Il n’est pas la vocation des franc-maçons de résoudre les problèmes de la Société, ni de la changer, mais plutôt de rendre la vie des hommes plus vivable, plus humaine, plus fraternelle. Ceci en toute société, telle qu’elle est dans son progrès, dans son étape d’Histoire. Ainsi, un sujet comme celui de cette « planche » lue et réfléchie dans les Loges maçonnique, n’est pas typique. Les maçons professent que l’amélioration du Monde commence avec nous-mêmes, avec notre progrès spirituel. Pourtant ce type de sujet s’impose à notre attention car bientôt, l’humanité devra le regarder en face. Avec sagesse.
En octobre 2017, la revue PLoS One montre, à partir d'une étude internationale analysant les données de captures d'insectes en Allemagne (3), que plus de 75% des insectes sont disparus en Europe en 30 ans. Les insectes du monde entier sont en voie d’extinction, menaçant d’un «effondrement catastrophique des écosystèmes naturels», se sont alarmé des chercheurs dans un article de Biological Conservation (4). Ils ont effectué une méta- analyse de 73 études différentes portant sur l’état de la faune entomologique. Les résultats qui en ressortent sont alarmants. Selon les experts ayant travaillé sur ce rapport, nous faisons face « au plus massif épisode d'extinction » depuis la disparition des dinosaures. Les 73 études concernent surtout les espèces d'insectes européennes et nord-américaines. Même s’il est difficile d’extrapoler à une échelle mondiale sur la base de d’études très locales, les tendances sont claires et semblent généralisées. Plus de 40 % des espèces d’insectes sont en déclin et un tiers sont menacées. Leur taux de mortalité est huit fois plus rapide que celui des mammifères, oiseaux et reptiles. Au cours des trente dernières années, la masse totale des insectes existant dans le monde a diminué de 2,5 % chaque année. A ce rythme, les insectes pourraient disparaître d’ici à un siècle.
« C’est très rapide. Dans dix ans, il y aura un quart d’insectes de moins, dans cinquante ans, plus que la moitié, et dans cent ans, il n’y en aura plus », a déclaré au Guardian dimanche 10 février Francisco Sánchez-Bayo, de l’université de Sydney (Australie), qui a collecté les données avec Kris Wyckhuys de l’Académie des sciences agricoles à Beijing (Chine).
Des effondrements de populations d’insectes ont récemment été signalés en Allemagne et à Porto Rico, où une récente étude a révélé une chute de 98 % des insectes terrestres depuis trente-cinq ans, mais l’étude montre clairement que la crise est mondiale. Les papillons et les papillons de nuit sont parmi les plus touchés.
Les abeilles ont également été gravement touchées, la moitié seulement des espèces de bourdons recensées en Oklahoma aux États-Unis en 1949 étant présentes en 2013. Le nombre de colonies d’abeilles aux États-Unis était de six millions en 1947, 3,5 millions ont disparu depuis. Il existe plus de 350 000 espèces de coléoptères et on pense que beaucoup d’entre elles ont décliné, en particulier les dendroctones du fumier. Si on dispose de beaucoup moins d’informations sur les mouches, fourmis, pucerons, insectes boucliers et criquets, les experts affirment qu’il n’y a aucune raison de penser qu’ils s’en sortent mieux que les espèces étudiées.
Au début du mois de mars de cette année (2019), le WWF en partenariat avec un groupe d'experts du Tyndall Centre for Climate Change de l'Université d'East Anglia établit que dans le cas d'un réchauffement du climat de 4,5 degrés, 50 % des espèces qui peuplent actuellement 35 régions identifiées comme étant particulièrement riches en biodiversité disparaîtront à l'horizon 2080 (5). Dans le cas d'un réchauffement "contenu" à 2 degrés, conformément aux accords de Paris, ce serait 25 % de ces espèces qui seraient condamnées à même échéance.
Le 27 octobre 2016, l'ONG World Wild Fund for Nature (WWF), en partenariat avec la London Zoological Society et l'ONG Global Footprint Network, publie une étude (7) qui démontre qu'en 40 ans, plus de 50 % de la population de vertébrés a disparu de la surface de la Terre.
Toutes ces données scientifiques corroborent l'ensemble des indicateurs à notre disposition: la vie disparaît de notre planète. Et le rythme s'accélère.
