Le lecteur découvre dans : « Les Spirales initiatiques d’un vieux franc-maçon » un itinéraire structuré autour d’un symbole, la spirale, peu évoquée dans les rituels maçonniques, qui lui offre une représentation du temps, entre deux notions traditionnelles de l’évolution temporelle : la flèche du temps (Prigogine) d’une part, la conception de l’éternel retour (Mircea Eliade) d’autre part. Un itinéraire qui est aussi une interrogation ; comme sociologue, sur le milieu maçonnique et en tant qu’humain sur cette sédimentation étrange que révèle dans l’esprit, un parcours initiatique. Le lecteur décèlera dans ce long cheminement, qui est aussi une quête, le témoignage d’un compagnon où il n’est jamais question de soi, mais bien de ce qui relie à l’Autre et au Pluriel. » Fr@ Eric
Heureusement, Françoise son épouse et sœur, lui a proposé de procéder aux aménagements nécessaires pour que ce texte soit publiable. La forme de ce texte se rapproche naturellement plus d’un exposé oral que de celui d’un exposé écrit.
C’est peut-être ce qui en fait sa valeur et son authenticité.
Le livre que j’initie aujourd’hui est animé par un esprit quelque peu différent : je le conçois comme un ouvrage de réflexion sur l’expérience de l’initiation maçonnique en général, de mon expérience personnelle de ce processus initiatique jamais achevé.
En ce sens, il devrait être le septième (nous, francs-maçons, éprouvons une attirance particulière pour le nombre 7, auquel nos rites attribuent une valeur symbolique particulière) ouvrage consacré à ma perception de la Franc-maçonnerie en ses dimensions sociologiques, psychologiques et philosophiques.
Les six précédents ouvrages constituent, maçonniquement, un champ de pierres plus ou moins bien taillées. Ces pierres vont nous servir de guide de voyage pour cette nouvelle aventure spirituelle. Elles seront, en quelque sorte, un chantier de fouilles dans la caverne de mon archéologie personnelle ; à la recherche des traces de mon passage en ce bas monde, plus spécifiquement maçonnique. Sans doute n’est-il pas inutile, au moment de prendre le départ de les réunir dans notre besace de Compagnon et donc d’en rappeler ici la liste :
- « La Franc-maçonnerie porte du devenir. Un laboratoire de reliance », Paris, Detrad, 1998 ;
- « La fraternité maçonnique », Paris, Edimaf, 2001 ; 4e éd 2012, ;
- « L’initiation maçonnique à partir et au-delà du secret », Paris, Detrad, 2004 ;
- « Les sept piliers de la reliance maçonnique », Paris ,Edimaf, 2009, Bruxelles,Logos 2011 ;
- « La Franc-maçonnerie en débat paroles croisées de deux frères », avec Jacques Fontaine, Paris,Dervy, 2010 ;
- « Le paradoxe d’un personnaliste laïque et franc-maçon. La Franc-maçonnerie, la personne, leur(s) secret(s) », Paris, Detrad, 2017.
« Les nourritures terrestres » d’André Gide. Surgit alors, par évocation à l’œuvre maîtresse de cet autre auteur marquant de mon adolescence, Marcel Proust, «A la recherche des traces perdues » ou encore « à la recherche des œuvres perdues ». Mais finalement, sans nier ses amours adolescentes, j’ai décidé de tenir compte, en tant qu’adulte, de la lumière que j’ai reçue ou découverte aux différents degrés de ma progression initiatique toujours inachevée et j’ai opté pour le titre « la spirale initiatique d’un vieux maçon »...
Première spire. Œuvre de l’Apprenti :
reliance à soi, travail sur l’identité
Deuxième spire : œuvre du Compagnon :
reliance à autrui, travail sur la fraternité
Troisième spire. Œuvre du Maître :
reliance au monde, travail sur la citoyenneté
Quatrième spire. Œuvre du Prince Rose-Croix :
reliance à l’univers et au cosmos, travail sur la spiritualité
Cinquième spire. Œuvre du Chevalier Kadosh :
reliance à la Lumière, travail sur le sens.
Ultime spire : à partir et au-delà du Temple
Reliance à soi, travail sur l’identité
5962. Cérémonie d’initiation au premier degré : trois épreuves (eau, air, feu … le quatrième élément, la terre, en tant qu’épreuve a été celle du cabinet de réflexion) sous la forme de trois voyages ; puis la petite Lumière, le Serment, la Grande Lumière.
Me voici dûment intronisé franc-maçon, Frère reconnu membre de la « Respectable Loge Les Amis Philanthropes » à l’Orient de Bruxelles, elle-même membre du Grand Orient de Belgique (GOB), où je suis convié à œuvrer au « Progrès de l’Humanité », dans un premier temps en tant qu’Apprenti.
Première émotion : je suis intégré dans une promotion baptisée « promotion Georges Beernaerts », du nom de celui qui a été Sérénissime Grand Maître du Grand Orient de 1960 à 1962, peu après que celui-ci et la Grande Loge de Belgique aient malheureusement été séparés. C’était un ami de mes parents, lieutenant-général (grade le plus élevé de la hiérarchie militaire belge), résistant recherché par les occupants allemands, caché pendant plusieurs jours par ceux-ci durant la guerre dans les années 40. Je viens de recevoir le texte prononcé lors de son intronisation : il témoigne d’une exceptionnelle hauteur de vue, exprimant douloureusement le drame provoqué par ce divorce maçonnique. Durant toute ma vie maçonnique je me suis inspiré du modèle d’humanisme engagé qu’il nous a donné.
