questions-réponses propres à chaque grade. C’est un très ancien système (Registre d’Édimbourg 1696) qui permet de retracer le schéma des anciens rituels.
Apprises par cœur, ces Q/R permettent l’apprentissage des rituels et autorisent le « Tuilage »,.
On est impressionné de la proximité de ces anciens rituels avec ceux que nous utilisons aujourd’hui.
Ces textes qui, à partir de 1737, nous font connaître cette première Maçonnerie française, montrent clairement que les éléments de base du « Rite » tel que nous le pratiquons aujourd'hui y étaient déjà présents, et que ce « Rite » n'est que le résultat d'un développement de ces éléments de base, survenu au cours du XVIIIème siècle.
En particulier, les mots du premier et du deuxième grade, et la place des Surveillants, ont toujours été conformes, dans la Maçonnerie française du XVIIIème siècle, à ce qu'ils étaient dans la Maçonnerie de la Grande Loge anglaise de 1717 et on peut donc dire que le « Rite en France » est l'héritier de celle-ci, à travers la première Maçonnerie française.
En 1736, on entend le premier «Discours de Ramsay» qui sera à la base d’un changement de paradigme sur les origines de la Franc-maçonnerie. (cf RER 1778). Il utilise de manière géniale le traumatisme des croisades (1095-1291) et les Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon créés en 1129 et dissous en 1312 et des fameuses légendes qui suivent l’immolation de Jacques de Molay, un certain 18 mars1314.
Et pendant ce temps là, de 1740 à 1770 s’organisent les hauts grades dans différents Rites.
Le rite en français est donc le RIT primitif de la FM de langue française.
1753 : Le Rite primitif devient – malgré-lui - « Moderne » .
LA RUPTURE :
C'est en 1751 qu’apparaît une autre Grande Loge. La « Grande Loge des Francs-Maçons selon les anciennes institutions », dite « Grande Loge des Anciens » structurée à partir de 1753.
Les premiers membres étaient des Irlandais (16) émigrés en Angleterre. Les historiens disent qu’ils auraient probablement eu des difficultés à se faire recevoir dans des Loges anglaises.
En effet, leurs Loges pratiquaient une Maçonnerie trop différente de ceux de la Grande Loge de Londres et de Westminster ce qui rendait quasi impossible une intégration dans la GL de 1717, d’autres affirment qu’il s’agissait plutôt d’une première lutte des classe d’opératifs, entre les bourgeois, savants et aristocrates de Londres et ceux, plus modestes, d’anglo-irlandais.
Ces irlandais reprochaient aux «londoniens » d’avoir apporté des innovations aux anciens usages, parmi lesquelles la fameuse histoire de l'inversion des Mots sacrés (J-B ou B-J) mais aussi d’avoir enlevé les prières …
Les «ancients» vont eux-mêmes et dès 1756 avec la publication du livre des Constitutions «Ahiman Rezon» de Laurence Dermott censé concurrencer les constitutions d’Anderson.
1. Quelles sont les différences réelles entre les deux GG LL ?
2. Parmi les différents usages, quels étaient ceux véritablement les plus anciens, et, dans cette perspective, quand, où, comment, pourquoi ce serait fait le passage des usages anciens aux usages modernes ?
En somme, si l'on s'en tient à ce qui est attesté, deux données majeures peuvent définir l'originalité réelle des « Anciens » par rapport aux « Modernes ».
1. Leur ancienneté prétendue.
2. L'apport de l'Installation secrète et de l'Arc Royal.
Le Rite primitif est continental, mais d’abord franco-français :
Au cours du XVIIIème siècle, les rituels pratiqués en France se sont développés, et de nouveaux éléments y ont été introduits, comme les voyages (17), les purifications par l’eau et le feu, et les autres épreuves telles que celles du sang et du calice d'amertume.
Tous ces éléments nouveaux ajoutés aux rituels venus d'Angleterre ont donné aux cérémonies françaises un caractère qui les distingue très nettement des cérémonies anglaises, quoique le caractère général reste le même.