Les causes sont connues, identifiées, établies: utilisation et émission massive de produits chimiques et pétroliers par l'agriculture et l'industrie; disparition des zones naturelles et déforestation, artificialisation des sols et ruptures des continuités écologiques; réchauffement climatique rapide sans possibilité pour la faune et la flore de s'y adapter; prélèvement excessif sur les populations animales par les activités de pêche industrielle; activités minières irraisonnées qui détériorent et polluent de nombreux écosystèmes; explosion de la quantité de déchets produits par les humains (8). Ces causes qui conduisent à l'effondrement de la vie sur Terre ont un point d’origine: la prédation productiviste de l'Homme sur l'environnement, dictée par le culte de la croissance. Ce modèle dit "de développement" constitue une arme de destruction massive contre la Nature.
Il est urgent de réaliser que les générations humaines actuelles ont la responsabilité décisive de stopper ce désastre ou bien de le subir. Le sixième épisode d'extinction massif depuis l'apparition de la vie sur notre planète, le premier exclusivement dû à l'activité humaine, se déroule sous nos yeux. La génération dite des "millénium", née aux alentours des années 2000, pourrait être celle qui connaîtra les conséquences de la disparition massive du vivant actuellement en cours.
La surexploitation, ainsi qu’une agriculture en pleine expansion, sont le résultat de notre consommation effrénée. Au cours des cinquante dernières années, notre empreinte écologique (mesure de notre consommation en ressources naturelles) a augmenté d’environ 190% (7). La création d’un système plus durable nécessitera des changements majeurs dans les activités de production, d’approvisionnement et de consommation. Pour cela, nous avons besoin d’une compréhension détaillée de la façon dont ces composants complexes s’articulent, mais aussi d’acteurs impliqués, du champ à la mise en rayon, où qu’ils se trouvent sur la planète.
Face à la réalité de cet effondrement, les réponses politiques actuellement mises en œuvre trahissent une forme de déni. L'enjeu n'est pas de retrouver un prétendu "âge d'or" où la coexistence entre la Nature et l'humain était harmonieuse. Celui-ci n'a jamais existé. Ce qui a changé, ce sont les moyens "surhumains" qu'une technique sans éthique a mis à la disposition de l'humanité pour altérer les éléments indispensables à la vie : l'eau, l'air, la terre, tout comme elle exploite les ressources minières et les êtres vivants de la planète. La capacité de nuisance de l'humanité sur la nature décuplée par la révolution industrielle et l'expansion d'un modèle productiviste, orienté vers la promotion de la surconsommation matérielle et la mal-consommation alimentaire, nous oblige à inventer un nouveau modèle politique, économique, démocratique et social dont l'objectif est la reconquête de la vie.
Partout où des politiques respectueuses des droits humains visant à une réduction de la fertilité ont été implémentées, les indices de fertilité ont diminué en une ou deux générations. Ces politiques comprennent la reconnaissance publique du problème, le développement d’un service de planning familial abordable, un large accès à des moyens de contraception modernes, la suppression du soutien gouvernemental aux grandes familles, rendre obligatoire l’éducation sexuelle à l’école, donner la priorité à l’éducation des jeunes filles et des femmes et enfin de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes.
LF:. mai 2019
Références :
1. Y.M. Bar-On, R. Phillips, and R. Milo, The biomass distribution on Earth, PNAS (2018) 115, 6506-6511.
2. R. Carson, Silent Spring, 1962, Houghton Mifflin Harcourt Eds, Boston, MA.
3. C.A. Hallmann, M. Sorg, E. Jongejans, et al. (2017) More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas. PLoS ONE 12 (10), e0185809.
4. F. Sánchez-Bayo & K.A.G.Wyckhuys, Worldwide decline of the entomofauna: A review of its drivers, Biological Conservation (2019), 232, 8-27.
5. W.R. Price, J. VanDerWal, J. Cornelius & S., Sohl, H. The Implications of the United Nations Paris Agreement on Climate Change for Globally Significant Biodiversity Areas. Climatic Change, 2018.
6. Voir https://www.mnhn.fr/fr/recherche-expertise/actualites/printemps-2018-s-annonce-silencieux- campagnes-francaises
7. WWF (2018). Rapport Planète Vivante® 2018 : Soyons ambitieux. Grooten, M. and Almond, R.E.A.(Eds). WWF, Gland, Suisse
8. Ripple et al, World Scientists’ Warning to Humanity: A Second Notice, BioScience (2017), 67, 1026– 1028.
9. W. Steffen, L. Deutsch, C. Ludwig, W. Broadgate, W. and O. Gaffney, The trajectory of the Anthropocene: The great acceleration. Anthropocene Review (2015) 2(1), 81-98.
10. Crist et al., The interaction of human population, food production, and biodiversity protection, Science (2017), 356, 260–264.
11. UN Environment (2019). Global Environment Outlook – GEO-6: Healthy Planet, Healthy People. Nairobi. DOI 10.1017/9781108627146.