Un deuxième texte de référence dans la série dédiée au 50e anniversaire de la R :. L:. Mozart et Voltaire. Cette planche signée par notre F :. Claude Cavin (un des FF:. qui ont fortement marqué le climat de la Loge) semble une des meilleures déclarations de l’esprit « Mozart et Voltaire » Avec le vœu que ce bel esprit se perpétue, nous sommes heureux de pouvoir la garder dans notre trésor de MÉMOIRE VIVANTE.
Voltaire !
Encore qu'en matière d'insolence il serait plus exact de parler d'ironie, voire d'effronterie pertinente dans la mesure où la légèreté Mozartienne de ses traits d'esprit s'appuyait sur de solides études et une mise à jour régulière de ses connaissances.
A ce sujet on relèvera avec intérêt sa technique qui consistait à résumer les livres qui l'avaient intéressé, a une cinquantaine de pages au maximum, témoignant ainsi de sa volonté d'aller à l'essentiel.
On pourrait certes sourire de son goût pour les honneurs, de sa flagornerie et du reniement de certains de ses ouvrages s'il ne convenait d'approcher la vie de cet homme qu'en se rappelant ce qu'était le XVIIIème siècle, avec le poids d'une Église toute puissante, d'une Noblesse privilégiée et d'un Tiers État peu favorise. Si la torture, en tant que mesure d'instruction, venait a peine d'être abolie, on brûlait encore les sorcières, le droit de cuissage subsistait, la liberté de presse était inexistante et le chevalier de la Barre pouvait être condamne a mort pour avoir manque de respect a une procession religieuse.
On ne saurait donc entre équitable en jugeant les défauts de cet homme avec les yeux d'un homme du XXème siècle.
Par contre, en ce qui concerne ses qualités, même vues depuis notre époque, on ne peut être qu'agréablement surpris.
Ses idées sur la tolérance n'ont pas pris une ride, sa modification de l'orthographe de la langue française n'a pas été changée, le livre de poche qu'il avait crée avec son dictionnaire philosophique a connu un succès mondial, ses principes d'approche de l'histoire, bien qu'améliorés sont reconnus par les spécialistes, ses méthodes de marketing des montres sont toujours en vigueur et last but not least, ses mots d'esprit régulièrement cites avec délectation par ceux qui les connaissent font la joie de ceux qui les découvrent.
Quant a son œuvre écrite, ses ouvrages sont régulièrement réédites, de même que sa correspondance et bien que son théâtre semble tomber quelque peu dans l'oubli, il lui arrive cependant encore de provoquer des tempêtes occasionnelles ainsi que le démontre le récent problème de la pièce "Mahomet" qui a réveillé les passions des sots.
En bref, cet homme aura toujours été en avance.
Aussi n'est-il pas étonnant que lors de sa réception le 7 avril 1778 à la L :. Des Neuf Sœurs, à l Or:. de Paris, le F :. Lalande lui ait déclaré:
"Ainsi, T:. C:. F:., vous étiez F:.M:. avant même d'en avoir reçu le caractère et vous en avez rempli les devoirs avant même d'en avoir contracté l'obligation de vos mains...
Ceci n'avait pas échappé à notre T:. C:. F:. Georges Kleinmann, qui dans sa planche ciselée pour l'ouverture de notre atelier, intitulée "Pourquoi Mozart, pourquoi Voltaire", avait relevé ces qualités qui appartenaient tant a l'un qu'a l'autre lorsqu'ils jugèrent bon de se mettre a l'ordre.
Toutefois, se mettre à l'ordre ne veut pas dire "rentrer dans le rang", bien au contraire!
Cela m'amène à penser qu'il y a bien longtemps que je n'ai plus entendu ici d'effronterie pertinente consécutive à une réflexion sérieuse.
Tout au plus peut-on se féliciter, et j'en suis friand, des clins d'œil musicaux d'une légèreté mozartienne de notre responsable de la colonne d’harmonie, notre F :. Norbert, a la culture musicale et a l'esprit duquel je tiens à rendre ici un hommage appuyé. Grace a toi, mon cher Norbert, nous retrouvons cet esprit et cette légèreté que seules peuvent se permettre une culture et une recherche constante de la qualité avec ce sens de l'humour qui ont fait la renommée de notre L :.
Cela dit, je reste sur ma faim, dans la mesure ou pour le reste, le grave semble l'emporter sur le sérieux et le profond sur le léger, comme si les planches devaient être des pensums dont la conformité assurerait une honorabilité dont la finalité aléatoire déboucherait sur quelque bizutage rituel sous le regard bienveillant de quelques ancêtres - en âge mac:. s'entend - lesquels sortiraient enfin d'une torpeur ou les auraient plonge quelque intronisation de Grand Mamamouchi dont ils ne se seraient jamais remis.
Quel Ingénu nous régalera donc de quelques considérations relatives au goût du pouvoir des amateurs de mystères, religieux, scientifiques, politiques et même, oserait-on l'imaginer maç :.?
Quel homme aux quarante écus nous proposera quelque idée économique concrète, même décoiffante, pour sortir de la crise actuelle ?
Quel Zadig nous démontrera enfin l'influence des revers sur une destinée banale malgré une réussite affective, sociale et professionnelle inversement proportionnelle a une intense élévation spirituelle maç :. richement récompensée par quelque cordon resplendissant dont l'éclat éblouit les seuls vrais inities...
Quel Candide nous fera jubiler sur les âneries pontifiantes dont nous abreuvent dans les Cahiers Bleus certains Diafoirus de l'hermétisme et Trissottin de l'abscon qui par des raccourcis saisissants et un syncrétisme simpliste alignent des théories métaphysiques et philosophiques dont l'indigence surprend l'amateur le moins suspicieux et le plus bienveillant, au point qu'à un tel stade d'incompétence, le grand âge maç :. relève des soins gériatriques intensifs ou d'une fraternelle euthanasie active...
Cette année de tricentenaire de la naissance du patriarche de Ferney [19 juin 1994 ndlr] ne se prêterait-elle pas particulièrement à un tel feu d'artifice d'ironie pertinente qui confondrait les cagots, réchaufferait les mânes de Voltaire et remettrait quelques pendules a l'heure ?
J'ai dit, Ven:. M:. et vous tous mes FF:. en vos grades et qualités, mais je n'en pense pas moins...
Claude Cavin, juin 1994
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Illustration
*Voltaire à sa table de travail. Gravure par Baquoy, cca. 1795.