J’emprunte volontiers à Hervé Vigier (18) une citation de 1798 :
« La maçonnerie familière d’Angleterre, importée sur le continent a été totalement modifiée dans les diverses contrées de l’Europe, tant par l’ascendant dominateur des Frères Français, qui sont toujours prêts partout à réguler le monde, que par l’adjonction de doctrines, de cérémonies ou de décors provenant des Loges parisiennes ».
Ces apports français aux rituels se retrouvent sous des formes voisines dans le Rite Écossais Rectifié (1782) et dans le Rite Écossais Ancien et Accepté (1804).
En ce XVIIIème siècle, nait le Rite Écossais Rectifié (19) qui a subi l'influence de la Stricte Observance allemande et de la doctrine de Martinez de Pasqually mais qui reste un Rite Moderne par ses origines anciennes.
Si une partie mystique est ajoutée sur le Rite primordial, on retrouve bon nombre de parallèles dans les tenues et l’exécution des rites avec le RF. Le RER est définitivement fixé en 1778 devenant ainsi le plus ancien Rite « fixé.
Du Rite primitif, Continental et moderne devient le « Rit en sept grades suivant le régime du Grand Orient de France »
Le développement des rituels au XVIIIème siècle a été facilité par le fait que la Grande Loge de France, puis son successeur le Grand Orient de France à ses débuts n'avaient pas de rituels officiels.
Mais cela avait aussi pour conséquence une diversification des rituels. Il y avait une certaine homogénéité, mais pas d’uniformité. Certaines Loges en avaient déjà imprimé vers 1760.
Lorsqu’en 1773, naît le GODF, héritier de la Grande Loge, on remarque des changements de fonds : Le VM seront élus périodiquement et non plus propriétaires « à vie » de leur patente, on rectifie la gestion pour faire rentrer les contributions. Ceux qui n’étaient pas d’accord formeront la GL de Clermont qui ne durera pas longtemps.
Le Grand Orient de France, désireux de rétablir l'uniformité dans cette profusion de rituels, s'occupa à partir de 1772 de nommer une commission à cet effet, des textes circulent entre la GL et les Loges pour tirer des rituels multiples, un rituel-type destiné à devenir officiels.
Il convient de noter que ces rituels sont structurés en trois Cahiers : celui du VM, celui du 1er Surveillant, celui du 2ème Surveillant et celui de l’Architecte décorateur, pour chacun des trois grades. Au total 6 livrets. Ne se présentant pas sous une forme de « dialogue » pour le Vénérable et les Surveillants, ils sont difficilement utilisables tels quels. L’option sera donc prise plus tard de restituer les différents dialogues dans les rituels d’usage.
Les rituels ont la particularité de ne pas avoir été diffusés sous forme imprimée, mais transmis, à la demande du Grand Orient (20) sous forme manuscrite.
- les trois grades «bleus» (21) ou « grades de métier », diffusés dans le « Régulateur du Maçon »
- les grades dits « supérieurs », parfois « Grades de Sagesse » regroupés en quatre « Ordres », diffusés également sous le titre du « Régulateur des chevaliers maçons ».
Un ordre est un regroupement d’actes rituels empruntés à un ou plusieurs des degrés qui formaient à l’origine le système des « Hauts Grades » en France.
Le Régulateur du Maçon (pour les Loges bleues) et le Régulateur du Chevalier maçon (pour les quatre Ordres supérieurs) ont été un vecteur important à une vaste expansion du Rite.
Le « Rit en sept grades suivant le régime du Grand Orient de France » devient le Rite français
Ce rite n’est toujours pas le rite français, il est dit « Système du GO ». Et puis, un jour, on trouve (enfin !) le terme de Rite Français dans un PV de délibération de la Chambre d’Administration du GODF en date du 25 décembre 1799 où l’on parle d’une Loge à New York travaillant au « Rit français ».
Si à l’époque on disait seulement le « rit », on peut désormais à vraiment parler du Rite Français (22) .
Historique et évolution des rites.
Le rite français est donc, de fait , le rite du Grand Orient,
Et du coté du Grand Orient :
Les rituels seront imprimés et déposés en 1803 à la Bibliothèque Nationale, ils s’intitulent « Les rituels dits du « régulateur de 1801 ».
Les rituels de base vont encore subir moult modifications au cours des années (certains diront « altérations »).