En revivant cette expérience existentielle fondamentale de mon initiation, plusieurs réflexions me viennent à l’esprit.
La première concerne le caractère judicieux du conseil que m’ont donné mes parrains avant l’initiation, ne pas lire trop d’ouvrages sur la Franc-maçonnerie, afin d’arriver le plus vierge possible au jour J et de demeurer disponible pour vivre les émotions lors de cette « épreuve ». Ce conseil, je l’ai constamment transmis aux profanes me manifestant leur désir de frapper à la porte du Temple.
La deuxième réflexion constituerait, elle, plutôt un reproche adressé à mes chers parrains : ils ne m’ont pas décrit les différentes Obédiences où j’aurais pu m’affilier, notamment les Obédiences mixtes favorisant un travail de genre. Si cette information m’avait été fournie, j’aurais probablement opté pour le GO, par respect pour mes parrains. Je ne regrette pas la décision prise, car j’ai découvert la spécificité culturelle et fonctionnelle d’une telle association masculine, vu son caractère « initiatique » qui la distingue des organisations profanes telle les Rotarys ou les clubs sportifs… thèse que j’ai développée et défendue en de nombreux articles depuis lors.
Une troisième réflexion ne peut manquer de se développer à partir de la double expérience du cabinet de réflexion (précisément !) et du testament philosophique. Le premier, minuscule pièce sombre où le profane est entouré de maints symboles existentiels, censés inviter le postulant à s’interroger sur son passé, sur le sens de sa vie et de sa démarche. Le second, lui propose de méditer sur son présent et son futur, et de se projeter dans ces deux dimensions de son temps personnel pour tenter d’exprimer un dernier message, en quelque sorte l’essentiel de ses convictions et ses espoirs de transmission. Selon moi, il s’agit en l’occurrence de deux expériences essentielles favorisant l’introspection personnelle, dans la solitude, sans aide humaine extérieure. J’ai d’ailleurs évoqué plus haut, dans ma description des expériences vécues à la porte du temple et développé quelques sentiments qu’elle m’ avait inspirés. Leur trace indélébile n’a cessé depuis lors de se déployer dans ma mémoire d’éternel Apprenti.
Quant à la quatrième réflexion, inspirée par le passage sous le bandeau, elle se situe dans le prolongement de la précédente. Interrogé dans le Temple, le profane, les yeux bandés, est incité, une nouvelle fois à un retour sur soi, à un travail d’introspection, de reliance à soi, mais cette fois avec l’aide des Colonnes s’exprimant par la voix de l’interrogateur. Certains profanes, désarçonnés par une situation inhabituelle, par eux vécue comme angoissante, n’ont conservé de ce moment de vérité qu’un mauvais souvenir. Personnellement, j’ai vivement apprécié cette expérience, ai regretté qu’elle soit trop rapidement terminée ; à la limite j’aurais souhaité que ma remise en question soit plus approfondie.
Ma cinquième et (momentanément ?) dernière réflexion, consacrée, elle, au Serment prononcé à la fin de la cérémonie. Il nous est souvent reproché par les mouvements extérieurs (qui ne nous veulent pas que du bien !) : ils y dénoncent la dimension secrète de notre Ordre. En effet, nous jurons de ne pas dévoiler la qualité maçonnique de nos Frères, sauf s’ils n’y voient nul inconvénient, ou se sont déjà affirmés comme franc-maçons. Ce serment et ce secret, je les ai scrupuleusement respectés tout au long de ma vie maçonnique. Secret justifié par les persécutions subies par les franc-maçons dans maints régimes totalitaires (nazisme, fascisme, communisme…) et par l’excommuniante l’Eglise catholique (rappelons-nous les exigences de ma grand-mère paternelle…). Quant au Grand Secret objet de tant de fantasmes (et de l’une de mes motivations initiales), il existe et n’existe pas « en même temps » : il n’existe pas là où on l’imagine (théorie du complot), mais il existe et est à découvrir en chacun de nous… ce qui est le sens profond de l’initiation et de la poursuite du voyage initiatique.
Car, après l’initiation au grade d’Apprenti, vécue par moi en 5962, ma progression initiatique – autorisons- nous pour quelques instants un saut dans le futur passé- s’est poursuivie par des initiations aux grades de Compagnon en 5963, puis de Maître en 5965. Ces initiations ont été marquées, entre autres activités symboliques , par la rédaction par moi en tant que candidat à de telles « promotions », de travaux personnels synthétisant mes acquis maçonniques au fil des tenues, des rencontres et des voyages en d’autres Loges. A chacune de ces initiations, et donc de ces grades, l’accent est mis sur une valeur fondamentale (« une « pierre brute ») à tailler et polir plus particulièrement : l’identité pour l’Apprenti, la fraternité pour le Compagnon, la citoyenneté et l’humanité pour le Maître. Puis il y a les Hauts Grades, non indispensables pour se voir reconnaître la qualité de Frère Maçon initié complet, mais dont je ne percevrai l’intérêt que plus tard…
Toutefois, n’anticipons pas trop. Tenons- nous en pour le moment au contenu de notre première spire : l’œuvre attendue de l’Apprenti, son travail sur l’identité en général , sur son identité en particulier.
Au moment de rassembler mes souvenirs et mes sentiments vécus lors de cette expérience de jeune Apprenti, trois thèmes me remontent à la mémoire que je souhaite évoquer maintenant : la lumière, le silence, le travail sur mon identité...