Pour exemple nous citerons le convent de 1849 durant lequel un certain Charles DUEZ fait adopter le principe fondamental de la croyance en l’existence de Dieu, l’immortalité de l’âme et la solidarité humaine bien que l’on admette le liberté de conscience somme un droit propre à chaque homme.
Alors, c’est quoi le Rite Français ?
- Le Rite français, le rite moderne
- Le rite français traditionnel, symbolique et traditionnel que l’on doit à René Guilly (23)
- Le rite moderne français rétabli, celui du XVIIIème siècle avec des apports anglais de René Guilly
- Le rite français version Murat (GODF- V 2) de 1858 (abrégée, courte, nette mais dite « probablement la plus authentique »)
- Le rite français version Amiable (GODF) de 1885 très influencée par le positivisme, le rationalisme et le scientisme. On y remplace les voyages par de longs discours moralisateurs. Ces deux dernières versions remplaçant la présentation des symboles par des discours moralisateurs et allégoriques sur le bien et le mal (Mainguy).
- Le rite français version Grousier (GODF) en 1938 qui revient sur d’anciens usages comme les épreuves et les voyages.
- enfin, la dernière version connue du GODF V3, en 1935, qui marque un profond retour vers les rituels premiers qui aura encore quelques évolutions pour aboutir en 6002 au « Rite français de référence du GODF» qui a été re-mis à jour pour tenir compte de la mixité désormais acquise.
D’un autre coté, un rite français va retrouver une régularité (ou plutôt une reconnaissance de la GLUA) grâce à Roger Girard, en 1979, qui prend contact avec Louis-Auguste Derozière, alors grand Maître de la GLNF. Ainsi sont crées deux Loges, Les anciens devoirs et St Jean-Chrysostome en juin 1979 au sein de la GLNF ces deux Loges utilisant le rituel du régulateur plus ou moins « GLNFisés » par leurs auteurs.
Dans certains rituels, l’ouverture du VLS à Jean, l’invocation de Dieu, la veilleuse rouge allumée en permanence: on n’aura pas à chercher beaucoup la profonde influence du RER, mais aussi la volonté de se démarquer du REAA dans les adaptations apportées par René Guilly et ses compagnons. Vaste débat …
Les rituels de 1786 sont bien antérieurs à l’adoption de la Devise «Liberté-Egalité-Fraternité », mais aussi à l’invention même du terme de laïcité.
Ici, en Suisse et à Genève en particulier, là où les rituels ont été moult fois modifiés, changés, adaptés par nos grands Frères, il en existe de très nombreuses variantes, souvent d’ailleurs, dûment mixées avec d’autres rituels, le REAA en particulier.
Le Fonctionnement du Rite Français :
Connaissant maintenant la variété que recouvre le terme de rite Français, il est facile de comprendre qu’il n’y a pas (ou qu’il n’y a plus) de fonctionnement spécifique.
Dans la version primitive que je professe, je peux vous donner quelques caractéristiques :
Quelques caractéristiques du RF Moderne 1801
Temple
- Les trois grandes lumières sont : Le Soleil, la Lune et le Maître de la Loge.
- Les 3 chandeliers autour du Tableau sont disposés comme sur les gravures de 1745,
- La Tenue au 1er et 2d grade se fait « Sur les Parvis du Temple » et non dans le Temple,
- Le pavé mosaïque est réservé aux Maîtres,
- On retrouve la position dite « moderne » des deux colonnes J :. au nord et B :. au sud,
- On entre dans le Temple en partant du pied droit
- Le signe se fait (devrait se faire) en trois temps bien distincts,
- La batterie est par 2 et un,
- on conclut par les « Vivat »
- Les tabliers sont « bleus »
Cérémonies :
- On ne fait pas référence aux éléments, mais on impose des purifications par l’eau et par le feu.
- L’Obligation - est prêtée en 2 fois, la main sur le glaive, symbole de l’honneur !
- Les cérémonies se terminent toujours par un banquet, formalisée depuis 1740 environ, avec 7 santés successives pendant lesquelles on tirera des « feu ! » le tout avec un vocabulaire très « militaire ».
Travaux / Morceaux d’architecture
- Pas de Travaux obligatoires, ils ne sont en aucun cas nécessaires à la progression qui sera jugée sur l’apprentissage du rituel (à travers un tuilage) et surtout sur le comportement fraternel du Frère et sa participation active à tous les Travaux de la Loge.
Le rite français en Suisse:
Les rituels en usage en Suisse sont
- à la Grande Loge Suisse Alpina ont été établis en prenant pour base les rituels de 1785. Il en existe deux Loges, l’une à Zurich, l’autre « Sapientia Cordis », à Genève.
- Au GODF …
- Au GOS, les héritiers du GODF.
Les hauts-grades:
Bien qu’antérieure à la création du système de hauts grades en trente-trois degrés du REAA, la pratique des ordres supérieurs selon le Régulateur des Chevaliers Maçons, s’éteint en France dans la deuxième moitié du XIXe siècle (1862).
Elle est supplantée par la pratique des hauts grades du REAA, qui a intégré dans son échelle les quatre ordres supérieurs du Rite français5 et dont le système dit «écossais» est intégré par concordat au Grand Orient de France.
Cette extinction se fit sans heurt et sans révolte, les grades écossais ayant intégré dans leur régime les quatre ordres du Rite français6.
Puis des Grands Chapitres ont été récrés près du GODF mais aussi près de la GLNF et travaillent au 4 ordres qui correspondent en gros aux 9e, 14e et 15e de l’échelle du R.E.A.A.
1er Ordre : Elu secret
2ème Ordre : Grand élu écossais
3ème Ordre : Chevalier d’Orient ou de l’épée, autrefois indispensable pour devenir Maître de la Loge (VM)
4ème Ordre : Souverain Prince Rose-Croix.
On parle moins du 5ème Ordre. Il est dit que le 5e Ordre comprendra tous les grades physiques et métaphysiques et tous les systèmes, particulièrement ceux adoptés par des associations maçonniques en vigueur ». Il n’est officiellement pas un grade, mais une distinction.
Il y a des Grands Chapitres en Suisse : Le grand Chapitre Helvétique (GOS), il n’y en n’a pas près de la GLSA.
LES VALEURS du Rite Français
L’esprit du Rite Français
Il est courant d'entendre que chaque rite possède sa propre spécificité et sa propre spiritualité.
Comme les autres rites, le Rite Français assoit son enseignement sur les emblèmes bibliques et les prétextes historiques qui y sont associés, mais il n'y adjoint aucune démarche hermétique et s'appesantit plus sur la valeur morale des allégories qui sont utilisées que sur leurs détails.
On a pu dire que la spécificité du Rite Français, c’est de ne pas en avoir :
les autres Rites ont subi l’influence de facteurs extra-maçonniques, et que c’est cette influence qui donne à chacun sa spécificité, tandis que le Rite Français n’a subi aucune telle influence.
Cela vaut quand on compare le Rite Français aux autres Rites qui proviennent de la Maçonnerie française du XVIIIe siècle, c’est-à-dire au Rite Ecossais Rectifié et au Rite Ecossais Ancien et Accepté, en laissant hors de la comparaison les Rites britanniques et américains.
En particulier, le Rite Français n’a pas de doctrine explicite. Qu’il n’ait pas de doctrine ne veut pas dire qu’il ne contienne pas d’enseignement, mais son enseignement n’est nulle part développé sous la forme doctrinale explicite et discursive dans les textes du rite.
Le Rite, c’est une enveloppe, une « manière d’être ensemble ». Lorsque les Travaux sont ouverts, que l’on travaille sur un sujet social ou qu’on lise un morceau d’architecture strictement symbolique n’influe pas le rite. Il convient de distinguer le contenant (le rituel) et le contenu (sujets abordés en Loge).
Dans sa version d’origine, la spiritualité maçonnique est enracinée dans la tradition judéo-chrétienne et a deux fondements très simples: la fraternité des hommes, la paternité de Dieu, celle-ci étant elle-même le fondement de celle-là.
Les maçons du Rite Français des grades bleus reçoivent ainsi un enseignement symbolique basé sur ces deux principes et les allégories qui s'y rattachent sans développer particulièrement une symbolique mystique, alchimique ou chevaleresque qui est présente dans d'autres rites.
Edmond Mazet définissait ainsi l'esprit du Rite Français auquel les frères qui le pratiquent sont très attachés :
« Simplicité et absence de prétentions, convivialité, amitié chaleureuse, c’est ce que les frères ressentent dans nos assemblées, sans que cela exclue la profondeur spirituelle.
Le Rite Français est un Rite dans lequel, comme on dit, on fait des choses sérieuses sans se prendre au sérieux. »
Notes
(1) Roger Dachez in « La Chaîne d’union » No 63 / 2013 GODF.
(2) Le poème « Regius » commence par un préalable rappelant qu’il définit « les statuts de l’art de géométrie selon Euclide ». La Géométrie « inventée en Egypte par le Grand Clerc Euclide » prit alors le nom de maçonnerie.
(3) Le Cooke est proche du « Regius », le quatre couronnés sont remplacés par les patrons des maçons (Caïn), des musiciens (Jobelle), des forgerons (Tuballe) et des tisseurs (Neema), et la tour de Babel est remplacée par les deux colonnes de la connaissance qui portent les sept arts libéraux.
(4) On ne connaît ni convocation, ni compte-rendu ou PV, la première mention est faite dans la 2ème parution des Constitutions d’Anderson en 1738.
(5) La couronne, le Pommier, le Gobelet et les raisins, l’Oie et le Grill.
(6) Fils d’un Pasteur de La Rochelle exilé après la révocation de l’Edit de Nantes, membre de la Royal Society.
(7) James Anderson, pasteur écossais, auteur des « Constitutions » éditées par Benjamin Franklin en 1738, traduites en français dès 1745.
(8) Il y aura six éditions de 1723 à 1815. Les Constitution de 1738 ajoutent en particulier :
- la dédicace du Prince de Galles (initié)
- une allusion à la chronologie hébraïque datant le monde de 4004 avant JC
- la mort de leur cher Maître Hiram Abif, qu’ils enterrent décemment
- L’apparition de la FM en Irlande jusqu’en 1730
- La partie historique depuis 1723 avec la liste des Grands Maîtres.
- Et quelques nouveaux éléments des devoirs en particuliers pour les chrétiens.
- On y retrouve une ouverture vers la liberté de conscience, la religion «naturelle», tolérante et proche du protestantisme luthérien (Tournié) et le terme de Noachites, qui englobe les Juifs, les Musulmans et les Chrétiens, tous issus de Noé par ses fils Sem, Cham ou Japhet.
- Et en particulier dans son article 13, on évoque le 3ème degré (ou grade).
(9) Indépendamment des Guildes de métiers.
(10) Willian Shaw 1549-1602 était le Maître des Travaux de Jacques VI d’Ecosse et Surveillant général des Maçons d’Ecosse en 1583.
(11) Les aristocrates anglais les plus connus sont d’Heguerty, MacLean, Devent-Waters qui créent la Loge St Thomas qui se réunit « Au Louis d’Argent ».
(12) DACHEZ Roger in « Histoire de la FM Française » PUF Que-sais-je 3668
(13) Les deux plus anciens manuscrits des grades symboliques de la FM de langue française, Alain Bernheim, Dervy, 2013, ISBN 979-10-242-0020-0
(14) Homme de lettre français (1700-1767), « abbé « mais jamais ordonné, auteur de L'Ordre des francs-maçons trahi. Le Secret des Mopses révélé. Chansons de la très vénérable confrérie des francs-maçons, précédées de quelques pièces de poésie, 1745.
(15) Le vrai catéchisme /des frères /Francs-maçons / rédigé suivant le code / mystérieux et approuvé /de toutes les Loges justes et régulières.
(16) parmi eux Lawrence Delmott, initié à 20 ans à Dublin, ouvrier méprisé par la GL de Londres.
(17) Déjà présents dans la divulgation « Le vrai catéchisme » de l’Abbé Louis-Gabriel Pérau en 1744.
(18) La renaissance du rite français traditionnel 2002 /ISBN 2906031-55-0
(19) Sous l’influence de Jean-Baptiste Wuillermoz
(20) En effet, en 1786 le Grand Orient exigeait que les rituels soient recopiés et envoyés sous forme de manuscrits à toutes les Loges sous la forme de 4 cahiers, un pour le Vénérables, un pour chacun des Surveillants et un pour l’Architecte. Mauvaise idée pourtant de les facturer aux Loges ce qui a provoqué maintes transcriptions illégales, des modifications et des impressions dont la plus notable fut « Régulateur du Maçon , », conforme, mais non-officiel.
(21) C’est du Rite Français que vient l’usage du terme « Grades bleus ».
(22) / Ref. Hervé Vigier.
(23) René GUILLY (1921-1992) a été initié dans la Loge « La Clémente amitié » du GODF en 1951. Il fixe le Rite Français rétabli en 1955, fonde la revue « Renaissance Traditionnelle » en 1970, fait un court passage à La Grande Loge Traditionnelle et symbolique Opéra avant de fonder en 1968 le Loge Nationale Française. Il a beaucoup travaillé sur les origines et fondements du RER pendant le XVIIIème siècle et réveillé en 1963 les Hauts grades du RF. Il signait ses œuvres sous le pseudonyme de René Désaguliers.
Pour les hauts grades, René Guilly est allé chercher une patente en Hollande, probablement en utilisant la LUF (Tournié) et réfute la patente du Brésil, détenue du GO depuis 1822, et obtenue en 1989 par les Frères de la GLNF pour asseoir le Grand Chapitre Français (GCF).
Bibliographie :
- Anonyme, Précis historique de la Maçonnerie française – un manuscrit de 1780, Introduction de Pierre Chevailier, Dervy, collection Renaissance traditionnelle, ISBN 9782850767326
- Anonyme, Le Maçon démasqué ou les vrais secrets des Frans Macons, Au dépens de la Compagnie, Berlin 1757
- BAUER Alain et MEYER Gérard, Le Rite Français, PUF, Que sais-je ?, Paris 2012 ISBN 9782130581970
- BERNHEIM Alain, Les deux plus anciens manuscrits des grades symboliques de la FM de langue française, Dervy, Paris 2013, ISBN 979-10-242-0020-0
- BORD Gustave, la FM en France des origines à 1815 – Tome premier (et unique) les ouvriers de l’idée révolutionnaire (1688-1771), Nouvelle Librairie Nationale, 1908 – réédition 2011,Paris, ISBN 978-84-9001-113-3
- BOUCHARD & MICHEL, Rit Français d’origine 1785 dit Rit Primordial de France, Ed Dervy 2014, ISBN 979-10-242-0048-4
- CARNIRI Gaël, Le Rite Français, préface de J.-P Catala, Collection Pollen maçonnique N°10 Paris 2016 ISBN 9-782917075661
- Collectif, Le Rite Français dans tous ses états / Paris 2013 revue « La Chaîne d’union » N°63
- Collectif, Source et esprit du Rite Français, Gd Chapitre général du GODF, Revue Joaben N° 6, Paris 2016
- MARCOS Ludovic, Histoire du Rite Français au XIXe siècle, EDIMAF, Encyclopédie maçonnique, Paris 2012, ISBN 978-29196-0114-1
- MARCOS Ludovic, Histoire du Rite Français au XVIIIe siècle, EDIMAF, Encyclopédie maçonnique, Paris 2013, ISBN 978-29196-0133-2
- MARTI Théo, Des hérésies maçonniques à l’histoire de la Ligue universelle des Francs-Maçons, Ed. Lielens, Bruxelles 1978 (existe une réédition préfacée par Alain Marti, ed. Slatkine, Genève, 2003, ISBN 978-205101924-8.
- TOURNIE Jean-Yves, Les Origines de la Franc-maçonnerie – Sources et histoire du rite français « moderne » du XVIIIe siècle à nos jours, Ed. Dangles, Horizons ésotériques, Paris 2013, ISBN 978-2-7033-1012-9
- VIGIER, Van WIN, DUHAL, BODEZz, Défense et illustrations de la Maçonnerie Française – Les Cahiers des amis de Roger Girard et du Rit primordial de France _ N° 1à 5- Editions Télètes
- Par un Ex. Vble : Recueil des trois premiers grades de la FM au Rite Français 1788 – Préface de P. Mollier/ Postface André Berté, A l’Orient, collection Mémorables, réédition Paris 2001, ISBN 9782912591135